La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/04/2025 | FRANCE | N°23PA02501

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 29 avril 2025, 23PA02501


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris :



1°) sous le n° 2104004/2-3 de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre des années 2006 à 2011 et de la majoration de 80 % dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2012 à 2014 ;

2°) sous le n° 2104005/2-3, de prononcer la décharge, en

droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au tit...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris :

1°) sous le n° 2104004/2-3 de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre des années 2006 à 2011 et de la majoration de 80 % dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2012 à 2014 ;

2°) sous le n° 2104005/2-3, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 à 2011 et de la majoration de 80 % dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 2012 à 2014.

Par un jugement n° 2104004/2-3, 2104005/2-3 du 6 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistré les 6 juin et 27 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Marc Bornhauser, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 avril 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et des pénalités contestées devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'activité de régisseur qu'il a exercée ne peut être qualifiée d'activité occulte dès lors qu'elle ne relève pas de l'économie souterraine et est indissociable de son activité déclarée d'achat-revente de matériel hi-fi, de sorte que l'administration ne pouvait pas faire usage du délai de reprise de dix ans ; cette activité annexe lui permettait de faire la promotion du matériel hi-fi qu'il vendait ; au demeurant, il a enregistré en comptabilité de son entreprise de vente de matériel hi-fi une partie des recettes issues de cette activité annexe, a émis certaines factures à l'en-tête de l'activité déclarée, et ses clients ont nécessairement déclaré les honoraires qui lui ont été versés sur leurs déclarations DAS2 ;

- pour les mêmes raisons, cette activité ne peut être qualifiée d'activité occulte au sens des dispositions du c) de l'article 1728 du code général des impôts, de sorte que l'administration ne pouvait pas lui infliger la majoration de 80 % prévue par ces dispositions ;

- la doctrine administrative BOI-CF-PGR-10-70 précise que le fait de ne pas déclarer un établissement secondaire se livrant à la même activité n'autorise pas l'administration à faire usage du délai de reprise de dix ans pour la partie de l'activité qui n'a pas été déclarée ;

- la doctrine administrative BOI-CF-INF-10-20-10 précise que les activités annexes ou connexes à une activité régulièrement déclarée, découvertes lors d'un examen de situation fiscale personnelle ne peuvent donner lieu, le cas échéant, qu'à une majoration pour manquement délibéré ou manœuvres frauduleuses telle que prévue à l'article 1729 du code général des impôts et non à une majoration de 80 % telle que prévue au c) de l'article 1728 du code général des impôts.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 septembre 2023, le ministre chargé des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chevalier-Aubert,

- les conclusions de Mme A...,

- et les observations de Me De Cools, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., qui exerce une activité déclarée d'achat-revente de matériel hi-fi sous l'enseigne " Audio Select ", a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle pour les années 2012, 2013 et 2014, au cours de laquelle il a indiqué avoir, en outre, exercé, au cours de la période vérifiée, une activité de régisseur. L'administration a regardé cette activité comme occulte et a mis en œuvre une vérification de comptabilité de cette activité pour les années 2006 à 2011, en se prévalant du délai de reprise prolongé prévu, en cas d'activité occulte, par les articles L. 169 et L. 176 du livre des procédures fiscales. M. B... n'a pas contesté les rectifications qui ont résulté de ces contrôles au titre de l'impôt sur le revenu et de la taxe sur la valeur ajoutée des années 2012 à 2014. Il a contesté, en revanche, la qualification d'activité occulte retenue par l'administration pour l'activité de régisseur, et par suite, les impositions supplémentaires mises à sa charge au titre de la taxe sur la valeur ajoutée et de l'impôt sur le revenu des années 2006 à 2011, du fait du délai de reprise prolongé mis en œuvre, ainsi que la pénalité de 80 % appliquée à l'ensemble des rappels d'impositions, sur le fondement du c) de l'article 1728 du code général des impôts. Il relève appel du jugement n° 2104004/2-3, 2104005/2-3 du 6 avril 2023 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Sur la qualification d'activité occulte et le délai de reprise :

En ce qui concerne l'application de la loi :

2. En vertu des articles L169 et L.176 du livre des procédures fiscales, le droit de reprise de l'administration, respectivement pour l'impôt sur le revenu et pour les taxes sur le chiffre d'affaires, s'exerce, par exception, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ou la taxe est devenue exigible, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. Aux termes de ces articles : " L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite ". Dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives.

3. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que M. B... a exercé, outre son activité déclarée d'achat-revente de matériel hi-fi sous l'enseigne " Audio-Select ", une activité de régisseur qui n'a donné lieu à aucun dépôt de déclaration, n'a pas été mentionnée dans ses déclarations de revenus, et pour laquelle il ne s'est pas fait connaître auprès d'un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. Par suite, en vertu des dispositions précitées, l'administration était fondée à regarder cette activité comme occulte au sens de la loi. Sont à cet égard sans incidence, au vu des dispositions applicables, d'une part, la circonstance que l'activité de régisseur ne soit en rien illicite, d'autre part, la circonstance que l'administration aurait été en mesure, dans le cadre d'un contrôle, d'identifier l'existence de cette activité, au motif que les clients de M. B... devaient mentionner sur leurs propres déclarations les honoraires qu'ils lui versaient pour son activité de régisseur, que certaines factures étaient émises sur papier à en-tête de l'entreprise de vente de matériel hi-fi ou que certaines recettes procurées par l'activité de régisseur auraient été enregistrées en comptabilité, sans qu'il soit d'ailleurs possible, au vu des écritures produites, de les distinguer des recettes issues de l'activité déclarée de vente de matériel hi-fi.

4. Si M. B... ne soutient pas expressément avoir commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives, il fait valoir que l'activité de régisseur, qui lui permettait de rencontrer des clients potentiels et de faire la promotion du matériel hi-fi haut de gamme vendu dans le cadre de son activité déclarée, doit être regardée comme annexe ou connexe à son activité déclarée, voire indissociable de celle-ci, et ne devait dès lors pas faire l'objet d'une déclaration spécifique. Toutefois, l'activité de régisseur, consistant en l'espèce en l'organisation de séances de photographies et de tournages de films publicitaires est, par nature, totalement distincte de l'activité de vente de matériel hi-fi. Est sans incidence la circonstance que M. B... ait estimé que cette activité lui permettait de promouvoir les produits qu'il vendait. Le requérant n'est dès lors en aucun cas fondé à soutenir qu'il s'agissait d'une activité annexe ou connexe à son activité déclarée, et moins encore qu'elle lui était indissociable. Il résulte d'ailleurs de l'instruction que les recettes issues de cette activité non déclarée, au demeurant très supérieures à celles procurées par l'activité déclarée par le requérant, étaient, pour l'essentiel, encaissées sur son compte bancaire personnel et non sur son compte professionnel.

5. Il résulte de ce qui précède que l'administration était fondée à considérer que l'activité de régisseur exercée par M. B... constituait, au sens des articles L. 169 et L. 176 du livre des procédures fiscales, une activité occulte justifiant la mise en œuvre du délai spécial de reprise prévu par les dispositions de ces articles.

En ce qui concerne l'application de la doctrine :

6. Le requérant n'est pas fondé à se prévaloir de l'instruction ministérielle codifiée au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-CF-PGR-10-70, qui précise que le fait de ne pas déclarer un établissement secondaire se livrant à la même activité n'autorise pas l'administration à faire usage du délai de reprise de dix ans pour la partie de l'activité qui n'a pas été déclarée, dès lors qu'il ne se trouve pas dans une telle situation, l'activité de régisseur étant distincte par nature de celle de négoce de matériel hi-fi.

Sur les pénalités :

7. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (..) ; c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte ".

8. Eu égard à ce qui a été dit aux points 3 à 5, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, du caractère occulte de l'activité.

9. Et pour les motifs indiqués au point 4 ci-dessus, M. B... n'invoque pas utilement l'instruction ministérielle codifiée au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-CF-INF-10-20-10, qui précise qu'à la différence des activités occultes, les activités annexes ou connexes à une activité régulièrement déclarée, découvertes lors d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle, ne peuvent donner lieu, le cas échéant, qu'à une majoration pour manquement délibéré ou manœuvres frauduleuses telle que prévue à l'article 1729 du code général des impôts, l'activité de régisseur ne pouvant en aucun cas être regardée comme annexe ou connexe à l'activité de vente de matériel hi-fi.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Sa requête d'appel ne peut, en conséquence, qu'être rejetée, en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre chargé du budget et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur de la direction des vérifications de situations fiscales.

- Mme Chevalier-Aubert, présidente de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Laforêt, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2025

La présidente-rapporteure,

V. Chevalier-Aubert

La présidente-assesseure,

P. Hamon

La greffière,

C. Buot La République mande et ordonne à la ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA02501


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02501
Date de la décision : 29/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur ?: Mme Virginie CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : SELARL CABINET BORNHAUSER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-29;23pa02501 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award