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29/04/2025 | FRANCE | N°23PA02487

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 29 avril 2025, 23PA02487


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014, 2015 et 2016.



Par un jugement n° 1904525 du 6 avril 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de M. A....



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 5

juin 2023, M. B... A..., représenté par Me Tourrou, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement n° 1904525 du 6...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014, 2015 et 2016.

Par un jugement n° 1904525 du 6 avril 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juin 2023, M. B... A..., représenté par Me Tourrou, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1904525 du 6 avril 2023 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge des impositions mises à sa charge pour un montant de 124 822 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration n'a pas établi qu'il avait sa domiciliation fiscale en France ; la procédure de taxation d'office engagée à son encontre est irrégulière ; il a été privé irrégulièrement des garanties prévues par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- la procédure d'imposition est irrégulière, l'administration ayant méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2023, le ministre chargé des comptes publics conclut à la jonction des requêtes n° 23PA02487 et n° 23PA02485 et au rejet de la présente requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention conclue le 31 août 1994 entre la France et les États-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laforêt, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle à l'issue duquel lui ont été notifiées, selon la procédure de taxation d'office, des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2014, 2015 et 2016 et la majoration prévue par l'article 1728 1. b du code général des impôts. M. A... a demandé au tribunal administratif de Melun la décharge des impositions mises à sa charge ainsi que des majorations correspondantes. M. A... relève appel du jugement n° 1904525 du 6 avril 2023, par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la demande de jonction :

2. La décision par laquelle le juge administratif joint deux ou plusieurs affaires pour y statuer par une seule décision constitue un pouvoir propre qu'il n'est jamais tenu d'exercer. La présente requête formée par M. A... sous le n° 23PA02487 contre le jugement n° 1904525 du 6 avril 2023 du tribunal administratif de Melun, n'a pas été introduite par les mêmes parties que la requête formée sous le n° 23PA02485 contre le jugement n° 2010326 du même jour du même tribunal et présente à juger des années d'impositions différentes. Les conclusions aux fins de jonction des deux requêtes présentées par le ministre doivent, dans ces conditions, être rejetées.

Sur les conclusions aux fins de décharge :

En ce qui concerne la résidence fiscale du contribuable :

S'agissant de la loi interne :

3. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus ". Aux termes du 1 de l'article 4 B du même code : " Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : - a) Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; - b) Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'ils ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; - c) Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques ".

4. M. A... indique qu'il avait son domicile aux Etats-Unis pour les années 2014 à 2016 de sorte qu'il n'avait pas à déposer de déclarations de revenus en France. Il résulte toutefois de l'instruction, et n'est pas sérieusement contesté, que les relevés des comptes bancaires français détenus par M. A... font apparaître de nombreuses dépenses réglées en France et des encaissements de chèques. En outre, le requérant était associé d'une société civile immobilière qui possède un bien immobilier à usage d'habitation situé en Seine-et-Marne et des sommes étaient prélevés des comptes de la SCI tous les mois pour des frais de chauffage de cette habitation. Par suite, c'est à bon droit que le service l'a considéré comme ayant sa résidence fiscale en France, et soumis en tant que tel à obligation déclarative pour les années 2014, 2015 et 2016.

S'agissant de l'application de la convention fiscale bilatérale franco-américaine :

5. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

6. Aux termes de l'article 4 de la convention fiscale conclue le 31 août 1994 entre les gouvernements de la France et des Etats-Unis : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction, de son siège social, ou de tout autre critère de nature analogue. (...) / 2. a) La France ne considère un citoyen des Etats-Unis ou un étranger admis à séjourner en permanence aux Etats-Unis (...) comme un résident des Etats-Unis au sens du paragraphe 1 que lorsque cette personne physique y séjourne à titre principal ou serait un résident des Etats-Unis (...). / 4. Lorsque, selon les dispositions des paragraphes 1 et 2, une personne physique est un résident des deux Etats contractants, sa situation est réglée de la manière suivante : / a) Cette personne est considérée comme un résident de l'Etat où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent ; si elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans les deux Etats, elle est considérée comme un résident de l'Etat avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux); / b) Si l'Etat où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des Etats, elle est considérée comme un résident de l'Etat où elle séjourne de façon habituelle ; /c) Si cette personne séjourne de façon habituelle dans les deux Etats ou si elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d'eux, elle est considérée comme un résident de l'Etat dont elle possède la nationalité ; / d) Si cette personne possède la nationalité des deux Etats ou si elle ne possède la nationalité d'aucun d'eux, les autorités compétentes des Etats contractants tranchent la question d'un commun accord. (...). Il résulte de ces stipulations que, lorsqu'une personne entre dans leur champ d'application, elle est imposable dans celui des deux États où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent. Lorsqu'elle dispose d'un foyer d'habitation permanent à la fois en France et aux États-Unis, elle est imposable dans celui des deux États où elle a le centre de ses intérêts vitaux, ou bien, si ce centre ne peut être déterminé, dans celui où elle séjourne habituellement.

