Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Alyzia Roissy Ramp 1 a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'annuler la décision du 10 juin 2022 par laquelle l'inspectrice du travail a retiré la décision du 22 février 2022 par laquelle elle l'avait autorisée à licencier M. A... B... pour motif économique et a refusé cette autorisation.
Par jugement n° 2212526 du 24 avril 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande et a mis à la charge de la société Alyzia Roissy Ramp 1 la somme de 1 500 euros à verser à M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 7 juin et 24 septembre 2024, la société Alyzia Roissy Ramp 1 prise en la personne de la Selarl Benoit et Associés, mandataire judiciaire liquidateur, représentée par Me Gady, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2212526 du 24 avril 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler la décision du 10 juin 2022 par laquelle l'inspectrice du travail a retiré la décision du 22 février 2022 par laquelle elle avait autorisé à cette société le licenciement pour motif économique de M. B... et a refusé cette autorisation ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du 10 juin 2022 a été rendue à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle a été prise par une autorité qui n'a pas été impartiale ;
- l'inspectrice du travail a méconnu le caractère contradictoire de l'enquête dès lors qu'elle ne lui a pas communiqué le recours gracieux de M. B... ;
- le contrôle de l'inspection du travail était limité à l'absence de discriminations dès lors qu'elle était en liquidation judiciaire ;
- elle a respecté son obligation de reclassement ;
- il n'y a pas eu de transfert d'entité économique autonome au sens des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ;
- le dispositif de transfert conventionnel de contrat de travail prévu par les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail n'était pas applicable à la situation des sociétés Alyzia Roissy Ramp 1 et 2 ni l'article 1er de l'annexe VI de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien.
Par des mémoires enregistrés les 2 août et 17 octobre 2024 et un mémoire enregistré le 17 janvier 2025 qui n'a pas été communiqué, M. A... B..., représenté par Me Cotza, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société ARP 1 la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Alyzia Roissy Ramp 1 ne sont pas fondés et que c'est à tort que l'inspectrice du travail n'a pas vérifié si le licenciement n'était pas intervenu en violation des règles sur le transfert des contrats alors qu'il aurait dû bénéficier d'un transfert légal ou, subsidiairement, conventionnel, de son contrat de travail vers la société Alyzia Roissy Ramp 2.
Par des mémoires en intervention enregistrés les 18 octobre et 22 novembre 2024, les sociétés Alyzia et Alyzia Roissy Ramp 2, représentées par Me Lepargneur, demandent à la cour de faire droit aux conclusions de la requête de la société Alyzia Roissy Ramp 1.
Elles soutiennent que :
- elles ont intérêt à agir à l'appui des conclusions de la requête de la société Alyzia Roissy Ramp 1 dès lors que la société Alyzia Roissy Ramp 2, société sœur de la requérante, est directement mise en cause dans ce contentieux et que la société Alyzia détient à 100 % la société Alyzia Roissy Ramp 1 et qu'elles sont toutes deux mises en cause dans la procédure pendante devant le conseil des prud'hommes ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- le principe du contradictoire n'a pas été respecté et l'inspectrice du travail n'a pas été impartiale ;
- la décision du 10 juin 2022 est insuffisamment motivée ;
- la décision du 10 juin 2022 et le jugement contesté sont contradictoires avec des décisions antérieures définitives de l'inspecteur du travail concernant un salarié protégé placé dans la même situation ;
- l'inspectrice du travail n'avait pas à vérifier la régularité des recherches de reclassement en présence d'un plan de sauvegarde de l'emploi homologué par l'administration ;
- l'obligation de reclassement a été respectée dès lors qu'elle a été sérieuse, loyale et complète ;
- la cour administrative d'appel n'est pas compétente pour apprécier la régularité de la procédure de transfert conventionnel ;
- M. B... n'avait pas à bénéficier d'un transfert légal vers la société Alyzia Roissy Ramp 2 et il n'avait pas non plus à être intégré dans le transfert conventionnel qui est intervenu.
