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16/04/2025 | FRANCE | N°23PA05141

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 16 avril 2025, 23PA05141


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Distrifitte a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 18 août 2016 au 31 octobre 2018.



Par un jugement n° 2108723/9 du 13 octobre 2023, le tribunal administr

atif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Distrifitte a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 18 août 2016 au 31 octobre 2018.

Par un jugement n° 2108723/9 du 13 octobre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 décembre 2023, la société Distrifitte, représentée par Me Planchat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 octobre 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le service a procédé dans le cadre des opérations de vérification à des traitements informatiques portant sur les fichiers saisis sans respecter les dispositions de l'article L. 47 A II du livre des procédures fiscales ;

- les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen ;

- l'administration a méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en ne communiquant pas les données techniques demandées par courrier en date du 20 janvier 2020 ;

- le service ne l'a jamais invitée avant l'envoi de la proposition de rectification à présenter ses observations quant à l'application de la majoration de 80 % ;

- les manœuvres frauduleuses ne sont pas établies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens présentés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance n° 23PA05141 QPC en date du 4 mars 2024, le président de la 2ème chambre de la Cour a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.

Par ordonnance du 25 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 10 avril 2024.

Des mémoires ont été présentés les 10 mars et 21 mars 2025 par la société Distrifitte après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public,

- et les observations de Me Planchat, représentant la société Distrifitte.

Une note en délibéré a été présentée par la société Distrifitte le 3 avril 2025.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Distrifitte exploite un supermarché sous l'enseigne Franprix à

Pierrefitte-sur-Seine (département de la Seine-Saint-Denis). Au terme d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 18 juin 2016 au 31 décembre 2017, étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée au 31 octobre 2018, l'administration lui a notifié des rectifications en matière d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2017 et de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er janvier au 31 octobre 2018 par une proposition de rectification du 16 décembre 2019, ainsi qu'une majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses sur le fondement du c) de l'article 1729 du code général des impôts. Par la présente requête, la SARL Distrifitte relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces suppléments d'impôts et pénalités.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes du dernier alinéa du VI de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, relatif aux traitements informatiques réalisés sur les éléments saisis lors de visites domiciliaires : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés saisie dans les conditions prévues au présent article, l'administration communique au contribuable, au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76, sous forme dématérialisée ou non au choix de ce dernier, la nature et le résultat des traitements informatiques réalisés sur cette saisie qui concourent à des rehaussements, sans que ces traitements ne constituent le début d'une procédure de vérification de comptabilité. (...) " et aux termes de l'article L. 47 A du même livre, relatif aux traitements informatiques réalisés dans le cadre d'une vérification de comptabilité : " II. - En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. (...) c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. (...) ". Il résulte des dispositions du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés est tenu d'indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des investigations qu'il souhaite effectuer, c'est-à-dire les données sur lesquelles il entend faire porter ses recherches ainsi que l'objet de ces investigations, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions.

3. La société Distrifitte soutient que le service vérificateur a réalisé des traitements informatiques à partir des données issues de ses fichiers d'écritures comptables sans avoir respecté la procédure prévue par les dispositions précitées du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales et, en particulier, sans lui avoir demandé de faire un choix entre les différentes options prévues par cet article. Il résulte de l'instruction que le vérificateur a informé la société requérante, par un courrier du 14 février 2019, de ce qu'il souhaitait mettre en œuvre pour la période vérifiée les traitements informatiques visant à : " - s'assurer du bon report en comptabilité des ventes et règlements enregistrés dans votre système de caisse en reconstituant à partir des données élémentaires le montant du chiffre d'affaires imposable à la taxe sur la valeur ajoutée et à l'impôt sur les sociétés généré par votre activité / - vérifier, à partir des données du système de caisse, le respect de la séquentialité des enregistrements au niveau des numéros de tickets (recherche de trous dans la numérotation, de doublons ou d'anomalies dans la chronologie) ; / - contrôler les taux de taxe sur la valeur ajoutée appliqués aux articles vendus ; / suivre des flux matières par rapprochement entre les stocks, les entrées et les sorties de produits ; / contrôler les procédures de correction et d'annulation utilisées sur le système de caisse à partir des éléments de traçabilité intégrés et de paramétrages ". En outre, par le courrier précité, la société requérante a été informée, en vertu du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, des trois possibilités dont elle disposait s'agissant des modalités de traitements informatiques et a été invitée à faire connaître à l'administration son choix effectué avant le 22 février 2019, ce qu'elle a d'ailleurs fait le 21 février 2019 en laissant le soin au service d'effectuer ces travaux. Par la suite, des fichiers d'écritures comptables informatiques de la SARL Distrifitte ont été saisis le 23 mai 2019 dans les locaux de l'entreprise dans le cadre de procédures autorisées le 15 mai 2019 par le juge de la détention et des libertés du tribunal de grande instance de Bobigny, sur le fondement des dispositions précitées du VI de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales qui autorisent l'administration fiscale à procéder sur les fichiers saisis à des traitements informatiques sans mettre en œuvre les garanties prévues par les dispositions précitées du II de l'article L. 47 A du même livre. Par suite, et quel que soit le cadre juridique dans lequel l'administration fiscale a procédé aux traitements litigieux, la société requérante ne saurait être regardée comme ayant été privée des garanties prévues par lesdites dispositions.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. / Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

