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29/04/2025 | FRANCE | N°23PA02679

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 29 avril 2025, 23PA02679


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. F... D..., M. G... D... son père, Mme E... D... sa mère et Mme C... D... et Mme A... D..., ses deux sœurs, ont demandé, d'une part, au juge des référés du tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à leur verser une provision à valoir sur la réparation de leurs préjudices, d'autre part, au tribunal administratif de Paris de condamner l'AP-HP à verser la somme de 2 004 530 euros à M. F... D..., de 55 359,18 euros à Mm

e E... D..., de 30 000 euros à M. G... D..., de 10 000 euros chacune à Mme A... D... et à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D..., M. G... D... son père, Mme E... D... sa mère et Mme C... D... et Mme A... D..., ses deux sœurs, ont demandé, d'une part, au juge des référés du tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à leur verser une provision à valoir sur la réparation de leurs préjudices, d'autre part, au tribunal administratif de Paris de condamner l'AP-HP à verser la somme de 2 004 530 euros à M. F... D..., de 55 359,18 euros à Mme E... D..., de 30 000 euros à M. G... D..., de 10 000 euros chacune à Mme A... D... et à Mme C... D..., en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de l'accident médical dont a été victime M. F... D.... La caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne a demandé au tribunal de condamner l'AP-HP à lui rembourser la somme de 87 204,73 euros, assortie des intérêts de droit au taux légal à compter de sa première demande et à lui verser l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996, pour un montant de 1 114 euros et enfin de condamner l'AP-HP à lui rembourser les prestations non connues à ce jour et celles susceptibles d'être servies ultérieurement.

Par jugement n° 2127607/6-3 et 2108644/6-3 du 21 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a condamné l'AP-HP à verser la somme de 372 968,50 euros à M. F... D..., de 8 359,18 euros à Mme E... D..., de 8 000 euros à M. G... D..., de 4 000 euros chacune à Mme A... D... et à Mme C... D..., la somme de 25 649,95 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 mars 2022 à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne ainsi que la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, a mis à la charge définitive de l'AP-HP les frais d'expertise d'un montant total de 3 685 euros et a mis à la charge de l'AP-HP le versement aux consorts D..., de la somme globale de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I.- Par une requête, enregistrée le 16 juin 2023 sous le n° 23PA02679, et un mémoire et des pièces enregistrés les 6 novembre 2023 et 7 et 8 novembre 2024, M. F... D..., M. G... D..., Mme E... D..., Mme C... D... et Mme A... D..., représentés par Me de La Grange, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2127607/6-3 et 2108644/6-3 du 21 avril 2023 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a limité leurs indemnisations aux sommes précitées et a rejeté leur demande subsidiaire d'expertise ;

2°) à titre principal, de condamner l'AP-HP à leur verser les sommes, avant déduction des provisions versées, de 2 008 238 euros à M. F... D..., de 55 359,18 euros à Mme E... D..., de 30 000 euros à M. G... D... et de 10 000 euros chacune à Mme C... D... et à Mme A... D... ;

3°) à titre subsidiaire, de désigner avant-dire droit un expert compétent pour compléter l'évaluation des préjudices corporels subis par M. F... D... ;

4°) de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu que les préjudices subis par M. F... D... sont consécutifs à une infection nosocomiale survenue le 26 novembre 1997 au cours de sa prise en charge à la suite de sa naissance, le 18 novembre 1997 au sein de l'AP-HP, engageant de ce fait la responsabilité de l'établissement de santé pour faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier et que cette faute leur ouvrait droit à la réparation intégrale de leurs préjudices imputables à cette infection ;

- à titre subsidiaire, si la cour ne s'estimait pas suffisamment informée pour évaluer les postes de préjudice, une contre-expertise permettrait de les éclairer ;

- la date de consolidation a été fixée par l'expert au 18 novembre 2015 par référence à la fin de la croissance à l'âge de 18 ans alors que cette date de consolidation doit correspondre à la date à partir de laquelle les séquelles n'évoluent plus soit le 17 juillet 2017, date du dernier cliché radiologique permettant de constater la consolidation de son état de santé ;

- les préjudices subis par M. F... D... doivent être estimés à la somme globale de 2 008 238 euros, décomposée comme suit : 71 861,16 euros au titre des dépenses de santé actuelles, 4 679,33 euros au titre des frais divers pré-consolidation, 10 599 euros au titre des frais d'expertise et d'assistance à expertise, 5 883,03 euros au titre des frais de logement adapté pré-consolidation, 820 125,15 euros au titre des frais d'assistance par tierce personne temporaire à titre principal et 144 008,11 euros à titre subsidiaire, 7 700 euros, à parfaire, au titre des dépenses de santé après consolidation, 33 850 euros, à parfaire, au titre des frais de véhicule adapté, 496 188,19 euros au titre des frais d'assistance par tierce personne permanente à titre principal et 141 768,31 euros à titre subsidiaire,10 000 euros au titre du préjudice scolaire, 100 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, 119 778,75 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire à titre principal et 69 090 euros à titre subsidiaire, 35 000 euros au titre des souffrances endurées, 20 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 178 200 euros au titre du déficit fonctionnel permanent à titre principal et 144 375 euros à titre subsidiaire, 25 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent, 30 000 euros au titre du préjudice d'agrément, 20 000 euros au titre du préjudice sexuel, et 10 000 euros au titre du préjudice d'établissement ;

- les préjudices subis par Mme E... D... doivent être estimés à la somme globale de 55 359,18 euros, décomposée comme suit : 359,18 euros au titre des frais de déplacement, somme allouée par le tribunal qui doit être confirmée par la cour, 25 000 euros au titre des pertes de gains professionnels et 15 000 euros au titre de son préjudice d'affection en complément du montant déjà accordé à ce titre en 2009 ;

- le préjudice d'affection subi par M. G... D... doit être indemnisé à hauteur de 15 000 euros ;

- ils ne contestent pas qu'une erreur a été commise par les premiers juges s'agissant du préjudice d'affection pour lequel il y a une contradiction entre les motifs et le dispositif du jugement ;

- les préjudices d'affection subis par Mme A... D... et à Mme C... D... doivent être indemnisés à hauteur de 10 000 euros chacune.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 octobre 2023, l'AP-HP, représentée par Me Tsouderos, conclut au rejet de la requête des consorts D... et, à titre subsidiaire, à ce que le montant de leurs demandes soit ramené à de plus justes proportions.