La requête a été transmise à la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- les observations de Me Viala pour les sociétés Alyzia et Alyzia Roissy Ramp 2,
- et les observations de Me Cotza pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. La société Alyzia Roissy Ramp 1 (ARP 1) détenue à 100 % par la société holding Alyzia exécutait une mission d'assistance aéroportuaire, de nettoyage, de services généraux aux entreprises et de prestations de pistes sur les terminaux 1 et 3 de l'aéroport Roissy Charles de Gaulle. En raison de la pandémie de Covid-19, son activité a été arrêtée à compter du mois de mars 2020. A compter de mai 2020, le trafic a repris progressivement mais la fermeture des terminaux 1 et 3 a été maintenue par la société Aéroport de Paris, à tout le moins jusqu'à l'année 2022, en raison du ralentissement du trafic aérien et de la réalisation de travaux entraînant la réaffectation des compagnies aériennes concernées au terminal 2. A compter de janvier 2021, la société ARP 1, estimant que cette fermeture entraînait un transfert de fait de l'activité vers le terminal 2, et par conséquent le transfert du personnel conformément à l'annexe VI de la convention collective nationale applicable, a engagé, auprès de 37 salariés sur les 141 salariés employés, un processus de proposition de mobilité vers la société Alyzia Roissy Ramp 2 (ARP 2) également détenue à 100 % par la société holding Alyzia et qui exerçait son activité sur le terminal 2. La société holding Alyzia a alors décidé de transférer l'intégralité de l'activité de sa filiale d'exploitation ARP 1 vers la société ARP 2. En octobre 2021, le transfert proposé avait été accepté par 23 salariés. Par jugement du 21 décembre 2021, le tribunal de commerce de Toulouse a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société ARP 1 et un document unilatéral valant plan de sauvegarde de l'emploi a été homologué implicitement le 28 janvier 2022. Par courrier du 31 janvier 2022, le mandataire judiciaire de la société ARP 1 a sollicité l'autorisation de licencier pour motif économique M. B..., chef d'équipe exerçant le mandat de membre de la délégation du personnel au comité économique et social. L'inspectrice du travail de la DRIEETS d'Ile-de-France a d'abord par décision du 22 février 2022 accordé l'autorisation de licenciement sollicitée puis, sur recours gracieux formé par M. B..., elle a, par décision du 10 juin 2022, retiré cette autorisation et l'a refusée. Par jugement n° 2212526 du 24 avril 2024, dont la société ARP 1 relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.
Sur l'intervention des sociétés Alyzia et Alyzia Roissy Ramp 2 :
2. La société holding Alyzia détient à 100 % la société ARP 1. La société ARP 2 détenue à 100 % par la société holding Alyzia exerce son activité au terminal 2 de l'aéroport Roissy Charles de Gaulle dans lequel ont été réaffectées les compagnies aériennes des terminaux 1 et 3. Elles sont toutes deux mises en causes dans la procédure pendante devant le conseil des prud'hommes de Bobigny à la suite du retrait de l'autorisation au vu de laquelle le salarié a été licencié. Ayant intérêt à l'annulation de ce retrait, elles sont recevables à intervenir au soutien des écritures de la société ARP 1.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
4. En se bornant à indiquer que la motivation du jugement attaqué est contradictoire avec des décisions antérieures définitives de l'inspecteur du travail, les sociétés Alyzia et ARP 2 n'établissent pas que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité pour ce motif. Si les sociétés ont entendu soutenir que le tribunal n'aurait pas répondu à un moyen tiré du traitement inégal réservé à des salariés protégés se trouvant dans la même situation, certaines autorisations ayant été retirées et d'autres pas, il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal était saisi d'une argumentation en ce sens.
5. Par ailleurs, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Pour contester la régularité du jugement attaqué, les sociétés Alyzia et Alyzia Roissy Ramp 2 ne peuvent ainsi utilement soutenir que la motivation du jugement attaqué est erronée en raison du " manque de justificatifs afférents ", moyen qui concerne en fait l'appréciation qui a été retenue par les premiers juges des faits de l'espèce.
