Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2022 par lequel le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a fixé à 15 % son taux d'invalidité partielle permanente à compter du 1er mai 2018.
Par un jugement n° 2200424 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 août 2023 et 27 juin 2024, et un mémoire, enregistré le 2 août 2024 et non communiqué, Mme B..., représentée par Me Lerat, demande à la cour :
1°) d'ordonner une expertise avant dire droit et de désigner un expert judiciaire en dehors de la Nouvelle-Calédonie ;
2°) d'annuler le jugement n° 2200424 du 13 juillet 2023 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
3°) d'annuler l'arrêté du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie du 4 octobre 2022 ;
4°) d'enjoindre au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de retirer l'arrêté litigieux de son dossier administratif et de procéder au réexamen de sa situation ;
5°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie une somme de 500 000 francs CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant du jugement attaqué :
- il est irrégulier en ce que, d'une part, il n'est pas suffisamment motivé faute de répondre à tous les arguments exposés par la requérante et en ce que, d'autre part, les premiers juges n'ont pas visé ni répondu à la demande d'expertise avant dire droit pourtant présentée par la requérante ;
S'agissant de l'arrêté attaqué :
- il a été signé par une autorité incompétente ;
- il n'est pas motivé ;
- il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que la commission d'aptitude s'est réunie le 30 août 2022 dans des conditions irrégulières ;
- il n'est pas établi que les membres de la commission d'aptitude ont reçu communication des éléments qu'elle a transmis les 23 juillet et 10 août 2022 ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence négative et, par suite, d'une erreur de droit dès lors que le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie s'est cru à tort lié par l'avis émis par la commission d'aptitude ;
- il est entaché d'une erreur de fait ainsi que d'une erreur d'appréciation en tant qu'il limite le taux d'incapacité à 15 % et en tant qu'il décide que son incapacité n'est pas imputable au service ;
S'agissant du recours à une expertise judiciaire ;
- le caractère contradictoire des éléments médicaux concernant sa situation nécessite de faire appel à un expert judiciaire ;
S'agissant de sa requête d'appel :
- elle ne présente pas un caractère abusif.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2024, la Nouvelle-Calédonie, représentée par Me Million, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) d'infliger une amende pour recours abusif à Mme B... ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;
- la demande d'expertise présentée par la requérante est dépourvue d'utilité dès lors qu'elle porte principalement sur la question de l'imputabilité qui a été déjà tranchée par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris n° 21PA00421 du 3 février 2023 ;
- la requête d'appel présente un caractère abusif.
La clôture de l'instruction est intervenue, en dernier lieu, le 5 août 2024.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que, d'une part, la demande de la Nouvelle-Calédonie tendant à infliger une amende pour recours abusif à Mme B... n'est pas recevable et de ce que, d'autre part, l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache à l'annulation par le Conseil d'Etat, par sa décision n°s 471378,472747 du 31 décembre 2024, de l'arrêté du 19 juillet 2019 par lequel le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a mis Mme B... à la retraite d'office ainsi que de l'arrêté du 25 juillet 2019 par lequel la directrice de la caisse locale de retraites lui a concédé une pension de retraite, implique l'annulation par voie de conséquence de l'arrêté litigieux du 4 octobre 2022 qui est intervenu en raison des arrêtés annulés.
Par un mémoire, enregistré le 7 mars 2025, Mme B..., représentée par Me Lerat, a répondu au moyen d'ordre public.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 ;
- le code des pensions de retraites des fonctionnaires relevant des fonctions publiques de Nouvelle-Calédonie ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- l'ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 ;
- la délibération n° 309 du 27 août 2002 ;
- la délibération n° 357 du 24 avril 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,
- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Sanches, substituant Me Lerat, avocate de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 19 juillet 2019, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a admis d'office Mme B..., agente d'exploitation du cadre des postes et télécommunications de la Nouvelle-Calédonie, à faire valoir ses droits à la retraite pour inaptitude définitive à servir à compter du 1er mai 2018. Par un arrêté du 25 juillet 2019, la directrice de la caisse locale de retraites lui a concédé une pension de retraite. Par un arrêté du 4 octobre 2022, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a fixé à 15 % le taux d'invalidité partielle permanente de Mme B... à compter du 1er mai 2018. Celle-ci fait appel du jugement du 13 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 octobre 2022.
