Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Pacific Mobile Telecom (PMT) a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté n° 1180 CM du 6 juillet 2022 approuvant l'attribution d'une subvention d'investissement de 249 913 254 F CFP à la société Onati en vue du déploiement de la 4G dans les archipels éloignés.
Par un jugement n° 2200387 du 25 avril 2023, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 juillet 2023, la société PMT, représenté par la Selarl Jurispol, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté n° 1180 CM du 6 juillet 2022 approuvant l'attribution d'une subvention d'investissement de 249 913 254 F CFP à la société Onati en vue du déploiement de la 4G dans les archipels éloignés ;
3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 350 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en attribuant à la société Onati, opérateur historique, la subvention litigieuse, sans conditionner cette attribution à la conclusion d'accords d'itinérance avec les opérateurs alternatifs, alors que les tarifs d'itinérance ne sont pas régulés, que la société Onati bénéficie d'avantages exorbitants auxquels ses concurrents n'ont pas accès et que son comportement est susceptible de constituer un abus de position dominante, la Polynésie française a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation et porté atteinte au principe de concurrence effective et loyale entre opérateurs ;
- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 19 de la loi du pays n° 2017-32 dès lors que, d'une part, l'annexe à la convention de financement n'est pas suffisamment précise et ne permet pas d'apprécier la consistance des investissements subventionnés et, d'autre part, si le déploiement de la technologie 4G répond à une politique d'intérêt général, alors cet objectif implique que les opérateurs puissent utiliser un réseau 4G financé par des fonds publics ;
- il méconnaît l'article LP. 22 de la loi du pays n° 2017-32 dès lors que la subvention octroyée par la Polynésie française porte sur un programme d'investissements qui a en partie déjà été réalisé, pour des équipements que la société Onati exploite depuis plusieurs années.
Par un mémoire, enregistré le 25 octobre 2023, la société Onati, représentée par la société d'avocats Magenta, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société PMT au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête, qui se borne à reproduire les moyens invoqués en première instance, est irrecevable ;
- les moyens soulevés par la société PMT ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- la loi du pays n° 2007-32 du 2 novembre 2017 ;
- le code des postes et des télécommunications de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Michaud pour la société Onati.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté n° 1180 CM du 6 juillet 2022, la Polynésie française a attribué à la société Onati, opérateur historique sur le marché polynésien des communications électroniques, une subvention d'investissement de 249 913 254 F CFP pour le déploiement de 46 antennes 4G dans les archipels éloignés. La société Pacific Mobile Telecom (PMT), qui est, avec la société Viti, l'un des deux opérateurs alternatifs opérant en Polynésie français, relève appel du jugement n° 220387 du 25 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article LP. 19 de la loi du pays du 2 novembre 2017 définissant les conditions et critères d'attribution des aides financières, des avances et prêts et d'octroi des garanties d'emprunt aux personnes morales autres que les communes : " Dans les conditions définies ci-après, il peut être accordé une subvention en vue de la réalisation de projets d'investissement matériel ou immatériel pour la mise en œuvre d'une politique d'intérêt général, ou pour financer un programme d'investissement ou l'ensemble des dépenses d'investissement du bénéficiaire. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'arrêté attaqué du 6 juillet 2022 et de la convention relative aux obligations de la société Onati qui y est jointe, que la subvention litigieuse finance le déploiement, dans les archipels éloignés, où la densité de la population est faible, de 46 nouvelles antennes 4G, déploiement auquel ni la société Onati, qui avait déjà installé 14 antennes dans certaines des îles de ces archipels, ni les deux autres opérateurs de communications électroniques, à savoir la société PMT et la société Viti, n'envisageaient de procéder sans subvention, eu égard à son absence de rentabilité. Ce projet, qui s'inscrit dans une politique visant à assurer, parallèlement à la mise en place des câbles sous-marins Natitua (Tuamotou et Marquises) et Natitua Sud (Australes), le déploiement de la 4G sur l'ensemble de ces territoires et à réduire ainsi les inégalités de couverture entre les " zones denses " et les " zones peu denses " de la Polynésie française, poursuit une finalité d'intérêt général. La circonstance que la Polynésie française n'ait pas subordonné l'attribution de cette subvention à des accords d'itinérance afin de garantir l'accès à ce réseau 4G de tous les opérateurs, dont la société PMT, alors que les tarifs d'itinérance ne sont, à ce jour, pas réglementés et qu'ainsi que l'a relevé l'autorité de la concurrence dans sa décision n° 2021-PAC-01 du 8 décembre 2021, le refus de la société Onati de donner aux opérateurs alternatifs un accès au câble Natitua et, jusqu'au 6 août 2021, de proposer des prestations d'itinérance ou toute solution alternative pour qu'elle puisse accéder au réseau 4G qu'elle a déployé sur les îles des archipels éloignés sont susceptibles de constituer des pratiques anti-concurrentielles et un abus de position dominante sur le marché de gros de l'accès aux réseaux mobile, est sans incidence sur cette qualification et n'est pas de nature à caractériser une méconnaissance des dispositions, citées au point précédent, de l'article LP. 19 de la loi du pays du 2 novembre 2017. Par suite, ce moyen doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article LP. 22 de la loi du 2 novembre 2017 : " Aucune subvention ne peut être attribuée si le projet d'investissement a connu un commencement d'exécution avant la date à laquelle le dossier de demande de subvention est déclaré complet conformément aux dispositions des articles LP. 4 et LP. 5. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que la subvention litigieuse, qui vise à financer, ainsi qu'il a été dit au point 3, le déploiement de 46 nouvelles antennes 4G sur les archipels éloignés et l'installation, sur ces nouvelles antennes et sur les 14 déjà installées par la société Onati, d'extensions 4G+ permettant un débit moyen par utilisateur plus élevé, n'a ni pour objet ni pour effet de financer les 14 antennes déjà installées. En outre, il est constant que ce déploiement et cette installation n'ont pas commencé avant l'octroi de la subvention par l'arrêté attaqué du 6 juillet 2022. Par suite, la société PMT n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions, citées au point précédent, de l'article LP. 22 de la loi du 2 novembre 2017.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article D. 212-2 du code des postes et télécommunications de la Polynésie française : " Les autorités compétentes de la Polynésie française veillent : (...) 2° A l'exercice d'une concurrence effective et loyale entre les opérateurs de service de télécommunication mobile, de fournisseur d'accès à Internet ou de fournisseur de procédure de rappel, au bénéfice des utilisateurs ; (...) ". Et aux termes de l'article D. 212-26 du même code : " (...) / Dans les cas suivants, il peut être imposé à l'opérateur de service de télécommunication mobile de faire droit à une demande raisonnable de prestation d'itinérance faite par un autre opérateur de service de télécommunication mobile : / a) Lorsque la prestation d'itinérance s'effectue entre deux opérateurs de service de télécommunication mobile autorisés en Polynésie française, il peut leur être imposé, dans un but d'intérêt général, de conclure une convention en la matière ; / b) Un opérateur de service mobile de télécommunication qui souhaite offrir à ses abonnés une prestation d'itinérance en Polynésie française a droit à la conclusion d'une telle convention. / En cas d'accord des parties, intervenu dans le délai de deux mois à compter de la date de demande, cette convention est communiquée à l'administration compétente. / En cas de désaccord sur la conclusion de cette convention, l'administration compétente requiert des parties leurs positions en vue de dégager les termes d'un accord amiable ; à défaut de réunion de celui-ci, dans un délai raisonnable, le conseil des ministres fixe par arrêté les termes de l'itinérance. ".