Sur la légalité de la décision du 10 juin 2022 :
En ce qui concerne la légalité externe :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 122-1 de ce code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (...) ". Aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; (...) ". Il résulte des dispositions de l'article l. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration qu'il appartient à l'autorité administrative compétente pour adopter une décision individuelle entrant dans leur champ de mettre elle-même la personne intéressée en mesure de présenter des observations. Il en va de même, à l'égard du bénéficiaire d'une décision, lorsque l'administration est saisie par un tiers d'un recours gracieux contre cette décision. Ainsi, l'inspecteur du travail, saisi d'un recours gracieux contre une décision autorisant le licenciement d'un salarié protégé, doit mettre l'employeur, au profit duquel la décision contestée a créé des droits, à même de présenter des observations, notamment par la communication de l'ensemble des éléments sur lesquels il entend fonder sa décision, au nombre desquels figure évidemment le recours gracieux. Cette obligation revêt le caractère d'une garantie pour l'employeur.
7. Il ressort des pièces du dossier que l'inspectrice du travail a indiqué, dans sa décision initiale, du 22 février 2022, tous les motifs, tenant au manquement à l'obligation de reclassement et à l'existence d'un lien avec le mandat, pour lesquels elle considérait que la demande d'autorisation de licenciement dont elle avait été saisie devait être rejetée avant, finalement, d'accorder à la société ARP 1 l'autorisation de licencier M. B... pour motif économique pour, selon elle, ne pas le priver de ses droits et de toutes sources de revenus. Puis, par courrier du 25 avril 2022, reçu par la société requérante le 2 mai suivant, l'inspectrice du travail a informé la société ARP 1 qu'elle envisageait de retirer sa décision du 22 février 2022 qui était susceptible de s'avérer illégale aux motifs que " la décision prise autorisant le licenciement pour motif économique en application de l'avenant du 20 avril 2021 relatif à la modification de l'article 18 de la CCN, étendu au 9 juillet 2021, alors que le lien avec le mandat a pu être établit et que le défaut sérieux et loyal de reclassement n'a pas été satisfait, ainsi que la réalité de la suppression du poste concernant ARC 1 celles-ci auraient dû être refusées ". Elle a alors invité cette dernière à présenter ses observations au plus tard le 25 mai 2022 au soir. L'inspectrice du travail n'a communiqué au mandataire judiciaire de la société ARP 1, à sa demande, le recours gracieux formé par M. B... que le 1er juin 2022, soit après l'expiration du délai qui lui était imparti. Toutefois, compte tenu des informations déjà présentes dans le courrier du 25 avril 2022, en dépit de l'obscurité de ses termes, et dans la décision du 22 février 2022, et eu égard au délai de 10 jours qui s'est écoulé entre la communication de ce recours gracieux et l'intervention de la décision attaquée, le 10 juin 2022, l'employeur de M. B... a été mis à même de présenter utilement ses observations avant l'intervention de cette future décision et ne saurait être regardé comme ayant été privé de la garantie évoquée au point 6.
8. En deuxième lieu, les termes dans lesquels le courrier du 25 avril 2022 a été rédigé ne permettent pas de considérer, contrairement à ce que soutiennent la société requérante et les sociétés intervenantes, que l'inspectrice du travail n'aurait pas été impartiale.
9. En troisième lieu, la décision du 10 juin 2022 comporte les considérations de droit et de fait qui la fondent et répond aux prescriptions de L. 211-2 de code des relations entre le public et l'administration. La circonstance, invoquée par les sociétés intervenantes, selon laquelle elle n'était pas accompagnée de justificatifs ne saurait caractériser une insuffisance de motivation.
En ce qui concerne la légalité interne :
10. D'une part, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 641-4 du code de commerce : " (...) Les licenciements auxquels procède le liquidateur en application de la décision ouvrant ou prononçant la liquidation, le cas échéant au terme du maintien provisoire de l'activité autorisé par le tribunal, sont soumis aux dispositions de l'article L. 1233-58 du code du travail. (...) ". Aux termes de l'article L. 1322-58 de ce code : I.-En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, qui envisage des licenciements économiques, met en œuvre un plan de licenciement dans les conditions prévues aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4. (...) II.-Pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés, l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 est validé et le document mentionné à l'article L. 1233-24-4, élaboré par l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, est homologué dans les conditions fixées aux articles L. 1233-57-1 à L. 1233-57-3, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 1233-57-4 et à l'article L. 1233-57-7. (...) ".