Elle soutient que :

- aucun élément pertinent n'est apporté permettant de retenir une date de consolidation différente de celle retenue par l'expertise à savoir le 18 novembre 2015 ;

- s'agissant des dépenses de santé actuelles, c'est à bon droit que les premiers juges n'ont pas indemnisé la demande de remboursement de frais de pharmacie de 6 658,50 euros qui est incertaine et n'est établie que par un devis et non une facture ainsi que les frais d'acquisition d'un fauteuil roulant dont la réalité n'est pas établie ;

- la somme allouée au titre de l'assistance tierce personne temporaire doit être diminuée sans retenir l'évaluation de la nécessité d'assistance quotidienne proposée par le médecin-conseil et en écartant la demande de taux horaire évalué à 20 euros ;

- s'agissant du déficit fonctionnel temporaire, l'évaluation du médecin-conseil portant le coût quotidien à la somme de 25 euros ne pourra être retenue ;

- s'agissant des souffrances endurées, du préjudice esthétique temporaire et du préjudice esthétique permanent, ils ne peuvent être indemnisés que pour la période postérieure au jugement du 30 octobre 2009 et les montants retenus par les premiers juges doivent être maintenus ;

- la nécessité d'engagement de frais de véhicule adapté n'est pas établie ;

- les sommes allouées au titre de l'assistance par une tierce personne permanente, du préjudice scolaire, de l'incidence professionnelle, du déficit fonctionnel permanent, du préjudice d'agrément doivent être confirmées ;

- s'agissant du préjudice sexuel et du préjudice d'établissement, la cour pourra confirmer le rejet de la demande d'indemnisation prononcée par les premiers juges ;

- s'agissant de la perte de gains professionnels de Mme E... D..., la cour pourra confirmer le rejet de la demande d'indemnisation prononcée par les premiers juges ;

- s'agissant des demandes d'indemnisation des préjudices d'affection de M. G... D... et de Mme E... D..., il a déjà été indemnisé par le jugement du 30 octobre 2009 du tribunal administratif de Paris entraînant le rejet de la demande ; à titre subsidiaire, il est demandé à la cour de confirmer le montant alloué par les premiers juges à 8 000 euros dans le dispositif du jugement et à titre plus subsidiaire de ramener le montant à de plus justes proportions ;

- s'agissant du préjudice moral de Mme A... D... et de Mme C... D..., le montant qui leur a été alloué par les premiers juges devra être confirmé ;

- la demande d'expertise sollicitée n'est pas utile.

Par un mémoire enregistré le 31 octobre 2023, la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Essonne, représentée par Me Gatineau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2127607/6-3 et 2108644/6-3 du 21 avril 2023 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a limité son indemnisation à la somme de 25 649,95 euros ;

2°) de condamner l'AP-HP à lui verser les sommes de 22 808,35 euros au titre des dépenses de santé actuelles, 6 434,31 euros au titre des dépenses de santé futures liées à l'opération de prothèse de hanche et 26 049,44 euros au titre des dépenses de santé futures liées aux frais d'appareillage à titre viager, ces sommes portant intérêts de droit à compter du 21 mars 2022 ;

3°) de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande de remboursement de la somme de 55 120,47 euros au titre des dépenses de santé actuelles est dûment justifiée de sorte qu'elle a droit à une indemnisation complémentaire de 22 808,35 euros correspondant à la différence entre l'ensemble des dépenses définitivement identifiées à la date du jugement du 21 avril 2023 et les dépenses déjà indemnisées en application du jugement du 30 octobre 2009, soit 32 312,12 euros ;

- les dépenses de santé futures correspondant à l'opération de prothèse de hanche à hauteur de 6 434,31 euros présentent un caractère suffisamment certain pour être indemnisées contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges ;

- le montant qui aurait dû lui être alloué au titre des frais d'appareillage à titre viager est de 26 049,44 euros et non de 25 649,95 euros.

Par courrier du 12 novembre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611 7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office tiré de ce que : 1) Eu égard à l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement n° 0607890 du tribunal administratif de Paris du 30 octobre 2009, les consorts D... et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne n'étaient pas recevables à demander à nouveau, devant le tribunal administratif de Paris, l'indemnisation des préjudices déjà indemnisés par ce premier jugement ; 2) Les consorts D... et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne n'étaient pas recevables à demander l'indemnisation des préjudices qui étaient déjà révélés dans toute leur ampleur à la date à laquelle a été déposée la réclamation préalable du 13 avril 2006 dans l'instance qui avait conduit au premier jugement et qu'ils n'avaient pas expressément réservés dans cette demande (Conseil d'Etat du 21 juillet 2022, Centre hospitalier de Voiron, n° 446965, inédite, CE 20 décembre 2022, société Pacifica, n° 445319).

Des observations ont été produites en réponse à ces moyens d'ordre public, pour les consorts D..., enregistrées les 14 et 15 novembre 2024.

Des observations ont été produites en réponse à ces moyens d'ordre public, pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, enregistrées le 14 novembre 2024.

