Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler, d'une part, la décision du 4 juin 2021 par laquelle l'inspectrice du travail de la section 2-4 de l'unité territoriale du Val-de-Marne de la direction régionale et interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France (DRIEETS) a autorisé la société Boulanger à le licencier pour motif disciplinaire ainsi que la décision du 17 novembre 2021 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a confirmé la décision de l'inspectrice du travail, d'autre part, les décisions de mise à pied à titre conservatoire des 2 mars et 3 avril 2021.
Par un jugement n° 2200350 du 2 avril 2024, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 4 juin 2021 et la décision de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion du 17 novembre 2021 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 mai 2024, et un mémoire enregistré le 20 mars 2025 qui n'a pas été communiqué, la société Boulanger SA, représentée par Me Dupuis, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Melun ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a retenu le moyen tiré de l'incompétence de Mme F... pour prendre la décision du 4 juin 2021 et qu'il a, pour ce motif, annulé cette décision ainsi que, par voie de conséquence, celle de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion du 17 novembre 2021 la confirmant ;
- les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 juillet 2024 et 10 mars 2025, M. A..., représenté par Me Bouaboud , conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à l'annulation de la décision d'autorisation de licenciement de l'inspectrice du travail du 4 juin 2021 et de celle de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion du 17 novembre 2021, et à ce que la somme de 9 120 euros soit mise à la charge de la société Boulanger au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de l'inspectrice du travail du 4 juin 2021 est entachée d'incompétence et le moyen soulevé par la société Boulanger n'est pas fondé ;
- en tout état de cause, cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- la procédure de consultation du comité sociale et économique est irrégulière, notamment en raison des pressions exercées sur l'un de ses membres ;
- les faits qui lui sont reprochés sont prescrits ;
- l'enquête interne était partiale ;
- les faits reprochés ne sont pas suffisamment graves pour justifier son licenciement notamment en ce qu'ils étaient tolérés par son employeur ;
- la demande de licenciement présente un lien avec son mandat ;
- la société Boulanger ne lui a pas communiqué ses documents de fin de contrat.
La requête a été communiquée au ministre en charge du travail, qui n'a pas présenté d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Thieffry pour la société Boulanger et de Me Bouaboud pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Le 16 avril 2021, la société Boulanger a sollicité auprès de l'administration l'autorisation de procéder au licenciement de M. A..., salarié protégé, pour motif disciplinaire. Par une décision du 4 juin 2021, l'inspectrice du travail de la section 2-4 de l'unité territoriale du Val-de-Marne de la direction régionale et interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France (DRIEETS) a autorisé son licenciement. Par une décision du 17 novembre 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, saisie par M. A... d'un recours hiérarchique, a confirmé la décision de l'inspectrice du travail. Par un jugement du 2 avril 2024, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 4 juin 2021 et la décision de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion du 17 novembre 2021 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande M. A.... La société Boulanger demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a, en son article 2, partiellement fait droit à la demande de M. A....
2. Aux termes de l'article L. 2411-5 du code du travail : " Le licenciement d'un membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique, titulaire ou suppléant ou d'un représentant syndical au comité social et économique, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. (...) ". Aux termes de L. 2421-3 du code du même code : " La demande d'autorisation de licenciement est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement dans lequel le salarié est employé. Si la demande d'autorisation de licenciement repose sur un motif personnel, l'établissement s'entend comme le lieu de travail principal du salarié (...) ". Aux termes de l'article R. 8122-3 de ce code : " Sans préjudice des dispositions de l'article R. 8121-15, les inspecteurs (...) du travail exercent leur mission : (...) / 2° (...) dans une unité de contrôle interdépartementale ; (...) ". Aux termes de l'article R. 8122-4 du même code : " Les unités de contrôle (...) interdépartementales (...) rattachées à une direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités, sont composées de sections, dans lesquelles un inspecteur ou un contrôleur du travail exerce ses compétences. (...). ". Et aux termes de l'article R. 8122-5 du même code : " (...) / II.- Dans chaque unité de contrôle mentionnée au 2° de l'article R. 8122-3, l'agent de contrôle de l'inspection du travail exerce ses missions sur le territoire d'une section. Il peut, lorsqu'une action le rend nécessaire, intervenir sur le territoire de son unité de contrôle et sur celui de l'unité départementale de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi à laquelle cette unité de contrôle est rattachée. (...) / IV.- Toutefois, l'inspecteur du travail est seul habilité à prendre, dans la section où il exerce ses missions, les décisions qui relèvent de sa compétence exclusive en vertu de dispositions législatives ou réglementaires. ".
3. Un inspecteur du travail ne peut légalement assurer l'intérim de l'inspecteur du travail territorialement compétent pour statuer sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé que s'il a été désigné à cette fin par une décision expresse du directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., membre de la délégation du personnel du comité social et économique, travaillait comme vendeur dans l'établissement de Thiais de la société Boulanger SA. En application de la décision n° 2021-29 du 1er avril 2021 relative à la localisation et à la délimitation des unités de contrôle et des sections d'inspection du travail de l'unité départementale du Val-de-Marne et de la décision n° 2021-29 du 1er avril 2021 portant nomination des responsables d'unités de contrôle et affectation des agents de contrôle des unités de contrôle interdépartementales, la demande d'autorisation de le licencier relevait de Mme B... C..., inspectrice du travail affectée à la section 5 de l'unité de contrôle n° 2 de l'unité territoriale du Val-de-Marne de la DRIEETS Val-de-Marne. La décision du 4 juin 2021 autorisant la société Boulanger à licencier M. A... n'a toutefois pas été prise par Mme C... mais par Mme E... F..., inspectrice du travail affectée à la section 4 de l'unité territoriale n° 2 du Val-de-Marne de la DRIEETS. Si l'administration se prévaut de ce que la décision du 1er avril 2021 portant nomination des responsables d'unités de contrôle et affectation des agents de contrôle des unités de contrôle interdépartementales prévoit, en son article 3, qu'en cas d'absence ou d'empêchement d'un agent de contrôle, l'intérim sera assuré à titre principal par l'un des dix-neuf autres agents de contrôle mentionnés à l'article 2, au nombre desquels figure Mme F..., cette seule mention, en vertu de laquelle l'intérim peut être indistinctement confié à plusieurs agents de contrôle, dont certains ne sont d'ailleurs pas inspecteurs du travail et n'ont dès lors pas compétence pour statuer sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, ne saurait être regardée comme désignant expressément Mme F... pour statuer sur une telle demande relevant de la compétence de l'inspectrice du travail de la section 5 et, partant, comme lui donnant compétence pour signer la décision en litige.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la société Boulanger n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Boulanger le versement d'une somme que M. A... demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Boulanger est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. A... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Boulanger, à la ministre de travail, de la santé, des solidarités et de la famille et à M. A....
Copie en sera adressée au directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 31 mars, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2025.
La rapporteure,
C. Vrignon-VillalbaLa présidente,
A. Menasseyre
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et de la famille en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA02402