11. D'autre part, aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. / Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ".
12. Enfin, aux termes de l'article L. 1251-1 du code du travail : " Le recours au travail temporaire a pour objet la mise à disposition temporaire d'un salarié par une entreprise de travail temporaire au bénéfice d'un client utilisateur pour l'exécution d'une mission. / Chaque mission donne lieu à la conclusion : / 1° D'un contrat de mise à disposition entre l'entreprise de travail temporaire et le client utilisateur, dit " entreprise utilisatrice " ; / 2° D'un contrat de travail, dit " contrat de mission ", entre le salarié temporaire et son employeur, l'entreprise de travail temporaire. (...) ". Aux termes de l'article L. 1251-5 du même code : " Le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice. ". Et aux termes de l'article L. 1251-6 : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 1251-7, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée " mission " et seulement dans les cas suivants : / 1° Remplacement d'un salarié, en cas : / a) D'absence ; / b) De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ; / c) De suspension de son contrat de travail ; / d) De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'il en existe ; / e) D'attente de l'entrée en service effective d'un salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ; / 2° Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ; (...) ".
13. Il résulte des dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail que, pour apprécier si le liquidateur judiciaire a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique d'un salarié protégé doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. En revanche, il ne lui appartient pas de vérifier le respect par l'employeur de son obligation de reclassement externe. Toutefois, lorsque le licenciement projeté est inclus dans un licenciement collectif qui requiert l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, lequel comprend, en application de l'article L. 1233-61 du code du travail, un plan de reclassement, et que ce plan est adopté par un document unilatéral, l'autorité administrative, si elle doit s'assurer de l'existence, à la date à laquelle elle statue sur cette demande, d'une décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, à défaut de laquelle l'autorisation de licenciement ne peut légalement être accordée, ne peut ni apprécier la validité du plan de sauvegarde de l'emploi ni, plus généralement, procéder aux contrôles mentionnés à l'article L. 1233-57-3 du code du travail qui n'incombent qu'au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétemment saisi de la demande d'homologation du plan. Il ne lui appartient pas davantage, dans cette hypothèse, de remettre en cause le périmètre du groupe de reclassement qui a été déterminé par le plan de sauvegarde de l'emploi pour apprécier s'il a été procédé à une recherche sérieuse de reclassement du salarié protégé. Dans l'hypothèse où une entreprise du périmètre de reclassement recourt, en application des dispositions citées au point 12, au travail temporaire dans des conditions telles qu'elles révèlent l'existence d'un ou plusieurs postes disponibles dans l'entreprise, peu important qu'ils soient susceptibles de faire l'objet de contrats à durée indéterminée ou déterminée, il lui appartient de proposer ces postes au salarié, pour autant qu'ils soient appropriés à ses capacités.
14. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le périmètre du groupe de reclassement qui a été déterminé par le document unilatéral valant plan de sauvegarde de l'emploi implicitement homologué par l'administration est celui du groupe Alyzia. Il appartenait donc à l'inspectrice de travail d'apprécier s'il avait été procédé à une recherche sérieuse de reclassement du salarié protégé au regard de ce périmètre. Les sociétés appelantes et intervenantes ne sont, par suite, pas fondées à soutenir que, en présence d'une société en liquidation, l'inspectrice du travail aurait dû limiter son contrôle à l'absence de discrimination.
15. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 18 janvier 2022, le liquidateur judiciaire a communiqué aux salariés concernés, dont fait partie M. B..., préalablement à leur éventuel licenciement pour motif économique, une liste de 90 offres de postes de reclassement interne, à savoir 23 postes disponibles au sein de la société Airport Handling Partner en qualité d'assistant de piste à l'aéroport d'Orly avec une quotité de 35 ou 20 heures par semaine et un taux horaire de 10,57 euros, 50 postes au sein de la société SFH en qualité d'assistant de piste à l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle avec une quotité de 20 heures par semaine et un taux horaire de 11,58 euros, 15 postes au sein de la société ARP 2 en qualité d'assistant de piste à l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle avec une quotité de 20 heures par semaine et un taux horaire de 11,028 euros et 2 postes au sein de la société AST en qualité de responsable client piste à l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle et d'Orly avec une quotité de 151,67 heures par mois avec un salaire individualisé. Il apparaît ainsi que seuls des postes sans rapport avec les qualifications de M. B... qui exerçait les fonctions de chef d'équipe coefficient 220 avec un salaire mensuel brut de 1 794,48 euros lui ont été proposés et pour leur grande majorité à temps partiel et pour une rémunération inférieure à celle perçue auparavant. L'inspectrice du travail a relevé, dans la décision attaquée, en mentionnant qu'elle a vérifié cette information sur le site " fiche commune entreprise ", de sorte qu'elle ne s'est ainsi pas bornée à retenir les déclarations des salariés comme le fait valoir à tort la société requérante, que la société ARP 2 avait eu, parallèlement à cette procédure de reclassement, recours à des intérimaires, au nombre de douze en décembre 2021, trois en janvier 2022, zéro en février 2022, sept en mars 2022 et 44 en avril 2022. Si la légalité de la décision retirée devait être appréciée à la date à laquelle elle avait été prise, soit en février 2022, l'inspectrice du travail pouvait valablement se référer à des circonstances postérieures susceptibles d'éclairer une situation préexistante et faisant apparaître qu'avant comme après l'autorisation en cause, une entreprise du groupe de reclassement avait recouru de manière significative à des travailleurs intérimaires pour un nombre d'heures correspondant à l'emploi de plusieurs salariés, ce dont il pouvait résulter que des postes étaient disponibles. La société requérante n'apporte aucun élément permettant de démontrer que les contrats de mise à disposition de ces salariés auraient été conclus pour des durées très courtes, afin de pallier des absences ponctuelles de salariés ou de faire face à des pointes isolées d'activité, et auraient ainsi présenté un caractère aléatoire, et de permettre de considérer que ces postes n'auraient pas pu être proposés au reclassement. En l'absence de précision sur ces points, l'inspectrice du travail était fondée à considérer qu'au cours de la période durant laquelle la société ARP 1 devait rechercher à reclasser M. B..., d'autres postes de reclassement auraient pu lui être proposés au sein du groupe auquel appartient cette société. Par suite, le mandataire judiciaire de la société ARP 1 ne peut être regardé comme ayant procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement de M. B... au sein des entreprises relevant du périmètre du groupe de reclassement prévu par le document unilatéral valant plan de sauvegarde de l'emploi de la société ARP 1 de sorte que cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'inspectrice du travail a considéré qu'elle n'avait pas respecté son obligation de reclassement, circonstance de nature à faire obstacle à la demande d'autorisation de licenciement dont elle était saisie. L'autorisation initialement accordée étant illégale, l'inspectrice du travail était, dès lors, fondée à en prononcer, dans le délai qui lui était imparti à cette fin, le retrait.
16. Enfin, si les sociétés soutiennent qu'un traitement inégal aurait été réservé à des salariés protégés se trouvant dans la même situation, certaines autorisations ayant été retirées et d'autres pas, elles ne démontrent, en toute hypothèse, pas que ces salariés se trouvaient effectivement, au regard, notamment, des fonctions antérieurement exercées, dans une situation similaire.
17. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les demandes de substitution de motifs invoquées en défense, la société ARP 1 n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 10 juin 2022 par laquelle l'inspectrice du travail a retiré la décision du 22 février 2022 autorisant cette société à licencier pour motif économique de M. B..., et a refusé cette autorisation.
Sur les frais liés au litige :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société ARP 1 au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société ARP 1, partie perdante dans la présente instance, une somme de 2 000 euros à verser à M. B..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : L'intervention des sociétés Alyzia et Alyzia Roissy Ramp 2 est admise.
Article 2 : La requête de la société Alyzia Roissy Ramp 1 est rejetée.
Article 3 : La société Alyzia Roissy Ramp 1 versera la somme de 2 000 euros à M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Alyzia Roissy Ramp 1, à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, à M. A... B..., à la société Alyzia et à la société Alyzia Roissy Ramp 2.
Délibéré après l'audience du 31 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2025.
La rapporteure,
A. ColletLa présidente,
A. Menasseyre
La greffière
N. Couty
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 24PA02467