Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête n° 2311032, Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour.
Par une requête n° 2400967, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2023 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.
Par un jugement n°s 2311032, 2400967 du 18 juin 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes, après les avoir jointes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2024, Mme A..., représentée par Me Lerein, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 juin 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 27 décembre 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour assorti d'une autorisation de travail ;
4°) à défaut, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation et de lui délivrer un récépissé lui permettant de travailler, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut d'examen de sa situation ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris du 11 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Desvigne-Repusseau a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante cambodgienne née en 1985, a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour enregistrée par les services de la préfecture de police le 8 avril 2022. La requérante fait appel du jugement du 18 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de la décision par laquelle le préfet de police a implicitement rejeté sa demande de titre de séjour en raison du silence gardé sur celle-ci pendant plus de quatre mois et, d'autre part, de l'arrêté du 27 décembre 2023 par lequel le même préfet a explicitement rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., qui réside habituellement en France depuis près de dix ans à la date de l'arrêté attaqué, justifie, par de nombreux bulletins de paie et témoignages circonstanciés, avoir développé sur le territoire français depuis le mois de novembre 2017 une expérience professionnelle significative en tant qu'employée familiale dans le domaine de l'assistance à la personne, ainsi que de son insertion dans la société française. Ainsi, le préfet de police, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, a, dans les circonstances de l'espèce, entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation. L'illégalité de cette décision entraîne, par voie de conséquence, celle des décisions du 27 décembre 2023 par lesquelles le même préfet a obligé Mme A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.
3. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution / (...) ". Aux termes de l'article L. 911-3 de ce code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ".
5. Eu égard au motif d'annulation retenu, et dès lors qu'il résulte de l'instruction que Mme A... est célibataire et sans charge de famille en France, le présent arrêt implique seulement, sous réserve d'un changement dans la situation de droit ou de fait de l'intéressée, que le préfet de police ou tout autre préfet devenu territorialement compétent délivre à celle-ci une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " salarié " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par Mme A....
Sur les frais liés au litige :
6. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 55 % par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris du 11 septembre 2024. Elle n'allègue pas avoir engagé d'autres frais que ceux partiellement pris en charge à ce titre. Son avocate n'a pas demandé que lui soit versée par l'Etat la somme correspondant aux frais exposés qu'elle aurait réclamée à sa cliente si cette dernière n'avait bénéficié de l'aide juridictionnelle. Dans ces conditions, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le remboursement à Mme A... de la part des frais exposés par elle, non compris dans les dépens et laissés à sa charge par le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n°s 2311032, 2400967 du tribunal administratif de Paris du 18 juin 2024 et l'arrêté du préfet de police du 27 décembre 2023 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police ou à tout autre préfet devenu territorialement compétent de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " salarié " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A... la part des frais exposés par elle, non compris dans les dépens et laissés à sa charge par le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au préfet de police, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à Me Lerein.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Chevalier-Aubert, présidente de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2025.
Le rapporteur,
M. Desvigne-RepusseauLa présidente,
V. Chevalier-Aubert
La greffière,
C. Buot
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA02877