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30/04/2025 | FRANCE | N°23PA02847

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 30 avril 2025, 23PA02847


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner solidairement la Ville de Paris et l'Etat (préfecture de police) à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de l'exhumation de la dépouille de son grand-père et de son transfert en Israël, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande indemnitaire préalable, soit les 29 septembre et 2 octobre 2020 en ce qui concerne respectivement la

Ville de Paris et la préfecture de police.



Par un jugement n° 2101912-4-1 du 9 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner solidairement la Ville de Paris et l'Etat (préfecture de police) à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de l'exhumation de la dépouille de son grand-père et de son transfert en Israël, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande indemnitaire préalable, soit les 29 septembre et 2 octobre 2020 en ce qui concerne respectivement la Ville de Paris et la préfecture de police.

Par un jugement n° 2101912-4-1 du 9 février 2023, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à M. B... C... une somme de 6 000 euros en réparation de son préjudice moral, cette somme devant être assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande indemnitaire préalable, soit le 2 octobre 2020.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 juin 2023, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 février 2023 ;

2°) de rejeter la demande de M. B... C... devant le tribunal administratif.

Il soutient que la responsabilité de l'Etat ne peut pas être recherchée à raison de la faute qui résulterait de l'illégalité de la décision du 27 janvier 2016 par laquelle le préfet de police a autorisé l'exhumation et le transfert en Israël du corps de M. D... C..., dès lors que la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain a transféré la compétence de la police funéraire au profit de la Ville de Paris.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2024, M. B... C..., représenté par Me Lerat, conclut au rejet de la requête et, à titre incident, à la réformation du jugement en tant qu'il a limité l'évaluation de ses préjudices à la somme de 6 000 euros, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme complémentaire de 14 000 euros en réparation des préjudices subis, cette somme devant porter intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande préalable, soit à compter du 2 octobre 2020 ou, subsidiairement, à la condamnation de la Ville de Paris à lui verser la somme de 20 000 euros, en réparation des préjudices subis, cette somme devant porter intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2020, ou de condamner solidairement l'Etat et la Ville de Paris à lui verser la même somme dans les mêmes conditions et, dans tous les cas, à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat et de la Ville de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le moyen soulevé par le ministre de l'intérieur n'est pas fondé ;

- l'ensemble de ses préjudices doit être évalué à la somme de 20 000 euros compte tenu de l'importance de son préjudice moral, de ses troubles dans les conditions d'existence et de son préjudice financier résultant de ce que, pour faire l'aller-retour depuis chez lui dans le

3° arrondissement de Paris jusqu'au cimetière de Pantin, pour se recueillir sur une tombe vide, il a consacré trois heures de trajet sur son temps de travail ;

- à titre subsidiaire, si la Cour accueillait la requête de l'Etat, la responsabilité de la Ville de Paris devrait être engagée pour avoir exécuté la décision illégale du préfet de police.

Par ordonnance du 4 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au

19 septembre 2024.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bruston,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lerat, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 27 janvier 2016, le préfet de police a autorisé l'exhumation et le transfert en Israël du corps de M. D... C..., décédé le 26 juin 1986 et inhumé au cimetière parisien de Pantin. Il y a été procédé le 17 février 2016. Informé, le 22 juillet 2020, de l'exhumation du corps de son grand-père, réalisée sans son accord, M. B... C... a demandé à la Ville de Paris et à la préfecture de police l'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de l'exécution de cette décision. Son recours a été rejeté par des décisions implicites nées respectivement le 29 novembre et 2 décembre 2020. Par un jugement du 9 février 2023, dont le ministre de l'intérieur relève appel, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à M. B... C... une somme de 6 000 euros en réparation de son préjudice moral, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande indemnitaire préalable, soit le 2 octobre 2020.

Sur l'appel principal :

