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29/04/2025 | FRANCE | N°24PA02471

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 29 avril 2025, 24PA02471


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Alyzia Roissy Check 1 a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'annuler la décision du 10 juin 2022 par laquelle l'inspectrice du travail a retiré la décision du 22 février 2022 par laquelle elle l'avait autorisée à licencier Mme B... A... pour motif économique et a refusé cette autorisation.



Par jugement n° 2212520 du 24 avril 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande et a mis à la charge de la société A

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Alyzia Roissy Check 1 a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'annuler la décision du 10 juin 2022 par laquelle l'inspectrice du travail a retiré la décision du 22 février 2022 par laquelle elle l'avait autorisée à licencier Mme B... A... pour motif économique et a refusé cette autorisation.

Par jugement n° 2212520 du 24 avril 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande et a mis à la charge de la société Alyzia Roissy Check 1 la somme de 1 500 euros à verser à Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 7 juin et 24 septembre 2024, la société Alyzia Roissy Check 1, prise en la personne de la Selarl Benoit et Associés, mandataire judiciaire liquidateur, représentée par Me Gady, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2212520 du 24 avril 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler la décision du 10 juin 2022 par laquelle l'inspectrice du travail a retiré la décision du 22 février 2022 par laquelle elle avait autorisé à cette société le licenciement pour motif économique de Mme B... A... et a refusé cette autorisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 10 juin 2022 a été rendue à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle a été prise par une autorité dont l'impartialité est douteuse ;

- l'inspectrice du travail a méconnu le caractère contradictoire de l'enquête dès lors qu'elle ne lui a pas communiqué le recours gracieux de Mme A... ;

- le dispositif de transfert conventionnel de contrat de travail prévu par les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail n'était pas applicable à la situation des sociétés Alyzia Roissy Check 1 et 2 ;

- l'inspectrice du travail n'était pas compétente pour contrôler la réalité de la suppression du poste de Mme A... suite au placement en liquidation judiciaire de son employeur autorisant le liquidateur à procéder au licenciement du personnel, suppression qui est de toute façon établie par la cessation totale et définitive de son activité ;

- le non-respect des critères d'ordre de licenciement prévus par la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien ne peut lui être opposé dès lors que, en février 2022, l'ensemble des postes de la société a été supprimé ;

- s'agissant de son obligation de reclassement, le contrôle de l'inspection du travail était limité à l'absence de discriminations dès lors qu'elle était en liquidation judiciaire et qu'elle a respecté son obligation de reclassement ;

- elle a respecté son obligation de reclassement.

Par un mémoire enregistré le 2 août 2024 et un mémoire enregistré le 17 janvier 2025 qui n'a pas été communiqué, Mme B... A..., représentée par Me Cotza, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société ARC1 la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Alyzia Roissy Check 1 ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention enregistré le 18 octobre 2024, les sociétés Alyzia et Alyzia Roissy Check 2, représentées par Me Lepargneur, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2212520 du 24 avril 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler la décision du 10 juin 2022 par laquelle l'inspectrice du travail a retiré la décision du 22 février 2022 par laquelle elle avait autorisé à cette société le licenciement pour motif économique de Mme B... A... et a refusé cette autorisation.

Elles soutiennent que :

- elles ont intérêt à agir à l'appui des conclusions de la requête de la société Alyzia Roissy Check 1 dès lors que la société Alyzia Roissy Check 2, société sœur de la requérante, est directement mise en cause en raison d'un prétendu non-respect de la procédure de transfert conventionnel et que la société Alyzia détient à 100 % la société Alyzia Roissy Check 1 et qu'elles sont toutes deux mises en cause dans la procédure pendante devant le conseil des prud'hommes ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- les règles de transfert légal ou conventionnel n'ont pas été méconnues ;

- le principe du contradictoire n'a pas été respecté et l'inspectrice du travail n'a pas été impartiale ;

- la décision attaquée et le jugement contesté sont contradictoires avec des décisions antérieures définitives de l'inspecteur du travail ;

- l'inspectrice du travail n'avait pas à vérifier la régularité d'une opération de transfert conventionnel opérée 12 mois plus tôt ;

- la cour administrative d'appel n'est pas compétente pour apprécier la régularité de la procédure de transfert conventionnel ;

- la société Alyzia Roissy Check 2 a respecté toutes ses obligations légales et conventionnelles ;

- l'obligation de reclassement a été respectée.

