Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles, qui a transmis cette demande au tribunal administratif de Montreuil, d'annuler l'arrêté du 6 juin 2023 par lequel le préfet des Yvelines l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination pour son éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2307740 du 9 avril 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 août 2024 M. A..., représenté par Me Boamah, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2307740 du 9 avril 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 juin 2023 du préfet des Yvelines ;
3°) d'enjoindre au préfet des Yvelines de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de la renonciation de son conseil à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le premier juge ne pouvait opérer d'office une substitution de base légale sans le mettre à même de se prononcer sur cette substitution ;
- le jugement a omis de répondre au moyen tiré de la violation des articles L. 5 du code de justice administrative et L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il est régulièrement entré en France ;
- la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'un défaut de motivation.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 5 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale sur les droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- et les observations de Me Boamah pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né en 1978, déclare être entré en France en juin 2022. Par un arrêté du 6 juin 2023 le préfet des Yvelines l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination pour son éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 776-13-2 du code de justice administrative, relatif aux recours contre les obligations de quitter le territoire français prises notamment, comme en l'espèce, sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre de personnes qui ne sont ni placées en rétention, ni assignées à résidence : " La présentation, l'instruction et le jugement des recours obéissent, sans préjudice de la section 1, aux règles définies (...) aux articles (...) R. 776-22 à R. 776-26, (...) ". Aux termes de l'article R. 776-25 du code : " L'information des parties prévue aux articles R. 611-7 et R. 612-1 peut être accomplie au cours de l'audience ".
3. En application des dispositions précitées le premier juge a pu régulièrement, contrairement à ce que soutient M. A... qui était présent et représenté à l'audience, soulever d'office à l'audience, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, le moyen tiré de ce que " le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pouvaient être substituées à celles du 1° de cet article ".
4. En second lieu, il résulte des termes du point 4 de son jugement que le tribunal n'a pas omis de statuer sur le moyen tiré de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, une violation de l'article L. 5 du code de justice administrative n'ayant par ailleurs jamais été invoquée.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. Il ressort des pièces du dossier que le requérant est entré en France, avec son épouse et leurs cinq enfants mineurs, au plus tôt en juin 2022 soit un an avant la décision attaquée, et que son épouse réside en situation irrégulière en France. Dans ces conditions, les seules circonstances que quatre de ses enfants ont été scolarisés pendant une année scolaire et qu'il a exercé une activité professionnelle en France pendant une année ne font pas obstacle à ce que la cellule familiale du requérant se reconstitue dans son pays d'origine avec son épouse et leurs enfants. Par ailleurs si l'intéressé était convoqué le 5 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Versailles en vue de la notification d'une ordonnance pénale, la décision d'éloignement contestée ne prive pas M. A... de la possibilité de faire valoir ses droits, notamment en se faisant représenter par un avocat lors de sa convocation. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale.
6. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. Compte tenu de la brièveté de leur séjour et de leur scolarisation en France, ainsi que de la possibilité d'une poursuite de la vie familiale et d'une scolarisation en Algérie, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée porterait atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, protégé par l'article 3-1 précité de la convention internationale sur les droits de l'enfant.
Sur la décision refusant un délai de départ volontaire :
8. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) ".
9. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que la décision refusant d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire est fondée sur l'absence de toute circonstance humanitaire et sur le fait qu'il ne peut justifier être entré sur le territoire français et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. L'erreur commise par le préfet sur le caractère régulier de l'entrée sur le territoire français de M. A... est, en l'espèce, sans incidence sur la légalité de cette décision, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur le seul motif, non contesté et qui suffit à fonder un refus de délai de départ volontaire, tiré de l'absence de demande de titre de séjour de M. A... et de l'absence de considérations humanitaires.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
10. M. A... reprend en appel le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision, sans apporter d'élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ce moyen par les premiers juges. Par suite il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Yvelines
Délibéré après l'audience du 25 mars 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Chevalier-Aubert, présidente,
Mme Hamon, présidente assesseure,
M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 avril 2025
La rapporteure,
P. HamonLa présidente,
V. Chevalier-Aubert
La greffière,
C. Buot
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24PA03531