II.- Par une requête, enregistrée le 20 juin 2023 sous le n° 23PA02736, l'AP-HP demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 3 du jugement n° 2127607/6-3 et 2108644/6-3 du 21 avril 2023 du tribunal administratif de Paris l'ayant condamnée à verser à M. G... D... la somme de 8 000 euros en réparation de ses préjudices et en tant qu'elle a été condamnée à verser à Mme E... D... une somme au-delà de 359,18 euros en réparation de ses préjudices ;

2°) de rejeter la demande d'indemnisation du préjudice moral de M. G... D... et de ramener l'indemnisation allouée à Mme E... D... à la somme de 359,18 euros.

Elle soutient que le jugement attaqué est entaché d'une contradiction entre les motifs et le dispositif.

Par un mémoire en défense et en appel incident enregistré le 4 octobre 2023, la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Essonne, représentée par Me Gatineau, demande à la cour de rejeter la requête d'appel de l'AP-HP en ce qu'elle serait de nature à affecter ou à restreindre les droits qui lui ont été reconnus par le jugement n° 2127607/6-3 et 2108644/6-3 du 21 avril 2023 du tribunal administratif de Paris et conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que dans la procédure enregistrée sous le n° 23PA02679.

Par un mémoire en défense et en appel incident enregistré le 6 novembre 2023, M. F... D..., M. G... D..., Mme E... D..., Mme C... D... et Mme A... D..., représentés par Me de La Grange, concluent aux mêmes fins et par les mêmes moyens que dans la procédure enregistrée sous le n° 23PA02679.

Par courrier du 12 novembre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611 7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur les mêmes moyens relevés d'office que ceux de l'instance n° 23PA02679.

Des observations ont été produites en réponse à ces moyens d'ordre public, pour les consorts D..., enregistrées les 14 et 15 novembre 2024.

Des observations ont été produites en réponse à ces moyens d'ordre public, pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, enregistrées le 14 novembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- les observations de Me De la Grange, avocat des consorts D...,

- et les observations de Me Gatineau, avocat de la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Essonne.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... D... est né prématurément le 18 novembre 1997 à l'hôpital Saint-Antoine ; il a été transféré à l'hôpital Trousseau, dépendant de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP), dans le service de réanimation néonatale à la suite d'une détresse respiratoire et a été immédiatement intubé. Les suites de cette intubation ont été marquées par la survenue d'une infection à staphylocoque epidermis détectée le 26 novembre 1997 et nécessitant la prise d'un antibiotique. Un examen pratiqué le 2 décembre 1997 a révélé en outre la luxation de la hanche droite avec une tuméfaction antérieure postérieure. Le jeune F... D... a subi le jour-même une intervention chirurgicale consistant en une arthrotomie et un lavage abondant en raison de la présence de pus. Les prélèvements bactériologiques ont révélé la présence d'un staphylocoque doré méthi sensible. L'enfant a présenté par la suite des difficultés pour marcher avec boiterie et douleurs nécessitant une intervention de type Colonna avec une trocheroplastie de la hanche droite. Dans son courrier du 14 avril 2000, l'AP-HP a reconnu sa responsabilité dans la survenance de l'infection contractée par M. F... D....

2. Un expert ayant été désigné par ordonnance du 4 janvier 2002 du juge des référés du tribunal administratif de Paris, un rapport d'expertise a été rendu le 8 juillet 2002. L'expert a conclu à une arthrite septique de la hanche droite d'origine nosocomiale contractée à l'hôpital Armand Trousseau en raison du matériel d'intubation. Une indemnisation provisionnelle a alors été octroyée aux consorts D... par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris du 11 janvier 2005. Le juge des référés a procédé à la désignation d'un nouvel expert, dont le rapport du 22 juillet 2005 indiquait que la consolidation ne pourrait être affirmée qu'à la fin de la croissance de l'enfant, après l'âge de 18 ans et après le bilan d'une éventuelle prothèse totale de hanche définitive. M. et Mme G... et E... D..., parents du jeune F..., ont saisi le 13 avril 2006 l'AP-HP d'une demande d'indemnisation préalable. Par un jugement n° 0607890/ 6-1 du 30 octobre 2009, devenu définitif, le tribunal a reconnu la responsabilité de l'AP-HP et a condamné celle-ci à la réparation des préjudices passés et futurs subis par les consorts D... jusqu'au dix-huitième anniversaire du jeune F..., en réservant leur évaluation au-delà de cet âge et en prévoyant le réexamen de la situation de l'intéressé à la date de son dix-huitième anniversaire. Par le même jugement, le tribunal a condamné l'AP-HP à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne la somme de 32 312,12 euros.

3. Une nouvelle expertise post-consolidation a été ordonnée par le juge des référés du tribunal le 25 septembre 2018 à la demande de M. F... D..., devenu majeur, et le rapport a été déposé le 22 août 2019. Il fixe la date de consolidation au 18 novembre 2015. Le 23 décembre 2020, M. D... a adressé une nouvelle réclamation préalable à l'AP-HP qui l'a implicitement rejetée. En décembre 2021, M. F... D..., ses parents et ses deux sœurs ont adressé une nouvelle demande indemnitaire préalable à l'AP-HP qui est elle aussi restée sans réponse. Les consorts D... ont saisi le juge des référés et le tribunal administratif de Paris de deux requêtes tendant respectivement au versement d'une provision et à la réparation de leurs préjudices. Ils relèvent appel du jugement n° 2127607/6-3 et 2108644/6-3 du 21 avril 2023, en tant que leur indemnisation a été limitée aux sommes de 372 968,50 euros pour M. F... D..., de 8 359,18 euros pour Mme E... D..., de 8 000 euros pour M. G... D..., ses parents, de 4 000 euros chacune pour Mme A... D... et Mme C... D..., ses sœurs. La caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) de l'Essonne relève appel du même jugement en tant que son indemnisation a été a limitée à la somme de 25 649,95 euros. L'AP-HP relève appel de l'article 3 du jugement l'ayant condamnée à verser à M. G... D... la somme de 8 000 euros et de l'article 2 de ce jugement en tant qu'elle a été condamnée à verser à Mme E... D... une somme excédant celle de 359,18 euros.

