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29/04/2025 | FRANCE | N°23PA01797

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 29 avril 2025, 23PA01797


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société SNL Food a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre des exercices clos en 2014 et 2015.



Par un jugement n° 2108417/2-2 du 24 avril 2023, le tribunal administratif de Paris, après avoir constaté un non-lieu partiel, à concurrence d'un dégrèvement pronon

cé en cours d'instance, a rejeté le surplus de sa demande.



Procédure devant la Cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SNL Food a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre des exercices clos en 2014 et 2015.

Par un jugement n° 2108417/2-2 du 24 avril 2023, le tribunal administratif de Paris, après avoir constaté un non-lieu partiel, à concurrence d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance, a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 1er mai 2023 et 18 avril 2024, la société SNL Food, représentée par Me Gwenaël Saintilan, demande à la Cour :

1°) de réformer ce jugement du 24 avril 2023 du tribunal administratif de Paris en ce qu'il lui est défavorable ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées devant le tribunal et maintenues à sa charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée en ce qui concerne le motif du rejet de sa comptabilité, la méthode des solides et le rejet des charges considérées comme non engagées dans l'intérêt de l'entreprise ;

- c'est à tort que l'administration a rejeté sa comptabilité ;

- la reconstitution de recettes opérée par l'administration est erronée ;

- elle propose une contre-méthode de reconstitution qui démontre qu'il n'y a pas eu omissions de recettes ;

- la majoration de 40 % pour manquement délibéré qui lui a été appliquée n'est pas suffisamment motivée et est en tout état de cause infondée.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 février 2024, le ministre chargé des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la société requérante n'est fondé.

Par une ordonnance du 23 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chevalier-Aubert,

- les conclusions de Mme Jurin,

- et les observations de Me Saintilan, représentant la société SNL Food.

Considérant ce qui suit :

1. La société SNL Food, qui exploite sous l'enseigne " Nabab Kebab " un établissement de restauration rapide sur la base de viande kebab en broche, situé boulevard Montmartre, à Paris 2ème arrondissement, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 à l'issue de laquelle lui ont été notifiés des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des rehaussements de ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés, après rejet de sa comptabilité comme non probante et reconstitution de son chiffre d'affaires. Elle relève appel du jugement du 24 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris, après avoir constaté un non-lieu partiel à hauteur de dégrèvements prononcés en cours d'instance, a rejeté le surplus de ses demandes tendant à la décharge, en droits et pénalités, des impositions qui lui ont été assignées en conséquence.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient la société requérante, le tribunal a répondu, avec suffisamment de précisions, au moyen invoqué devant lui et tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification s'agissant du rejet des charges considérées comme non engagées dans l'intérêts de l'entreprise, en indiquant, au point 6 de son jugement, que cette proposition précisait qu'étaient en cause des frais de bouche dont les montants étaient détaillés en annexe avec mention des dates et références de chaque écriture comptable ainsi que du nom du fournisseur.

Sur la procédure d'imposition :

3. Il résulte de l'instruction que le vérificateur indique, en page 5 de la proposition de rectification du 26 septembre 2017, qu'il a fait apparaître, après une reconstitution matière ayant porté notamment sur les achats revendus de boissons, d'importantes omissions de recettes compte tenu des articles manquants. Ce faisant, il a suffisamment précisé le motif pour lequel il a considéré la comptabilité comme non sincère et probante, l'intéressé n'étant pas tenu de justifier du motif pour lequel il a procédé à une comparaison des achats revendus avec les ventes comptabilisées, dès lors que cela lui incombait nécessairement dans le cadre du contrôle. Par ailleurs s'agissant de la méthode des solides, finalement non retenue, le vérificateur indique qu'il utilise cette méthode sur la base des plats utilisant de la viande kebab, précise, pour chaque exercice, le volume des achats corrigés des stocks pour déterminer la quantité disponible, puis les quantités utilisées pour chaque plat servi, le taux de perte retenu et la répartition observée sur tickets Z entre chaque type de plat. Ces indications étaient suffisantes pour permettre à la société de comprendre les modalités de calcul retenues par l'administration. Enfin, s'agissant des charges considérées comme non engagées dans l'intérêt de l'exploitation, le vérificateur précisait qu'il s'agissait de frais de bouche du gérant, frais qui par nature ne se rattachent pas nécessairement à l'exploitation, et renvoyait, pour l'identification de chacune des dépenses en cause, à l'annexe 4 jointe à la proposition de rectification. La société était dès lors en mesure d'apporter des précisions sur chacune des dépenses ainsi identifiées. Il suit de là que la société SNL Food n'est pas fondée à soutenir que la proposition de rectification n'était pas suffisamment motivée sur ces trois points.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité comme irrégulière et non probante :