5. Il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas de la proposition de rectification du 16 décembre 2019 que l'administration aurait utilisé, pour prononcer les rectifications en litige, le " code source du logiciel de caisse XMPS " ou " les spécifications fonctionnelles et techniques qui ont permis de générer les résultats du système XMPS et des sources et spécifications fonctionnelles et techniques des algorithmes ". Si la société requérante fait valoir qu'une telle utilisation est manifeste, elle n'apporte à l'appui de cet argument aucune précision permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration, qui pouvait disposer en son sein des compétences pour analyser les fonctionnalités du logiciel utilisé, aurait nécessairement exercé son droit de communication pour avoir accès aux spécifications techniques et fonctionnelles de ce logiciel ou au code source de celui-ci, ou à tout autre élément obtenu de la société éditant le logiciel de caisse ou d'un tiers. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les rectifications en litige reposent sur les renseignements provenant de tiers et qui n'auraient pas été portés à sa connaissance, de sorte que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

Sur la majoration :

6. Aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. / Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations ". Aux termes de l'article L. 80 E du même livre : " La décision d'appliquer les majorations et amendes prévues aux articles 1729, 1732 et 1735 ter du code général des impôts est prise par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret qui vise à cet effet le document comportant la motivation des pénalités ".

7. Il résulte de l'instruction que, dans la proposition de rectification du 16 décembre 2019, visée par un agent ayant compétence pour ce faire, l'administration a fait connaître à la société requérante, conformément aux dispositions des articles L. 80 D et L. 80 E du livre des procédures fiscales, les motifs de la sanction qu'elle se proposait d'appliquer et l'a informée de la possibilité dont elle disposait de présenter ses observations dans un délai de trente jours. Les pénalités litigieuses n'ont été mises en recouvrement que le 30 novembre 2020. Les dispositions précitées ont par suite été respectées, sans que la société requérante puisse utilement faire valoir que le service ne l'a pas invitée, avant l'envoi de la proposition de rectification, à présenter ses observations quant à l'application de la majoration de 80 %.

8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) / c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ".

9. Pour infliger à la société requérante la majoration de 80 % prévue au c) de l'article 1729 du code général des impôts en cas de manœuvres frauduleuses, l'administration a relevé, lors de la vérification de comptabilité, que des sommes représentant respectivement 6,80 % et 7,90 % du chiffre d'affaires réalisé en 2017 et 2018 n'avaient été ni déclarées ni comptabilisées et que la part des espèces éludées représentait 19,10 % et 13,93 % des espèces déclarées en 2017 et 2018. Eu égard au montant important de ces minorations de recettes, qui concernent, pour une part significative, des paiements en espèces, et qui procèdent de l'utilisation délibérée et récurrente d'une fonctionnalité du logiciel de caisse XMPS, révélée par l'existence de fichiers journaliers de recettes réalisées en espèces comportant des montants de chiffres d'affaires négatifs avec la même répartition entre les différents taux de taxe sur la valeur ajoutée, et un même montant unitaire de chiffre d'affaires négatif par période de la journée, par l'absence de la caisse n° 2 seulement lors de la période au cours de laquelle des minorations de recettes ont été constatées, par l'existence d'une clé USB dans laquelle était enregistré un fichier " détail régul " faisant apparaître le montant exact des dissimulations ainsi que par des fichiers " ventes " indiquant un chiffre d'affaires nettement supérieur à celui déclaré et dont la différence avec les montants déclarés peut être rapprochée des sommes figurant sur les fichiers de régularisation, l'administration doit être regardée comme établissant tant la réalité de ces manœuvres frauduleuses que la participation consciente du gérant de la société, qui ne pouvait ignorer les procédés décrits ci-dessus, auxdites manœuvres. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les mêmes faits ne peuvent caractériser simultanément l'élément matériel et l'élément intentionnel de la fraude ne peut qu'être écarté. Ainsi, l'administration doit être regardée comme justifiant des éléments permettant l'application de la majoration de 80% prévue par le c) de l'article 1729 du code général des impôts.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de rouvrir l'instruction ni de surseoir à statuer, que la société Distrifitte n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, les premiers juges ayant statué sur le moyen tiré de la méconnaissance du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Distrifitte est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Distrifitte et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique).

Délibéré après l'audience du 2 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- Mme Bories, présidente assesseure,

- M. Magnard, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 avril 2025.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLa présidente,

S. VIDAL

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 23PA05141 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA05141
Date de la décision : 16/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : CABINET NATAF & PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-16;23pa05141 ?
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