4. Les requêtes visées ci-dessus nos 23PA02679 et 23PA02736 présentées par les consorts D... et par l'AP-HP présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. Après avoir indiqué au point 29 du jugement que le préjudice moral de M. G... D... et de Mme E... D... avait été indemnisé par le jugement du 30 novembre 2009 à hauteur de 8 000 euros chacun et qu'il n'y avait, par suite, pas lieu de faire droit à leur nouvelle demande à ce titre, le tribunal administratif de Paris a, dans son dispositif, mis à la charge de l'AP-HP une somme de 8 359,18 euros à verser à Mme E... D... incluant 8 000 euros à titre de réparation de son préjudice moral, et une somme de 8 000 euros à M. G... D... en réparation de ce même préjudice. Le jugement se trouve ainsi entaché d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif, en tant qu'il a statué sur le préjudice moral subi par les parents de M. F... D.... L'AP-HP est dès lors fondée à en demander, dans cette mesure, l'annulation. Par suite, les articles 2 et 3 du jugement doivent être annulés en tant que les premiers juges ont respectivement accordé à Mme E... D... et à M. G... D... la somme de 8 000 euros au titre de la réparation de leur préjudice moral.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de M. G... D... et de Mme E... D... tendant à la condamnation de l'AP-HP à leur verser une somme de 15 000 euros chacun au titre de leur préjudice d'affection en complément du montant déjà accordé à ce titre par le jugement du 30 octobre 2009 et par la voie de l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions des parties.

Sur la chose jugée par le jugement du 30 octobre 2009 :

7. Par le jugement du 30 octobre 2009, devenu définitif, le tribunal administratif de Paris a condamné l'AP-HP à la réparation intégrale des préjudices passés et futurs liés à l'infection dont a été victime M. F... D..., tout en précisant qu'en l'absence de consolidation, l'étendue des préjudices futurs postérieurs au dix-huitième anniversaire de l'enfant devait être réservée. Le tribunal a ainsi condamné l'AP-HP à verser une somme de 32 312,12 euros en réparation des dépenses de santé prises en charge par la CPAM de l'Essonne, une somme de 20 500 euros en réparation des préjudices moraux de M. G... D... et de Mme E... D..., ainsi que de leurs frais de déplacement et de restauration à l'occasion du séjour en rééducation de leur fils en 2002, et une somme de 123 268,59 euros en réparation des préjudices de M. F... D..., correspondant aux dépenses de santé demeurées à charge, aux travaux d'adaptation du logement de la famille, aux périodes d'incapacité totale et partielle supportées par l'intéressé jusqu'à ses 18 ans, incluant l'atteinte à son intégrité physique et le préjudice d'agrément jusqu'à ses 18 ans ainsi que les souffrances endurées et son préjudice esthétique jusqu'à cet âge. Ce jugement est revêtu, entre les parties, de l'autorité de la chose jugée.

8. D'une part, la décision par laquelle l'administration rejette une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables d'un fait qui lui est imputé lie le contentieux indemnitaire à l'égard du demandeur pour l'ensemble des dommages causés par ce fait générateur. Il en va ainsi quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question. La victime est recevable à demander au juge administratif, dans les deux mois suivant la notification de la décision ayant rejeté sa réclamation, la condamnation de l'administration à l'indemniser de tout dommage ayant résulté de ce fait générateur, y compris en invoquant des chefs de préjudice qui n'étaient pas mentionnés dans sa réclamation. Si, une fois expiré ce délai de deux mois, la victime saisit le juge d'une demande indemnitaire portant sur la réparation de dommages causés par le même fait générateur, cette demande est tardive et, par suite, irrecevable. Il en va ainsi alors même que ce recours indemnitaire indiquerait pour la première fois les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages, ou invoquerait d'autres chefs de préjudice, ou aurait été précédé d'une nouvelle décision administrative de rejet à la suite d'une nouvelle réclamation portant sur les conséquences de ce même fait générateur. Il n'est fait exception à ces règles que dans le cas où la victime demande réparation de dommages qui, tout en étant causés par le même fait générateur, sont nés, ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement à la décision administrative ayant rejeté sa réclamation.

9. D'autre part, l'autorité de chose jugée attachée au jugement rendu sur une demande indemnitaire porte sur l'ensemble des chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime, causés par le même fait générateur et dont elle supporte la charge financière, à l'exception de ceux qui, tout en étant causés par le même fait générateur, sont nés, se sont aggravés ou ne se sont révélés dans toute leur ampleur que postérieurement à la première réclamation préalable de la victime ou de ceux qui ont été expressément réservés dans sa demande.

10. Enfin, l'autorité de chose jugée attachée au jugement rendu sur une demande indemnitaire fait obstacle à la réévaluation d'une indemnité fixée par une décision définitive, le juge ne pouvant se ressaisir, sur tous les points tranchés par le jugement, de la chose définitivement jugée entre les parties.