La requête a été transmise à la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- les observations de Me Me Viala pour les sociétés Alyzia et Alyzia Roissy Check 2,

- et les observations de Me Cotza pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. La société Alyzia Roissy Check 1 (ARC 1) détenue à 100 % par la société holding Alyzia exécutait une mission d'assistance aux escales aéroportuaires notamment en matière de traitement de l'enregistrement des bagages sur les terminaux 1 et 3 de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. En raison de la pandémie de Covid-19, son activité a été arrêtée à compter du mois de mars 2020. A compter de mai 2020, le trafic a repris progressivement mais la fermeture des terminaux 1 et 3 a été maintenue par la société Aéroport de Paris à tout le moins jusqu'à l'année 2022 en raison du ralentissement du trafic aérien et de la réalisation de travaux entraînant la réaffectation des compagnies aériennes concernées au terminal 2. A compter de janvier 2021, la société ARC 1, estimant que cette fermeture entraînait un transfert de fait de l'activité vers le terminal 2, et par conséquent le transfert du personnel conformément à l'annexe VI de la convention collective nationale applicable, a engagé, auprès de 74 salariés sur les 229 salariés employés, un processus de proposition de mobilité vers la société Alyzia Roissy Check 2 (ARC 2) également détenue à 100 % par la société holding Alyzia et qui exerçait son activité sur le terminal 2, transfert qui a concerné 30 salariés sur les 74 auxquels le transfert avait été proposé. En mars 2021, la société holding Alyzia a décidé de transférer l'intégralité de l'activité de sa filiale d'exploitation ARC 1 vers la société ARC 2. Par jugement du 21 décembre 2021, le tribunal de commerce de Toulouse a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société ARC 1 et un document unilatéral valant plan de sauvegarde de l'emploi a été homologué par la direction régionale et interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) d'Ile-de-France le 24 janvier 2022. Par courrier du 2 février 2022, le mandataire judiciaire de la société ARC 1 a sollicité l'autorisation de licencier pour motif économique Mme A..., superviseur passage confirmé exerçant le mandat de membre de la délégation du personnel au comité économique et social. L'inspectrice du travail de la DRIEETS d'Ile-de-France a d'abord par décision du 22 février 2022 accordé l'autorisation de licenciement sollicitée puis, suite au recours gracieux formé par Mme A..., elle a, par décision du 10 juin 2022, retiré cette autorisation et l'a refusée. Par jugement n° 2212488 du 24 avril 2024, dont la société ARC 1 relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.

Sur l'intervention des sociétés Alyzia et Alyzia Roissy Check 2 :

2. La société holding Alyzia détient à 100 % la société ARC 1. La société ARC 2 détenue à 100 % par la société holding Alyzia exerce son activité au terminal 2 de l'aéroport Roissy Charles de Gaulle dans lequel ont été réaffectées les compagnies aériennes des terminaux 1 et 3. Elles sont toutes deux mises en causes dans la procédure pendante devant le conseil des prud'hommes de Bobigny à la suite du retrait de l'autorisation au vu de laquelle le salarié a été licencié. Ayant intérêt à l'annulation de ce retrait, elles sont recevables à intervenir au soutien des écritures de la société ARC 1.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

4. En se bornant à indiquer que la motivation du jugement attaqué est erronée et que la décision du 10 juin 2022 attaquée et le jugement contesté sont contradictoires avec des décisions antérieures définitives de l'inspecteur du travail, les sociétés Alyzia et ARC 2 n'établissent pas que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité. Si les sociétés ont entendu soutenir que le tribunal n'aurait pas répondu à un moyen tiré du traitement inégal réservé à des salariés protégés se trouvant dans la même situation, certaines autorisations ayant été retirées et d'autres pas, il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal était saisi d'une argumentation en ce sens.

Sur la légalité de la décision du 10 juin 2022 :

En ce qui concerne la légalité externe :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 122-1 de ce code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (...) ". Aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; (...) ". Il résulte des dispositions de l'article l. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration qu'il appartient à l'autorité administrative compétente pour adopter une décision individuelle entrant dans leur champ de mettre elle-même la personne intéressée en mesure de présenter des observations. Il en va de même, à l'égard du bénéficiaire d'une décision, lorsque l'administration est saisie par un tiers d'un recours gracieux contre cette décision. Ainsi, l'inspecteur du travail, saisi d'un recours gracieux contre une décision autorisant le licenciement d'un salarié protégé, doit mettre l'employeur, au profit duquel la décision contestée a créé des droits, à même de présenter des observations, notamment par la communication de l'ensemble des éléments sur lesquels il entend fonder sa décision, au nombre desquels figure évidemment le recours gracieux. Cette obligation revêt le caractère d'une garantie pour l'employeur.