4. La circonstance qu'une comptabilité serait régulière en la forme n'est pas, à elle seule, de nature à établir que cette comptabilité est sincère et complète, s'il apparaît que tous les éléments de l'activité du contribuable n'ont pas été enregistrés. Il résulte de l'instruction que le vérificateur a relevé une discordance entre les tickets Z du mois de juillet 2015 et les recettes comptabilisées. Il a, par ailleurs, constaté, à partir de l'analyse des achats, des stocks, et des ventes comptabilisées, des incohérences entre les quantités de boissons disponibles à la vente et celles ayant donné lieu à comptabilisation de chiffre d'affaires, pour les seules cannettes sans alcool de 30 cl et les petites bouteilles sans alcool de 50 cl, au titre de l'ensemble de la période d'imposition litigieuse. Ces discordances s'établissaient à 21 052 unités soit 16,02 % des quantités disponibles en 2014 et 26 520 soit 20,57 % des quantités disponibles en 2015. Eu égard à ces éléments constatés par simple analyse des données propres à l'entreprise, le vérificateur était fondé à écarter la comptabilité comme non probante.

5. Contrairement à ce que soutient la société requérante, le vérificateur a correctement pris en compte la consommation du personnel, dès lors qu'il a entièrement affecté à cette consommation les boissons achetées en grandes bouteilles (soit 1 litre, 1,5 litre et 2 litres), lesquelles n'étaient pas proposées à la vente, et que le ratio résultant d'une comparaison entre, d'une part, les quantités de boissons sans alcool ainsi disponibles pour la consommation du personnel et, d'autre part, l'effectif de huit personnes, incluant le gérant, multiplié par le nombre de jours travaillés par an, s'établit à près d'un litre et demi pour 2014 et plus d'un litre pour 2015, sachant que les boissons alcoolisées, notamment faiblement alcoolisées tels que la bière et le cidre n'apparaissaient ni dans les stocks ni dans les ventes comptabilisées, ce qui constitue un indice complémentaire d'insincérité de la comptabilité. Si la société requérante invoque la nécessité d'une hydratation plus importante, eu égard à l'environnement dans lequel travaillaient les salariés, elle n'appuie cet argument d'aucun élément objectif. Par ailleurs, elle ne soutient pas utilement, contre toute logique, que les bouteilles d'eau de grand format, non proposées à la vente, étaient versées dans les carafes servies aux clients, ce qui ne correspond en rien à un usage de la profession et n'est nullement cohérent avec la vente de petites bouteilles, outre le fait qu'aucun offert n'était mentionné sur les tickets et que l'argument selon lequel l'eau du robinet aurait eu mauvais goût n'est étayé par aucun document relatif à la qualité de l'eau du robinet dans le 2ème arrondissement de Paris.

6. Enfin, la société requérante ne justifie pas de ce que le taux de perte pour vol de 2 % retenu par l'administration en cours d'instance devant le tribunal, dont l'incidence sur la proportion de manquants constaté avant rejet de la comptabilité est peu significative, serait insuffisant, en se bornant à invoquer un taux de vol de 10 %, non étayé, au seul motif que l'armoire à boissons était facilement accessible par les clients. Outre le fait qu'un tel taux de vol sur une période de deux exercices est particulièrement irréaliste, la société étant nécessairement conduite à prendre des mesures assez rapidement, il ressort d'une photographie jointe au rapport de l'administration devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires que l'armoire à boissons était située en bout de comptoir, pouvait donc faire l'objet d'une surveillance des personnels. Par ailleurs, sur les deux exercices en cause, aucun vol n'était mentionné en comptabilité.