11. Au cas d'espèce, d'une part, la décision par laquelle l'administration a rejeté la réclamation préalable du 13 avril 2006 a lié le contentieux indemnitaire à l'égard des victimes pour l'ensemble des dommages causés par l'infection dont a été victime M. F... D..., ce qui faisait obstacle, une fois expiré le délai de recours, à la recevabilité d'une demande indemnitaire portant sur la réparation des dommages connus et causés par cette infection. D'autre part, le tribunal administratif de Paris s'étant définitivement prononcé, par son jugement du 30 octobre 2029, sur le contentieux indemnitaire introduit à la suite du rejet de cette réclamation, et alors que les victimes n'avaient pas expressément réservé, dans leur demande, la réparation de certains chefs de préjudice, il ne pouvait se prononcer, une nouvelle fois, sur les points qu'il avait déjà tranchés, à savoir, ainsi que cela résulte de la motivation du jugement, sur les préjudices passés et futurs résultant de l'atteinte à la hanche de M. F... D..., jusqu'à ses 18 ans.

Sur la réparation des préjudices de M. F... D..., victime directe :

En ce qui concerne la date de consolidation :

12. Le rapport d'expertise qui a été déposé devant le tribunal administratif de Paris le 22 août 2019 a fixé la date de consolidation au 18 novembre 2015, date à laquelle M. D... a eu 18 ans, correspondant à la fin de sa croissance. Si les consorts D... contestent cette date et préconisent de retenir la date du 17 juillet 2017, correspondant au jour du dernier cliché radiologique démontrant, selon eux, le caractère pérenne des lésions dont souffre M. D..., ils n'apportent aucun élément de nature à démontrer que les séquelles de ce dernier auraient continué à évoluer entre le 18 novembre 2015 et le 17 juillet 2017. Par suite, il y a lieu de retenir, conformément aux conclusions de l'expert, que la consolidation de l'état de santé de M. F... D... doit être fixée au 18 novembre 2015.

En ce qui concerne les dépenses de santé actuelles :

13. Par le jugement du 30 octobre 2009, le tribunal administratif de Paris a déjà indemnisé les dépenses de santé restées à la charge de M. D... à hauteur de 44 097,07 euros. Si les consorts D... sollicitent le remboursement de frais supplémentaires au titre de l'année 2009 pour un montant de 19 393,50 euros, il ne résulte pas de l'instruction que ces frais engagés antérieurement aux 18 ans de M. F... D... seraient nés, se seraient aggravés ou seraient apparus dans toute leur ampleur postérieurement à la première réclamation indemnitaire présentée à l'administration. Par suite, aucune indemnisation ne peut leur être accordée à ce titre. Par ailleurs, si M. D... sollicite le remboursement par l'AP-HP de la somme de 6 658,50 euros correspondant au devis de pharmacie du 15 avril 2016, il n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'élément de nature à établir la réalité de ces dépenses et leur lien avec la faute commise par l'AP-HP, de sorte que l'indemnisation de cette somme ne peut être accordée.

En ce qui concerne les dépenses de santé futures :

14. Si dans l'état initial de leurs écritures, les requérants se prévalaient de dépenses de santé après consolidation, ils ont, dans le dernier état de la procédure, finalement renoncé après réception de l'attestation de frais de la caisse primaire d'assurance-maladie à solliciter le bénéfice d'une somme à ce titre.

En ce qui concerne les frais divers :

15. D'une part, les premiers juges ont réparé dans le jugement du 21 avril 2023, les frais de déplacement pour assister à l'expertise du 8 mars 2019 et du 12 juillet 2019, ainsi que les frais d'impression du dossier médical facturés le 9 mars 2019 et les frais d'envoi du dossier médical par la poste facturés le 10 mai 2019, dûment justifiées, à hauteur de la somme totale de 269 euros. Cette somme n'est pas contestée en appel.

16. D'autre part, M. D... sollicite une indemnisation au titre de ses besoins en appareillage de compensation dans ses chaussures en produisant une facture du 14 juin 2003 et en fauteuil roulant et en tricycle junior puis adulte, en produisant des factures des 25 juin 2008 et 20 février 2012 pour des montants respectifs 1 343 euros et de 2 915 euros, correspondant à des dépenses de tricycle junior puis adulte. Toutefois il ne résulte pas de l'instruction que ces préjudices, qui n'ont pas été expressément réservés par la victime, engagés antérieurement aux 18 ans de M. F... D... seraient nés, se seraient aggravés ou seraient apparus dans toute leur ampleur postérieurement à la première réclamation indemnitaire présentée à l'administration. Par suite, aucune indemnisation supplémentaire ne pouvait être accordée à ce titre, les premiers juges ayant à tort fait droit aux prétentions de l'appelant sur ce point à hauteur de 2 915 euros. Par ailleurs, si les consorts D... produisent une facture du 13 octobre 2000 correspondant à un stylo numérique, il ne résulte pas de l'instruction que la nécessité, pour la victime, d'avoir recours à un tel objet serait établie et en lien avec le fait générateur.

17. Il résulte de ce qui précède que la réparation des frais divers en lien avec l'infection et qui n'ont pas déjà été réparés par le jugement rendu en 2009 doit être, ainsi que l'ont jugé les premiers juges, limitée à la somme de 269 euros.

En ce qui concerne l'assistance par tierce personne temporaire :

18. Le tribunal a accordé à M. F... D... une somme de 97 000 euros au titre des frais d'assistance par tierce personne pour la période antérieure à la consolidation. Toutefois, ni dans la réclamation préalable du 13 avril 2006 ni dans le cadre de l'instance ayant donné lieu au jugement du 30 novembre 2009, les requérants n'ont expressément indiqué qu'ils entendaient réserver l'indemnisation de ce chef de préjudice. Ce chef de préjudice avait bien été évoqué à l'occasion de l'expertise de 2005, l'expert pédiatre ayant indiqué, que, dans les actes de la vie quotidienne, " l'aide d'une personne à domicile ne lui [était] pas indispensable ", mais qu'il devait " être accompagné dans tous ses déplacements, en particulier pour utiliser son fauteuil roulant qui lui est indispensable ". Il ne résulte pas, par ailleurs de l'instruction que le besoin d'assistance par tierce personne de M. F... D... serait né, se serait aggravé ou serait apparu dans toute son ampleur postérieurement à la première réclamation indemnitaire présentée à l'administration. Dans ces conditions, les requérants n'étaient plus recevables à demander l'indemnisation de l'aide par tierce personne antérieure à la consolidation à l'occasion du second litige dont ils ont saisi le tribunal et qui a donné lieu au jugement attaqué, et le tribunal a, en leur accordant l'indemnisation ainsi sollicitée, fait droit à des conclusions irrecevables.