6. Il ressort des pièces du dossier que l'inspectrice du travail a indiqué dans sa décision initiale, du 22 février 2022 tous les motifs, tenant au manquement à l'obligation de reclassement et à l'existence d'un lien avec le mandat, et à l'impossibilité dans laquelle elle estimait se trouver de déterminer si le poste du salarié avait bien été supprimé alors qu'il aurait pu être transféré, pour lesquels elle considérait que la demande d'autorisation de licenciement dont elle avait été saisie devait être rejetée avant, finalement, d'accorder à la société ARC 1 l'autorisation de licencier Mme A... pour motif économique, pour selon elle, ne pas la priver de ses droits et de toutes sources de revenus. Puis, par courrier du 25 avril 2022, reçu par la société requérante le 2 mai suivant, l'inspectrice du travail l'a informée qu'elle envisageait de retirer sa décision du 22 février 2022 qui était susceptible de s'avérer illégale aux motifs que " la décision prise autorisant le licenciement pour motif économique en application de l'avenant du 20 avril 2021 relatif à la modification de l'article 18 de la CCN, étendu au 9 juillet 2021, alors que le lien avec le mandat a pu être établit et que le défaut sérieux et loyal de reclassement n'a pas été satisfait, ainsi que la réalité de la suppression du poste concernant ARC 1 celles-ci auraient dû être refusées ". Elle a alors invité cette dernière à présenter ses observations au plus tard le 25 mai 2022 au soir. L'inspectrice du travail n'a communiqué au mandataire judiciaire de la société ARC 1, à sa demande, le recours gracieux formé par Mme A... que le 1er juin 2022 soit après l'expiration du délai qui lui était imparti. Toutefois, compte tenu des informations déjà présentes dans le courrier du 25 avril 2022, en dépit de l'obscurité de ses termes, et dans la décision du 22 février 2022, et eu égard au délai de 10 jours qui s'est écoulé entre la communication de ce recours gracieux et l'intervention de la décision attaquée, le 10 juin 2022, l'employeur de Mme A... a été mis à même de présenter utilement ses observations avant l'intervention de cette future décision et ne saurait être regardé comme ayant été privé de la garantie évoquée au point 5.

7. En deuxième lieu, les termes dans lesquels le courrier du 25 avril 2022 a été rédigé ne permettent pas de considérer, contrairement à ce que soutiennent la société requérante et les sociétés intervenantes, que l'inspectrice du travail n'aurait pas été impartiale.

8. En troisième lieu, la décision du 10 juin 2022 comporte les considérations de droit et de fait qui la fondent et répond aux prescriptions de L. 211-2 de code des relations entre le public et l'administration. La circonstance, invoquée par les sociétés intervenantes, selon laquelle elle n'était pas accompagnée de justificatifs ne saurait caractériser une insuffisance de motivation.

En ce qui concerne la légalité interne :

9. D'une part, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 641-4 du code de commerce : " (...) Les licenciements auxquels procède le liquidateur en application de la décision ouvrant ou prononçant la liquidation, le cas échéant au terme du maintien provisoire de l'activité autorisé par le tribunal, sont soumis aux dispositions de l'article L. 1233-58 du code du travail. (...) ". Aux termes de l'article L. 1322-58 de ce code : I.-En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, qui envisage des licenciements économiques, met en œuvre un plan de licenciement dans les conditions prévues aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4. (...) II.-Pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés, l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 est validé et le document mentionné à l'article L. 1233-24-4, élaboré par l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, est homologué dans les conditions fixées aux articles L. 1233-57-1 à L. 1233-57-3, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 1233-57-4 et à l'article L. 1233-57-7. (...) ".

10. D'autre part, aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. /Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. /Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. /L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret. /Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ".

11. Enfin, aux termes de l'article L. 1251-1 du code du travail : " Le recours au travail temporaire a pour objet la mise à disposition temporaire d'un salarié par une entreprise de travail temporaire au bénéfice d'un client utilisateur pour l'exécution d'une mission. / Chaque mission donne lieu à la conclusion : / 1° D'un contrat de mise à disposition entre l'entreprise de travail temporaire et le client utilisateur, dit " entreprise utilisatrice " ; / 2° D'un contrat de travail, dit " contrat de mission ", entre le salarié temporaire et son employeur, l'entreprise de travail temporaire. (...) ". Aux termes de l'article L. 1251-5 du même code : " Le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice. ". Et aux termes de l'article L. 1251-6 : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 1251-7, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée " mission " et seulement dans les cas suivants : / 1° Remplacement d'un salarié, en cas : / a) D'absence ; / b) De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ; / c) De suspension de son contrat de travail ; / d) De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'il en existe ; / e) D'attente de l'entrée en service effective d'un salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ; / 2° Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ; (...) ".