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :

7. Pour chacun des deux exercices vérifiés, l'administration a reconstitué le chiffre d'affaires de la société, à partir de la méthode des liquides, en déterminant le chiffre d'affaires global rapporté au chiffre d'affaires réalisé à partir des ventes de boissons en canettes et petites bouteilles, puis en multipliant le nombre de canettes et de petites bouteilles manquantes par le prix de vente unitaire moyen pondéré, avant d'appliquer le coefficient chiffre d'affaires global rapporté au chiffre d'affaires liquides. Il en est ressorti des minorations de recettes ramenées, après prise en compte d'un taux de perte pour vol de 2 %, à 162 494 euros pour 2014 et 195 598 euros pour 2015. Cette méthode de reconstitution, dès lors qu'elle était fondée sur des données objectives résultant de la simple comparaison entre le nombre de boissons disponibles à la vente et les ventes effectivement comptabilisées, n'est ni viciée ni excessivement sommaire.

8. Les critiques formulées par la société requérante contre cette reconstitution, identiques à celles relevées plus haut, portant sur la consommation du personnel et le taux de perte pour vol, ne peuvent qu'être écartées, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 5 et 6 ci-dessus. Et la société SNL Food ne critique pas utilement les hypothèses retenues par le vérificateur dans le cadre de la reconstitution du chiffre d'affaires qu'il a effectuée selon la méthode des solides, dès lors que les résultats de cette méthode n'ont pas été retenus par lui.

9. Enfin, la méthode alternative de reconstitution proposée par la société, qui repose sur la méthode des solides, à partir des plats à base de viande de kebab servis, ne peut être considérée comme pertinente et de nature à permettre une appréhension du chiffre d'affaires plus précise que celle retenue par l'administration, dès lors qu'elle se fonde sur des données nécessairement moins objectives, principalement le taux de pertes en viande, dont il ressort, au vu des études réalisées par le franchiseur et produites par la société elle-même, qu'il est très variable selon la qualité de la découpe et l'importance du débit. A cet égard, la société ne justifie pas du taux de perte en viande de 40 % qu'elle retient, en se bornant à invoquer, outre une étude menée par le franchiseur, dans des conditions et avec du matériel différents de ceux afférents à sa propre exploitation, un constat d'huissier, effectué en 2011, soit plusieurs années avant celles ici en cause, de surcroît dans un restaurant de kebab situé à Caen, alors que l'étude menée par le franchiseur fait apparaître que le taux de perte diminue en cas de débit important. De même, elle ne justifie pas des quantités de viandes utilisées qu'elle retient par sandwiches, à hauteur respectivement de 110 grammes de viande cuite pour les sandwiches normaux et 165 grammes pour les maxi sandwiches, alors que les quantités retenues par le vérificateur, à hauteur respectivement de 100 grammes et 150 grammes de viande cuite, ressortaient des conditions d'exploitation exposées dans les documents qui lui ont été remis pendant le contrôle, et ressortent d'ailleurs également de l'étude réalisée par le franchiseur.

Sur les pénalités :

10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

11. En relevant l'importance des minorations de recettes et leur caractère systématique sur les deux années vérifiées, l'administration a suffisamment motivé l'application des pénalités pour manquement délibéré aux rappels résultant de la reconstitution des recettes de la société. Et elle doit être regardée comme justifiant, par ces constatations, qui résultent d'un simple examen de la comptabilité matière, du caractère délibéré des manquements relevés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société FNL Food n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande. Sa requête d'appel ne peut, en conséquence, qu'être rejetée, en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société SNL Food est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société SNL Food et au ministre chargé du budget et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur de la direction des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Chevalier-Aubert, présidente de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Laforêt, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2025

La présidente-rapporteure,

V. Chevalier-Aubert

La présidente-assesseure,

P. Hamon

La greffière,

C. Buot

La République mande et ordonne à la ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA01797


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01797
Date de la décision : 29/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur ?: Mme Virginie CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : SAINTILAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-29;23pa01797 ?
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