7. Il résulte de de ce qui précède que la résidence de M. A... se trouvait en France au cours des années 2014 à 2016. M. A... se borne à soutenir qu'il avait un domicile aux Etats-Unis sans apporter aucun élément à l'appui de ses allégations, à l'exception de la mention d'une adresse. Dans ces conditions, les stipulations de la convention ne faisaient pas obstacle à l'imposition en litige.

En ce qui concerne la procédure :

8. En premier lieu, aux termes de l'article 170 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, toute personne imposable audit impôt est tenue de souscrire et de faire parvenir à l'administration une déclaration détaillée de ses revenus et bénéfices, de ses charges de famille et des autres éléments nécessaires au calcul de l'impôt sur le revenu (...) ". Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : / 1° à l'impôt sur le revenu, les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal la déclaration d'ensemble de leurs revenus (...), sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 67 (...) ". Aux termes de l'article L. 67 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 1° et 4° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure (...) ". Enfin aux termes de l'article L. 57 du même livre : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...)".

9. Il résulte de ce qui a été précédemment dit que M. A... était domicilié fiscalement en France et était par conséquent tenu de procéder à une déclaration. M. A... n'a pas répondu aux trois mises en demeures du 19 octobre 2017 concernant les années 2014, 2015 et 2016. Par suite, l'administration était fondée à procéder à la taxation d'office du requérant en application des articles précités.

10. Si M. A... soutient qu'il a été privé irrégulièrement des garanties prévues par l'article L. 57 du livres des procédures fiscales, il n'assortit son moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

11. En second lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

12. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée. Il en va autrement s'agissant des documents et renseignements qui, à la date de la demande de communication, sont directement et effectivement accessibles au contribuable dans les mêmes conditions qu'à l'administration. Dans cette dernière hypothèse, si le contribuable établit qu'il ne peut avoir effectivement accès aux mêmes documents et renseignements que ceux détenus par l'administration, celle-ci est alors tenue de les lui communiquer.

13. D'une part, l'administration s'est fondée sur les relevés de deux comptes bancaires détenus par M. A..., obtenus à la suite de l'exercice de son droit de communication, et dont il n'est pas contesté que les copies des relevés de compte bancaires qui ont servi de base aux rectifications en litige ont été transmis au requérant à la suite de sa demande. D'autre part, si l'administration a mentionné dans sa réponse à la réclamation du contribuable du 5 décembre 2018 des éléments relatifs à la comptabilité de la SCI Monakab, qui possède un bien immobilier situé en Seine-et-Marne, et pour 2016, également sur le rattachement en tant qu'ayant droit au régime social des indépendants dont fait partie son épouse, il ne résulte pas de l'instruction, d'une part que ces informations ont fait l'objet d'un droit de communication et ont été utilisés pour fonder les rectifications et, d'autre part, que M. A... ne pouvait avoir effectivement accès à ces documents en sa qualité d'associé de la SCI et d'affilié au régime social des indépendants. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article L.76 B du livre des procédures fiscales.

14. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur les frais liés aux litiges :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais de l'instance.

DECIDE :

Article 1 : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre chargé des comptes publics.

Copie sera transmise à la direction régionale des Finances publiques d'Île-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Chevalier-Aubert, présidente de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- M. Laforêt, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2025.

Le rapporteur,

E. Laforêt La présidente,

V. Chevalier-Aubert

La greffière,

C. Buot

La République mande et ordonne au ministre chargé des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA02487


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02487
Date de la décision : 29/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur ?: M. Emmanuel LAFORÊT
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : TOURROU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-29;23pa02487 ?
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