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29/04/2025 | FRANCE | N°24PA03555

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 29 avril 2025, 24PA03555


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 10 juin 2024 par lequel le préfet d'Eure-et-Loir l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.



Par un jugement n° 2408140 du 24 juillet 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal

administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 10 juin 2024 par lequel le préfet d'Eure-et-Loir l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2408140 du 24 juillet 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 août 2024, M. B..., représenté par Me Ehueni, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il justifie d'une entrée régulière sur le territoire français ainsi que d'une adresse stable ;

- la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il justifie d'une entrée régulière sur le territoire français ainsi que d'une adresse stable ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ;

- elle est insuffisamment motivée en droit ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire.

La requête a été communiquée au préfet d'Eure-et-Loir qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par un courrier en date du 4 mars 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de procéder d'office à une substitution de base légale, la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français trouvant sa base légale, non dans les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais dans celles du 2° du même article.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 19 mars 2025.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vrignon-Villalba ;

- les observations de Me Ehueni, avocat de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... B..., ressortissant ivoirien né le 3 novembre 1984, a été interpellé le 10 juin 2024 démuni de tout document l'autorisant à circuler ou à séjourner en France. Par un arrêté du 10 juin 2024, le préfet d'Eure-et-Loir l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement n° 2408140 du 24 juillet 2024 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté.

Sur l'arrêté dans son ensemble :

2. Par un arrêté n° 24-2024 du 13 mai 2024, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture d'Eure-et-Loir du 14 mai 2024, le préfet d'Eure-et-Loir a donné à Mme Agnès Bonjean, secrétaire générale de la préfecture d'Eure-et-Loir, délégation à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, contrats, circulaires, rapports, correspondances, procès-verbaux de réunion et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département d'Eure-et-Loir, parmi lesquelles figure la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement de M. A... C..., préfet d'Eure-et-Loir, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'a pas été absent ou empêché lors de la signature de l'acte contesté. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté comme manquant en fait.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; (...) ".

4. Pour prononcer à l'encontre de M. B... une obligation de quitter le territoire français, le préfet d'Eure-et-Loir s'est fondé sur les dispositions précitées du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour, en relevant que l'intéressé avait déclaré être entré irrégulièrement en France le 14 janvier 2024, démuni des documents prévus à l'articles L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que l'intéressé n'avait jamais entrepris de démarches administratives afin de régulariser sa situation sur le territoire français depuis sa date d'entrée en France. Toutefois, il ressort de la copie du passeport de l'intéressé, déjà produite en première instance par le requérant, que M. B... justifie être entré en France le 8 mai 2024 sous couvert d'un visa Schengen de court séjour valable du 5 au 30 mai 2024. Par suite, et quand bien même l'intéressé n'avait pas présenté les documents justifiant de son entrée régulière en France lors de son audition par les forces de l'ordre le 10 juin 2024, la décision en litige ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour.

5. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée.

6. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition du 10 juin 2024, que M. B..., qui s'est maintenu sur le territoire français après l'expiration de son visa le 30 mai 2024, a déclaré n'avoir entamé aucune démarche visant à régulariser sa situation. Dans ces conditions, à la date de la décision en litige, M. B... n'était pas titulaire d'un titre de séjour. Il s'ensuit que la décision contestée trouve son fondement légal dans les dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui peuvent être substituées à celles du 1° du même article dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces dispositions. La circonstance que le requérant disposerait d'une adresse stable ne remet pas en cause l'appréciation portée sur le caractère irrégulier de son séjour sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet d'Eure-et-Loir, en l'obligeant à quitter le territoire français, aurait commis une erreur d'appréciation doit être écarté.

Sur la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

7. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...), qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".

8. Il ressort des termes de la décision en litige que pour refuser à M. B... l'octroi d'un délai de départ volontaire, le préfet d'Eure-et-Loir a estimé qu'il existait un risque que l'intéressé se soustraie à l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français dès lors, d'une part, que l'intéressé, qui ne pouvait justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'avait pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour et d'autre part, qu'il ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes dans la mesure où il ne pouvait présenter de documents d'identité ou de voyage en cours de validité et qu'il ne justifiait pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale.

9. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des mentions du procès-verbal de l'audition de l'intéressé le 10 juin 2024, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, que M. B... a déclaré être hébergé depuis son arrivée en France chez un ami à Paris dont il ignorait l'adresse. Cet hébergement chez un tiers, nécessairement précaire, ne constitue pas une résidence stable au sens des dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, si M. B... soutient désormais qu'il dispose d'un domicile stable à Livry Gargan (Seine-Saint-Denis), il ne produit aucun élément de nature à établir la réalité de cette allégation. Enfin, si le préfet d'Eure-et-Loir a considéré à tort que M. B... était entré irrégulièrement en France et qu'il était dépourvu de tout document d'identité ou de voyage en cours de validité alors qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est entré en France le 8 mai 2024, sous couvert d'un visa Schengen de court séjour valable 5 mai au 30 mai 2024 et qu'il est titulaire d'un passeport en cours valable du 1er décembre 2023 au 30 novembre 2028, toutefois il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que le motif tiré du défaut de résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire serait entachée d'une erreur d'appréciation doit être écarté.

Sur la décision portant fixation du pays de renvoi :

10. En premier lieu, les moyens dirigés contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ayant été écartés, l'exception d'illégalité de ces décisions invoquée à l'appui des conclusions de M. B... dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.

11. En deuxième lieu, la décision en litige vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier son article 3, ainsi que les dispositions de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui constituent le fondement de la décision fixant le pays de renvoi. Elle mentionne également la nationalité de M. B... et précise que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et alors que le préfet d'Eure-et-Loir n'était pas tenu de viser les dispositions de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

12. Les moyens dirigés contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ayant été écartés, l'exception d'illégalité de ces décisions invoquée à l'appui des conclusions de M. B... dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.

13. Il résulte de ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 juin 2024 du préfet d'Eure-et-Loir. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet d'Eure-et-Loir.

Délibéré après l'audience du 31 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2025.

La rapporteure,

C. Vrignon-VillalbaLa présidente,

A. Menasseyre

La greffière

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°24PA03555


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA03555
Date de la décision : 29/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : EHUENI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-29;24pa03555 ?
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