En ce qui concerne l'assistance par tierce personne permanente :

19. Pour réparer le préjudice lié à l'assistance d'une tierce personne postérieurement à la consolidation, à hauteur de 101 045 euros, les premiers juges ont retenu la nécessité d'un accompagnement à hauteur de deux heures par semaine, conformément à ce qui a été retenu par l'expert, et calculé l'indemnité due à ce titre sur la base d'un taux horaire de 13 euros et en incluant les congés légaux. Le rapport d'expertise établi le 22 août 2019 par le docteur B... évalue le besoin d'assistance par tierce personne non spécialisée de M. D... à une moyenne globale de deux heures par semaine pour la période postérieure à la date de consolidation. Si les requérants se prévalent de la note du 22 août 2019 de leur médecin-conseil indiquant que ce besoin ne saurait être inférieur à une heure par jour, toutefois, il n'apparaît pas que les difficultés auxquelles M. D... est confronté en raison de la raideur douloureuse de sa hanche droite, que ce médecin énumère et qui ont été portées à la connaissance de l'expert, seraient telles qu'elles justifieraient une évaluation à la hausse du besoin retenu par l'expertise du 22 août 2019. Par suite, du 18 novembre 2015, date de consolidation de son état de santé, au 29 avril 2025, date de mise à disposition du présent arrêt, correspondant à 493 semaines, et sur la base d'un taux horaire de l'assistance par une tierce personne non spécialisée évalué à 18 euros et sur la base d'une année de 412 jours tenant compte des congés payés et des jours fériés, la réparation de ce chef de préjudice doit être arrêtée à la somme de 20 033 euros.

20. Pour la période courant à partir de la date de mise à disposition du présent arrêt, sur la base du montant de l'euro de rente fixé à 45,744 par le barème publié par la Gazette du Palais en 2025 (table stationnaire), pour un homme âgé de 27 ans à la date du présent arrêt, et compte tenu d'une base annuelle de 2 113 euros, la réparation de ce chef de préjudice doit être fixée à la somme de 96 660 euros.

En ce qui concerne les frais de véhicule adapté :

21. Les requérants soutiennent en s'appuyant sur la note de leur médecin conseil que M. D... aurait besoin d'un véhicule adapté à son handicap dès lors que l'installation de commandes au volant lui permettrait de conduire plus longtemps sans besoin d'assistance dès lors qu'il ne peut conduire plus d'une heure sans devoir céder le volant à une tierce personne. Par ailleurs, ils font valoir que dès lors que M. D... n'est pas en capacité de prévoir à quel moment il aura besoin de son fauteuil roulant pour se déplacer dans la mesure où cela dépend de son état, il doit l'avoir à disposition à tout moment dans le coffre de sa voiture qui doit être de taille suffisante. Il résulte toutefois du rapport d'expertise du 22 août 2019 du docteur B... que M. D... conduit un véhicule à boîte manuelle et direction assistée et prend aussi les transports en commun et qu'il se déplace en fauteuil roulant environ une fois par semaine selon ses dires. Par suite, dès lors que le besoin de véhicule adapté n'est pas suffisamment établi, il ne peut donner lieu à indemnisation.

En ce qui concerne le préjudice scolaire :

22. Après avoir constaté que M. D... a redoublé son année de CE1 en raison de l'importance des soins nécessaires à la prise en charge de son handicap, qu'il a dû réaliser sa scolarité en fauteuil roulant et a bénéficié de tiers temps lors des examens, les premiers juges ont réparé son préjudice scolaire à hauteur de 5 000 euros. Toutefois, ce préjudice, qui n'a pas été expressément réservé par la victime, existait antérieurement aux 18 ans de M. F... D.... Il ne résulte pas de l'instruction qu'il serait né, se serait aggravé ou serait apparu dans toute son ampleur postérieurement à la première réclamation indemnitaire présentée à l'administration ou au premier jugement rendu par le tribunal. Par suite, les premiers juges ne pouvaient faire droit aux prétentions qui leur étaient soumises à ce titre.

En ce qui concerne l'incidence professionnelle :

23. M. D... indique qu'il aurait souhaité être militaire, qu'il s'est initialement dirigé vers la profession d'auxiliaire de santé animale avec une spécialisation pour la faune sauvage, voie qu'il a dû abandonner, en raison des douleurs à la jambe inhérentes aux journées de travail. Il résulte de l'instruction que le handicap subi par M. D..., qui s'est désormais orienté dans l'audiovisuel, a eu une incidence sur les choix des métiers vers lesquels il pouvait s'orienter. Eu égard à cette limitation des choix professionnels et à l'importance des séquelles physiques tenant notamment à une très importante raideur douloureuse et instabilité de la hanche droite limitant le périmètre de marche, la station debout prolongée, la montée et la descente des escaliers et empêchant la course et une importante boiterie, il sera fait une juste appréciation de cette incidence professionnelle en portant l'évaluation de sa réparation, initialement fixée par les premiers juges à 5 000 euros, à la somme de 10 000 euros.