12. Il résulte des dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail que, pour apprécier si l'employeur ou le liquidateur judiciaire a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique d'un salarié protégé doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. En revanche, il ne lui appartient pas de vérifier le respect par l'employeur de son obligation de reclassement externe. Toutefois, lorsque le licenciement projeté est inclus dans un licenciement collectif qui requiert l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, lequel comprend, en application de l'article L. 1233-61 du code du travail, un plan de reclassement, et que ce plan est adopté par un document unilatéral, l'autorité administrative, si elle doit s'assurer de l'existence, à la date à laquelle elle statue sur cette demande, d'une décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, à défaut de laquelle l'autorisation de licenciement ne peut légalement être accordée, ne peut ni apprécier la validité du plan de sauvegarde de l'emploi ni, plus généralement, procéder aux contrôles mentionnés à l'article L. 1233-57-3 du code du travail qui n'incombent qu'au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétemment saisi de la demande d'homologation du plan. Il ne lui appartient pas davantage, dans cette hypothèse, de remettre en cause le périmètre du groupe de reclassement qui a été déterminé par le plan de sauvegarde de l'emploi pour apprécier s'il a été procédé à une recherche sérieuse de reclassement du salarié protégé. Dans l'hypothèse où une entreprise du périmètre de reclassement recourt, en application des dispositions citées au point 11, au travail temporaire dans des conditions telles qu'elles révèlent l'existence d'un ou plusieurs postes disponibles dans l'entreprise, peu important qu'ils soient susceptibles de faire l'objet de contrats à durée indéterminée ou déterminée, il lui appartient de proposer ces postes au salarié, pour autant qu'ils soient appropriés à ses capacités.

13. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que suite à la pandémie de Covid-19, la société Aéroports de Paris a décidé de fermer les terminaux 1 et 3 de l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle à compter du mois de mars 2020 jusqu'au moins l'année 2022 de sorte que le traitement des bagages des compagnies aériennes antérieurement affectées dans ses terminaux a été en partie au moins effectué dans le terminal 2, dans lequel cette activité était réalisée au sein du groupe Alyzia par la société ARC 2. Ce transfert d'activité créé par la situation de fait liée à la fermeture de ces deux terminaux a conduit la société ARC 1 à d'abord mettre en œuvre en mars 2021 une procédure de transfert des contrats de travail de certains de ses salariés vers la société ARC 2 avant d'être finalement placée par le jugement du 21 décembre 2021 du tribunal de commerce de Toulouse en procédure de liquidation judiciaire. Ainsi, il est constant que lorsque le mandataire judiciaire de la société ARC 1 a sollicité l'autorisation de licenciement des salariés protégés de la société, l'activité de cette dernière avait cessé définitivement et totalement de sorte que l'inspectrice du travail ne pouvait légalement fonder sa décision de rejet du 10 juin 2022 sur le motif tiré de ce que, en raison des modalités qui avaient présidé aux transferts volontaires de salariés effectués plus d'un an auparavant, elle n'était pas mise en mesure de déterminer si la réalité de la suppression du poste du salarié était établie.

14. En deuxième lieu, l'inspectrice du travail a, toutefois, également fondé la décision du 10 juin 2022 sur un second motif, tiré de ce que le mandataire judiciaire n'avait pas satisfait sérieusement et loyalement à son obligation de reclassement. Il ressort, tout d'abord, des pièces du dossier que le périmètre du groupe de reclassement qui a été déterminé par le document unilatéral valant plan de sauvegarde de l'emploi homologué par l'administration est celui du groupe Alyzia. Il appartenait donc à l'inspectrice de travail d'apprécier s'il avait été procédé à une recherche sérieuse de reclassement du salarié protégé au regard de ce périmètre. Les sociétés appelantes et intervenantes ne sont, par suite, pas fondées à soutenir que, en présence d'une société en liquidation, l'inspectrice du travail aurait dû limiter son contrôle à l'absence de discrimination.