Au fond :
2. D'une part, aux termes de l'article Lp. 251-1 du code des pensions de retraites des fonctionnaires relevant des fonctions publiques de Nouvelle-Calédonie : " L'agent qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite, soit d'office, soit sur sa demande ". L'article Lp. 251-2 du même code dispose que : " La réalité des infirmités invoquées, leur imputabilité au service, les conséquences ainsi que le taux d'invalidité qu'elles entraînent sont appréciés par la commission d'aptitude / Le pouvoir de décision appartient, en tout état de cause, à l'autorité détentrice du pouvoir de nomination ".
3. Aux termes de l'article Lp. 254-1 du code des pensions de retraites des fonctionnaires relevant des fonctions publiques de Nouvelle-Calédonie : " Lorsque le fonctionnaire est atteint d'une invalidité d'un taux au moins égal à 60 %, le montant de la pension prévue aux articles Lp. 252-1 et Lp. 253-1 ne peut être inférieur à 50 % des émoluments de base / (...) ". L'article Lp. 253-1 du même code dispose que : " Lorsque l'invalidité ne résulte pas de blessures ou de maladie contractées ou aggravées en service, l'agent a droit à la pension proportionnelle prévue au 1° de l'article Lp. 221-2 / Toutefois, les blessures ou les maladies doivent avoir été contractées au cours d'une période pendant laquelle l'intéressé acquerrait des droits à pension ".
4. Il ressort des dispositions citées au point 2 du présent arrêt que, lorsqu'un fonctionnaire est admis à la retraite en raison de l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie, la commission d'aptitude doit apprécier le taux d'invalidité entraîné par les infirmités invoquées. Il appartient ensuite à l'autorité investie du pouvoir de nomination de fixer ce taux qui, ainsi qu'il résulte des dispositions citées au point 3 du présent arrêt, est susceptible d'avoir une incidence sur le montant de la pension allouée, y compris lorsque l'invalidité ne résulte pas de l'exercice des fonctions.
5. D'autre part, en raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé. Il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale.
6. Il incombe au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi de conclusions recevables dirigées contre de telles décisions consécutives, de prononcer leur annulation par voie de conséquence, le cas échéant en relevant d'office un tel moyen qui découle de l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache à l'annulation du premier acte.
7. Par une décision n°s 471378, 472747 du 31 décembre 2024, revêtue de l'autorité absolue de chose jugée, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêté du 19 juillet 2019 par lequel le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a mis Mme B... à la retraite d'office pour inaptitude définitive à servir, ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté du 25 juillet 2019 par lequel la directrice de la caisse locale de retraites lui a concédé une pension de retraite. Dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 4 octobre 2022 par lequel le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a fixé à 15 % le taux d'invalidité partielle permanente de Mme B... est intervenu, compte tenu de ce qui est dit au point 4 du présent arrêt, en raison de l'arrêté du 19 juillet 2019 annulé par le Conseil d'Etat, l'arrêté à l'origine du présent litige doit être annulé par voie de conséquence de cette annulation.
8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête, ni d'ordonner une expertise avant dire droit et de désigner un expert judiciaire en dehors de la Nouvelle-Calédonie, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".
10. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique seulement que le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie procède au réexamen de la situation de Mme B.... Il implique également qu'il soit enjoint au même président, s'il ne l'a déjà fait, de retirer du dossier administratif de Mme B... l'arrêté à l'origine du présent litige dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur la demande de la Nouvelle-Calédonie tendant à infliger une amende pour recours abusif à Mme B... :
11. La faculté d'infliger au requérant une amende pour recours abusif, prévue par l'article R. 741-12 du code de justice administrative, constitue un pouvoir propre du juge. Par suite, les conclusions présentées par la Nouvelle-Calédonie tendant à ce que la cour inflige une telle amende à Mme B... ne sont pas recevables.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie une somme de 180 000 francs CFP au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2200424 du 13 juillet 2023 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et l'arrêté du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie du 4 octobre 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de procéder au réexamen de la situation de Mme B... et de retirer, s'il ne l'a déjà fait, du dossier administratif de Mme B... l'arrêté du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie du 4 octobre 2022.
Article 3 : La Nouvelle-Calédonie versera à Mme B... une somme de 180 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par la Nouvelle-Calédonie sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la Nouvelle-Calédonie.
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Chevalier-Aubert, présidente de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2025.
Le rapporteur,
M. Desvigne-RepusseauLa présidente,
V. Chevalier-Aubert
La greffière,
C. Buot
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA03791