7. D'une part, il est constant que la société Onati, bénéficiaire de la subvention litigieuse, est le seul opérateur de téléphonie mobile à avoir déployé son réseau dans les archipels éloignés. La société PMT, qui a fait valoir, notamment devant l'autorité de la concurrence et dans un courrier du 19 décembre 2022 adressé à la Direction générale de l'économie numérique qu'elle produit au dossier, que le déploiement de plusieurs réseaux concurrents dans ces zones peu denses n'est pas économiquement viable et que les solutions de partage d'équipements sont complexes à mettre en œuvre d'un point de vue économique et technique, et qui prône en conséquence le recours à l'itinérance pour les opérateurs alternatifs, en demandant en conséquence un moratoire sur le calendrier de déploiement de son réseau qui figure dans son cahier des charges, n'établit pas ni même n'allègue qu'elle aurait fait part à la Polynésie française, avant l'octroi à la société Onati de la subvention litigieuse, de ce qu'elle était disposée à procéder elle-même au déploiement d'un réseau 4G sur tout ou partie des îles des archipels éloignés, à condition de se voir attribuer la subvention. A ce titre, si elle indique dans sa lettre du 19 décembre 2022 qu'à défaut de mise en place d'une " itinérance régulée ", solution qui a sa préférence, elle pourrait accepter à court et moyen terme de participer à un appel d'offre relatif à la couverture en 4G dans les archipels éloignés, cette lettre est en tout état de cause postérieure à la décision attaquée.
8. D'autre part, les dispositions de l'article D. 212-2 du code des postes et télécommunications ne faisaient pas obligation à la Polynésie française, à l'occasion de l'octroi de la subvention contestée, accordée dans un objectif d'intérêt général, d'imposer à son bénéficiaire d'ouvrir son réseau aux opérateurs alternatifs en concluant avec ces derniers, dans certaines conditions, des conventions d'itinérance. La société PMT peut demander la conclusion d'une telle convention dans les conditions prévues à l'article D. 212-26 du même code et, le cas échéant, contester un éventuel refus ou les termes de la convention proposée, en particulier les conditions tarifaires, au regard du droit de la concurrence, devant les autorités et juridictions compétentes, ainsi qu'elle l'a d'ailleurs fait devant l'autorité de la concurrence et le tribunal mixte de commerce, ce qui lui a permis au final de signer, le 9 janvier 2023, un avenant n° 3 à la convention locale d'itinérance locale sur le réseau d'Onati n° 2019-23 ONATI-DETM du 25 novembre 2019, portant notamment sur les tarifs d'itinérance sur le réseau 4G de la société Onati. Si la société PMT se prévaut de ce que la société Onati, en situation de monopole sur le marché de l'itinérance, lui avait auparavant proposé, ainsi qu'à la société Viti, des offres tarifaires dans des conditions dont l'autorité de la concurrence a reconnu qu'elles étaient susceptibles de relever de plusieurs pratiques anti-concurrentielles et d'un abus de position dominante, tant dans sa décision n° 2021-PAC-01 du 8 décembre 2021 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société PMT, qu'elle a rejetée, que dans sa décision n° 2023-PAC-01 du 31 mars 2023 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société Viti, à laquelle elle a fait droit, le versement à la société Onati d'une subvention pour le déploiement du réseau 4G ne place pas, par lui-même, cette société en situation d'abuser de manière automatique de sa position dominante.
9. Dans ces conditions, la société PMT n'est pas fondée à soutenir qu'en accordant à la société Onati la subvention litigieuse, la Polynésie française a méconnu son obligation de veiller à une concurrence effective et loyale entre les opérateurs de téléphonie mobile.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la société Onati, que la société PMT n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société PMT le versement à la société Onati de la somme de 2 000 euros au titre des frais liés à l'instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société PMT est rejetée.
Article 2 : La société PMT versera à la société Onati une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Pacific Mobile Telecom, à la SAS Onati, au président de la Polynésie française et au président de l'assemblée de la Polynésie française.
Copie en sera adressée au Haut-Commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 31 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2025.
La rapporteure,
C. Vrignon-VillalbaLa présidente,
A. Menasseyre
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne au Haut-Commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA02943