15. Il ressort ensuite des pièces du dossier que, par courrier du 20 janvier 2022, 85 postes de reclassement ont été proposés à Mme A... au sein de la société ARC 2, 70 postes d'agent de passage à temps partiel coefficient 200 et 15 postes de leader coefficient 235 dont 6 à temps partiel. Or, Mme A... exerçait les fonctions de superviseur passage confirmé à temps complet avec une rémunération de 2 549,83 euros. Il apparait ainsi que seuls des postes sans rapport avec les qualifications de Mme A... lui ont été proposés, pour leur grande majorité à temps partiel et pour une rémunération inférieure à celle perçue auparavant alors que la société ARC 2 a eu parallèlement à cette procédure de reclassement recours à des intérimaires. L'inspectrice du travail a ainsi relevé, dans la décision attaquée, en mentionnant qu'elle a vérifié cette information sur le site " fiche commune entreprise " de sorte qu'elle ne s'est pas bornée à retenir les déclarations des salariés, contrairement à ce que fait valoir à tort la société requérante, que la société ARC 2 avait eu, parallèlement à cette procédure de reclassement, recours à des intérimaires, au nombre de soixante-trois en janvier 2022, quatre-vingt-sept en février 2022, quatre-vingt-quatre en mars 2022 et cent dix-neuf en avril 2022. Si la légalité de la décision retirée devait être appréciée à la date à laquelle elle avait été prise, soit en février 2022, l'inspectrice du travail pouvait valablement se référer à des circonstances postérieures susceptibles d'éclairer une situation préexistante et faisant apparaître qu'avant comme après l'autorisation en cause, une entreprise du groupe de reclassement avait recouru de manière significative à des travailleurs intérimaires pour un nombre d'heures correspondant à l'emploi de plusieurs salariés, ce dont il pouvait résulter que des postes étaient disponibles. La société requérante n'apporte aucun élément permettant de démontrer que les contrats de mise à disposition de ces salariés auraient été conclus pour des durées très courtes, afin de pallier des absences ponctuelles de salariés ou de faire face à des pointes isolées d'activité, et auraient ainsi présenté un caractère aléatoire, et de permettre de considérer que ces postes n'auraient pas pu être proposés au reclassement. En l'absence de précisions sur ces points, l'inspectrice du travail était fondée à considérer qu'au cours de la période durant laquelle la société ARC 1 devait rechercher à reclasser Mme A..., d'autres postes de reclassement auraient pu lui être proposés au sein du groupe auquel appartient cette société. Par suite, le mandataire judiciaire de la société ARC 1 ne peut être regardé comme ayant procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement de Mme A... au sein des entreprises relevant du périmètre du groupe de reclassement prévu par le document unilatéral valant plan de sauvegarde de l'emploi de la société ARC 1 de sorte que cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'inspectrice du travail a considéré qu'elle n'avait pas respecté son obligation de reclassement, circonstance de nature à faire légalement obstacle à ce que le licenciement soit autorisé. L'autorisation initialement accordée étant illégale, l'inspectrice du travail était, dès lors, fondée à en prononcer, dans le délai qui lui était imparti à cette fin, le retrait.

16. Enfin, si les sociétés soutiennent qu'un traitement inégal aurait été réservé à des salariés protégés se trouvant dans la même situation, certaines autorisations ayant été retirées et d'autres pas, elles ne démontrent, en toute hypothèse, pas que ces salariés se trouvaient effectivement, au regard, notamment, des fonctions antérieurement exercées, dans une situation similaire.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la société ARC 1 n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 10 juin 2022 par laquelle l'inspectrice du travail a retiré la décision du 22 février 2022 autorisant cette société à licencier pour motif économique Mme A... et a refusé cette autorisation.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société ARC 1 au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société ARC 1, partie perdante dans la présente instance, une somme de 2 000 euros à verser Mme A..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : L'intervention des sociétés Alyzia et Alyzia Roissy Check 2 est admise.

Article 2 : La requête de la société Alyzia Roissy Check 1 est rejetée.

Article 3 : La société Alyzia Roissy Ramp 1 versera la somme de 2 000 euros à Mme A..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Alyzia Roissy Check 1, à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, à Mme B... A..., à la société Alyzia et à la société Alyzia Roissy Check 2.

Délibéré après l'audience du 31 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2025.

La rapporteure,

A. ColletLa présidente,

A. Menasseyre

La greffière

N. Couty

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA02471


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA02471
Date de la décision : 29/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SOCIETE FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-29;24pa02471 ?
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