2. Aux termes de l'article L. 2213-8 du code général des collectivités territoriales : " Le maire assure la police des funérailles et des cimetières ". Aux termes de l'article L. 2213-9 du même code : " Sont soumis au pouvoir de police du maire le mode de transport des personnes décédées, le maintien de l'ordre et de la décence dans les cimetières, les inhumations et les exhumations, sans qu'il soit permis d'établir des distinctions ou des prescriptions particulières à raison des croyances ou du culte du défunt ou des circonstances qui ont accompagné sa mort ". Aux termes de l'article L. 2512-13 dans sa version applicable jusqu'au 1er juillet 2017 : " Dans la commune de Paris, le préfet de police exerce les pouvoirs et attributions qui lui sont conférés par l'arrêté des consuls du 12 messidor an VIII qui détermine les fonctions du préfet de police à Paris et par les textes qui l'ont modifié ainsi que par les articles L. 2512-7, L. 2512-14 et L. 2512-17. Toutefois, (...) le maire de Paris assure, dans les conditions définies par le présent code, les mesures de sûreté sur les monuments funéraires exigées en cas de danger grave ou imminent et prescrit, dans les conditions définies par l'article L. 511-4-1 du code de la construction et de l'habitation, la réparation ou la démolition des monuments funéraires menaçant ruine ". Aux termes de son article R. 2512-35 : " Le préfet de police exerce les attributions dévolues au maire par les articles (...) R. 2213-21, R. 2213-29, R. 2213-40 ". Aux termes de l'article R. 2213-21 de ce code : " Après fermeture du cercueil, le corps d'une personne décédée ne peut être transporté dans une commune autre que celle où cette opération a eu lieu, sans une déclaration préalable effectuée, par tout moyen écrit, auprès du maire de la commune du lieu de fermeture du cercueil, quelle que soit la commune de destination à l'intérieur du territoire métropolitain ou d'un département d'outre-mer ". Aux termes de l'article R. 2213-22 du même code : " Lorsque le corps est transporté en dehors du territoire métropolitain ou d'un département d'outre-mer, l'autorisation est donnée par le préfet du département où a lieu la fermeture du cercueil ". Aux termes de son article R. 2213-40 : " Toute demande d'exhumation est faite par le plus proche parent de la personne défunte. Celui-ci justifie de son état civil, de son domicile et de la qualité en vertu de laquelle il formule sa demande. L'autorisation d'exhumer un corps est délivrée par le maire de la commune où doit avoir lieu l'exhumation ". Aux termes de l'article L. 2512-13 dans sa version applicable depuis le 1er juillet 2017 : " I.- Dans la Ville de Paris, le préfet de police exerce les pouvoirs et attributions qui lui sont conférés par l'arrêté des consuls du 12 messidor an VIII qui détermine les fonctions du préfet de police à Paris et par les textes qui l'ont modifié ainsi que par les articles L. 2512-7, L. 2512-14 et L. 2512-17. II.- Toutefois, le maire de Paris est chargé de la police municipale en matière : (...) 4° De police des funérailles et des lieux de sépulture en application des articles L. 2213-7 à L. 2213-10 du présent code ainsi que de la police mentionnée au second alinéa du 2° du présent II en ce qui concerne les monuments funéraires menaçant ruine ; (...) III. -Pour l'application du présent article, le préfet de police exerce, à Paris, le contrôle administratif et le pouvoir de substitution conféré au représentant de l'Etat dans le département par le présent code et par les articles L. 126-36 et L. 511-7 du code de la construction et de l'habitation. ".

3. Il résulte de ces dispositions que, jusqu'au 1er juillet 2017, la maire de Paris ne disposait que d'une compétence résiduelle en matière de police des cimetières, particulièrement en ce qui concerne les monuments funéraires menaçant ruine, et que seul le préfet de police était compétent pour autoriser l'exhumation et le transport du corps d'une personne décédée. La circonstance que, depuis le 1er juillet 2017, la maire de Paris est compétente, à l'instar des autres maires, en matière de police de funérailles, d'inhumations et d'exhumations n'est pas de nature à permettre l'engagement de la responsabilité de la Ville de Paris du fait de décisions prises par l'Etat antérieurement, dès lors qu'il ne résulte pas des dispositions de la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain que le législateur aurait entendu opérer un transfert global de compétence comportant l'ensemble des droits et obligations, passés et à venir, relatifs à l'exercice de la compétence transférée.

4. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à réparer le préjudice subi par M. C....

Sur l'appel incident :

5. M. C... soutient que l'ensemble de ses préjudices, comprenant, outre son préjudice moral, des troubles dans ses conditions d'existence, doivent être évalués à la somme de 20 000 euros dès lors qu'il a été contraint d'engager des recherches afin de constater la réalité de l'exhumation de son grand-père, qu'il s'est recueilli pendant plus de quatre ans sur une tombe vide, en s'y rendant a minima trois fois par an, à l'occasion du nouvel an juif, le jour du grand pardon et l'anniversaire du décès de son grand-père, que le corps de son grand-père a été exhumé et transporté en dehors de France, de sorte qu'il lui est dorénavant impossible de se recueillir sur sa tombe autrement qu'en organisant un voyage à l'étranger, que M. A... C..., son père, a été enterré dans le cimetière de Pantin afin de pouvoir reposer auprès de son propre père et que dorénavant, il y repose seul. Il soutient, enfin, qu'il a subi un préjudice financier, dès lors que, pour faire l'aller-retour depuis chez lui dans le 3° arrondissement de Paris jusqu'au cimetière de Pantin, pour se recueillir sur une tombe vide, trois heures de trajet sont nécessaires. Toutefois, d'une part, les déplacements et les coûts allégués ne sont pas justifiés, d'autre part, les premiers juges, qui ont pris en compte l'ensemble des circonstances ainsi invoquées par M. C..., ont fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par l'intéressé en fixant le montant de son préjudice indemnisable à la somme de 6 000 euros.

6. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a fixé à 6 000 euros le montant de l'indemnisation due par l'Etat.

Sur les frais de l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 600 euros à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. C... est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... C....

Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Doumergue, présidente,

Mme Bruston, présidente assesseure,

M. Mantz, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2025.

La rapporteure,

S. BRUSTON

La présidente,

M. DOUMERGUELa greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA02847


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02847
Date de la décision : 30/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: Mme Servane BRUSTON
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : LERAT

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-30;23pa02847 ?
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