En ce qui concerne le déficit fonctionnel temporaire :

24. Les premiers juges ont, dans le jugement attaqué, estimé que pour la période comprise entre le jugement du 30 novembre 2009 et la date de consolidation, le déficit fonctionnel temporaire de M. F... D... devait être réparé par le versement d'une somme de 17 432 euros. Il résulte toutefois de l'instruction que, par son jugement du 30 octobre 2009, le tribunal avait déjà réparé, à hauteur de 53 000 euros, le déficit fonctionnel temporaire partiel de l'intéressé pour la période allant de sa naissance à ses 18 ans, sous déduction d'une période de 207 jours d'incapacité temporaire totale indemnisée à hauteur de 3 100 euros. Cette indemnisation répondait aux conclusions de la réclamation préalable et de la requête, qui demandaient une telle indemnisation jusqu'à la consolidation. Il ne résulte pas, par ailleurs, de l'instruction que ce préjudice qui existait antérieurement aux 18 ans de M. F... D... et qui avait déjà été indemnisé par le jugement définitif du 30 octobre 2009 du tribunal administratif de Paris serait né, se serait aggravé ou serait apparu dans toute son ampleur postérieurement à la première réclamation indemnitaire ou à ce jugement. Le tribunal ne pouvait, dans ces conditions, allouer dans le jugement du 21 avril 2023 une nouvelle somme à ce titre.

En ce qui concerne les souffrances endurées :

25. Les premiers juges ont, dans le jugement attaqué, estimé que pour la période postérieure au jugement du 30 novembre 2009, les souffrances endurées par M. F... D... devaient être réparées par le versement d'une somme de 8 000 euros, au vu du rapport d'expertise du 22 août 2019 évaluant les souffrances endurées à 5,5 sur 7. Toutefois, il résulte de l'instruction que les souffrances antérieures au 18 novembre 2015, date des 18 ans de M. D..., avaient déjà été réparées en 2009 par le tribunal à hauteur de 15 000 euros, de sorte que, pour la période comprise entre le 30 novembre 2009 et le 18 novembre 2015, il ne pouvait être ressaisi d'un point qu'il avait déjà tranché. Au cas d'espèce, il y a cependant lieu de fixer la réparation de ce chef de préjudice, pour la période postérieure à la consolidation, à la somme de 8 000 euros.

En ce qui concerne le préjudice esthétique temporaire :

26. Il résulte de l'instruction que le préjudice esthétique subi par M. D... pour la période antérieure à la consolidation a été réparé, par le jugement du 30 novembre 2009, par le versement d'une somme de 2 000 euros. En l'absence de circonstance particulière, il ne pouvait être indemnisé une deuxième fois par les premiers juges qui ont, à tort, alloué à M. conroy une nouvelle somme de 8 000 euros au titre de la période comprise entre le 30 novembre 2009 et la date de consolidation.

En ce qui concerne le préjudice esthétique permanent :

27. Il résulte du rapport d'expertise du 22 août 2019 du docteur B... que le préjudice esthétique permanent subi par M. D... a été évalué par l'expert à 4 sur 7. Les premiers juges ont procédé à une juste évaluation de ce préjudice en allouant à ce titre à M. D... pour la période postérieure à ses 18 ans la somme de 7 000 euros.

En ce qui concerne le déficit fonctionnel permanent :

28. Le même rapport d'expertise évalue le déficit fonctionnel permanent de M. D... à 35 %. Si les requérants contestent ce taux, les éléments développés dans la note précitée de leur médecin conseil, qui ont été pris en compte par l'expert et à laquelle il a répondu, ne justifient pas une réévaluation du taux retenu par l'expert. Les premiers juges ont ainsi procédé à une juste évaluation de ce préjudice pour un homme âgé de 18 ans à la date de consolidation en allouant à ce titre à M. D... la somme de 90 000 euros.

En ce qui concerne le préjudice d'agrément :

29. Il résulte du rapport d'expertise que toute activité sportive mettant en jeu les membres inférieurs a été interdite à M. D.... Les premiers juges ont procédé à une juste évaluation de ce préjudice au-delà de ses 18 ans en allouant à ce titre à M. D... la somme de 5 000 euros.

En ce qui concerne le préjudice sexuel :

30. Il résulte du rapport d'expertise du 22 août 2019 du docteur B... que le préjudice sexuel a été considéré comme nul par l'expert. Ainsi que l'ont jugé les premiers juges, il ne résulte pas de l'instruction que la raideur de la hanche dont souffre M. D..., réparée au titre du déficit fonctionnel permanent, soit à l'origine, pour l'intéressé, d'un préjudice sexuel devant faire l'objet d'une réparation spécifique.

En ce qui concerne le préjudice d'établissement :

31. Il ne résulte pas de l'instruction que la capacité de M. D... de réaliser un projet de vie familiale soit réduite par son état de santé, de sorte que c'est à bon droit que les premiers juges ne lui ont pas alloué d'indemnisation à ce titre.

32. Alors que la somme de 6 914 euros allouée en première instance au titre de frais de médecin conseil n'est pas contesté, il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que, eu égard à l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement du 30 octobre 2009, la somme totale à laquelle M. F... D... peut prétendre, en réparation des différents chefs de préjudices dont il se prévaut doit être fixée à 243 876 euros. Or, la somme de 372 968,50 euros lui a été allouée par le jugement du 21 avril 2023 dont il relève appel. Ces sommes excèdent donc celles auxquelles M. F... D... peut prétendre au terme du présent arrêt. Toutefois, l'AP-HP n'a pas relevé appel des sommes accordées à ce dernier par le jugement du 21 avril 2023. En l'absence d'appel incident de l'AP-HP, les condamnations prononcées en faveur de M. F... D... par les premiers juges ne sauraient être remises en cause. Il résulte donc de tout ce qui précède que M. F... D... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a limité ses prétentions aux sommes qu'il lui a accordées.

Sur les préjudices subis par les proches de M. F... D..., victimes indirectes :

En ce qui concerne les frais divers :

33. Les premiers juges ont alloué à bon doit à Mme E... D..., mère de M. F... D..., la somme, justifiée, de 359,18 euros, au titre des frais de déplacement engagés pour se rendre aux opérations d'expertise.

En ce qui concerne la perte de gains professionnels de Mme E... D... :

34. Les requérants soutiennent que Mme E... D... a été contrainte de réduire son activité professionnelle pour s'occuper de son fils, qu'elle a tout d'abord sollicité une réduction de son temps de travail, puis un passage en mi -temps pour enfin arrêter définitivement toute activité professionnelle en juillet 2009, lorsqu'il était en classe de 6ème. Toutefois, ces seules affirmations qui ne sont étayées par aucun document ne permettent pas d'établir la réalité du préjudice de perte de gains professionnels allégué. Aucune indemnisation ne peut, par suite, être allouée à ce titre.

En ce qui concerne le préjudice d'affection de Mme E... D... et de M. G... D... :

35. Il résulte de l'instruction que par le jugement du 30 octobre 2009 du tribunal administratif de Paris, le préjudice d'affection de Mme E... D... et de M. G... D..., résultant pour eux des séquelles de l'infection nosocomiale dont a été victime leur fils, a déjà été indemnisé. Par suite, la nouvelle demande d'indemnisation formulée à ce titre par les intéressés ne peut qu'être rejetée.

En ce qui concerne le préjudice d'affection de Mme A... D... et de Mme C... D... :

36. Les premiers juges ont procédé à une juste évaluation de leur préjudice en allouant la somme de 4 000 euros à chacune des deux sœurs de M. F... D... en réparation de leur préjudice d'affection.

37. Il résulte de tout ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de revenir sur la condamnation, prononcée par le jugement attaqué, au versement de la somme non contestée par les parties de 359,18 euros allouée au titre des frais de déplacement exposés par Mme E... D..., et de la somme de 4 000 euros chacune à verser à Mme C... D... et à Mme A... D... en réparation de leurs préjudices. En revanche, la demande formulée en première instance et en appel d'indemnisation du préjudice d'affection de Mme E... D... et de M. G... D... doit être rejetée.

Sur les demandes de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne :

En ce qui concerne les dépenses de santé avant les 18 ans de la victime, date de la consolidation :

38. Il résulte de l'instruction que les frais exposés par la CPAM de l'Essonne pour l'hospitalisation de M. F... D... du 7 mars 2002 au 21 mars 2002, du 26 mars 2002 au 23 août 2002, du 18 mars 2003 au 22 mars 2003 puis du 18 mars 2004 au 22 mars 2004, ainsi que pour l'appareillage et pour les frais médicaux et pharmaceutiques, ont été indemnisés par l'AP-HP par le jugement du 30 octobre 2009 du tribunal administratif de Paris pour un montant de 32 312,12 euros. Elle sollicite une indemnisation complémentaire de 22 808,35 euros correspondant à des dépenses définitivement identifiées mais qui n'avaient pas été demandées lors de la précédente instance, à savoir notamment une période d'hospitalisation plus longue du 28 février 2002 au 23 août 2002 et non plus du 7 mars 2002 au 21 mars 2002 puis du 26 mars 2002 au 23 août 2002 soit onze jours supplémentaires. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que ces dépenses, qui existaient antérieurement aux 18 ans de M. F... D... seraient nées, se seraient aggravées ou seraient apparues dans toute leur ampleur postérieurement au jugement du 30 octobre 2009 du tribunal administratif de Paris ou auraient été expressément réservées dans la première demande d'indemnisation. Par suite, aucune somme ne saurait être accordée à ce titre.

En ce qui concerne les dépenses de santé futures :

39. D'une part, s'il résulte du rapport d'expertise que " serait imputable à l'AP-HP une arthrodèse trochantéro-iliaque de la hanche droite dans le but d'obtenir une hanche droite indolore et tout à fait stable ", c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'indemnisation de cette opération chirurgicale et des frais médicaux et pharmaceutiques afférents devait être réservée jusqu'à ce que l'opération soit effectivement réalisée.

40. D'autre part, la CPAM de l'Essonne justifie de la nécessité d'engager des frais d'appareillage à titre viager pour un montant de 26 049,44 euros, au bénéfice de M. D.... Il y a lieu, par suite, de maintenir la condamnation prononcée contre l'AP-HP à ce titre par les premiers juges.

41. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la CPAM de l'Essonne tendant à la condamnation de l'AP-HP au versement d'une somme supérieure à celle qui lui a été allouée par le jugement du 21 avril 2023 du tribunal administratif de Paris ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

42. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'AP-HP le versement aux consorts D... et à la CPAM de l'Essonne d'une somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2127607/6-3 et 2108644/6-3 du 21 avril 2023 est annulé en tant que les premiers juges ont accordé à Mme E... D... une somme de 8 000 euros au titre de son préjudice moral.

Article 2 : L'article 3 du jugement du 21 avril 2023 est annulé.

Article 3 : La demande de première instance de Mme E... D... et de M. G... D... tendant à l'indemnisation de leur préjudice moral est rejetée.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D..., premier dénommé pour l'ensemble des requérants, à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2025.

La rapporteure,

A. Collet La présidente,

A. Menasseyre

Le greffier

P. Tisserand

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

2

N°s 23PA02679, 23PA02736


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02679
Date de la décision : 29/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SCP GATINEAU-FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-29;23pa02679 ?
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