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16/04/2025 | FRANCE | N°23PA04712

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 16 avril 2025, 23PA04712


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge totale des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux mises à leur charge au titre de l'année 2015.





Par un jugement n° 2005496 du 21 septembre 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et des mémoires enregistrés

les 16 novembre 2023, 19 mars 2024, 21 mars 2024 et 18 avril 2024, M. et Mme B..., représentés par Me Goulle, demandent à la Cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge totale des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux mises à leur charge au titre de l'année 2015.

Par un jugement n° 2005496 du 21 septembre 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 16 novembre 2023, 19 mars 2024, 21 mars 2024 et 18 avril 2024, M. et Mme B..., représentés par Me Goulle, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 septembre 2023 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'information était réalisée pour les nouveaux entrants dans la société depuis la mise en place du plan épargne d'entreprise (PEE) par une indication dans leur contrat de travail avec remise d'une notice d'information et pour les salariés dont le contrat de travail était antérieur à la signature du PEE, par la remise de la notice d'information avec le bulletin de paie de chaque mois de novembre ;

- les copies fournies à la Cour sont les originaux des décisions de versement prises par les salariés ;

- les erreurs de date sont des erreurs matérielles qui ont été corrigées ;

- le registre des assemblées n'a pas à faire mention de la possibilité ouverte aux salariés, les statuts ne prévoyant aucune procédure d'agrément ;

- les salariés ayant souscrit au PEE sont identifiés ;

- du fait du retrait intervenu, maintenir le redressement aboutirait fiscalement à créer une double imposition des dividendes aux prélèvements sociaux ;

- le juge a omis de statuer sur la nature juridique d'une somme considérée à tort par l'administration comme un revenu distribué alors qu'il s'agit en réalité d'un prêt remboursé au cours de la même année ;

- la pénalité pour manquement délibéré ne peut être maintenue, l'information ayant été correctement effectuée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 janvier et 28 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens présentés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 25 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 22 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- et les conclusions de M. Perroy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que la société O B..., dont M. A... B... détenait 49,05 % des parts sociales et était le dirigeant, a mis en place le 26 novembre 2002 un plan épargne d'entreprise (PEE). Dans ce cadre, Monsieur A... B... et son frère, Monsieur D... B..., ont procédé sur les années 2002, 2003 et 2005 à l'acquisition des actions que leur père C... B... détenait dans la société. La société O B... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 au cours de laquelle le vérificateur a considéré son PEE comme irrégulièrement constitué au motif qu'il ne respectait notamment pas les dispositions des articles L. 3313-1 et L. 3332-8 du code du travail et a en conséquence remis en cause les avantages fiscaux accordés aux titres acquis dans le cadre de ce PEE. Par la requête susvisée, M. et Mme B... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux mises par suite à leur charge au titre de l'année 2015.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si les requérants soutiennent que les premiers juges ont omis de statuer sur la nature juridique d'une somme considérée par l'administration à tort comme un revenu distribué alors qu'il s'agit en réalité d'un prêt remboursé au cours de la même année, il résulte de l'examen des écritures des requérants en première instance qu'ils n'avaient présenté aucun moyen à cet égard. Le tribunal administratif n'a, par suite, entaché son jugement d'aucune irrégularité en ne statuant pas sur cette contestation qui ne leur avait pas été soumise.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la remise en cause des avantages fiscaux accordés aux titres acquis dans le cadre du plan d'épargne d'entreprise :

3. Aux termes de l'article L. 3332-1 du code du travail : " Le plan d'épargne d'entreprise est un système d'épargne collectif ouvrant aux salariés de l'entreprise la faculté de participer, avec l'aide de celle-ci, à la constitution d'un portefeuille de valeurs mobilières ". Aux termes de l'article L. 3332-7 du même code, dans sa version applicable au présent litige : " Le règlement du plan d'épargne d'entreprise détermine les conditions dans lesquelles le personnel est informé de son existence et de son contenu ". Aux termes de l'article L. 3332-8 de ce code : " Lorsque le plan d'épargne d'entreprise n'est pas établi en vertu d'un accord avec le personnel, les entreprises communiquent la liste nominative de la totalité de leurs salariés à l'établissement habilité pour les activités de conservation ou d'administration d'instruments financiers, en application de l'article L. 542-1 du code monétaire et financier, auquel elles ont confié la tenue des comptes des adhérents. Cet établissement informe nominativement par courrier chaque salarié de l'existence d'un plan d'épargne d'entreprise dans l'entreprise. / Ces dispositions ne s'appliquent pas aux entreprises ayant remis à l'ensemble de leurs salariés une note d'information individuelle sur l'existence et le contenu du plan prévue par le règlement du plan d'épargne d'entreprise ".

4. De plus, aux termes de l'article L. 3313-1 du code du travail : " L'accord d'intéressement institue un système d'information du personnel et de vérification des modalités d'exécution de l'accord. / Il comporte notamment un préambule indiquant les motifs de l'accord ainsi que les raisons du choix des modalités de calcul de l'intéressement et des critères de répartition de ses produits ". Aux termes de l'article L. 3313-2 de ce même code : " L'accord d'intéressement définit notamment : / 1° La période pour laquelle il est conclu ; / 2° Les établissements concernés ; / 3° Les modalités d'intéressement retenues ; / 4° Les modalités de calcul de l'intéressement et les critères de répartition de ses produits dans le respect des dispositions prévues aux articles L. 3314-1 à L. 3314-7 ; / 5° Les dates de versement ; / 6° Les conditions dans lesquelles le comité social et économique ou une commission spécialisée créée par lui dispose des moyens d'information nécessaires sur les conditions d'application des clauses du contrat ; / 7° Les procédures convenues pour régler les différends qui peuvent surgir dans l'application de l'accord ou lors de sa révision ".

5. Enfin, aux termes de l'article L. 3332-27 du code du travail : " Les sommes mentionnées à l'article L. 3332-11 peuvent être déduites par l'entreprise de son bénéfice pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu, selon le cas. / Elles ne sont pas prises en considération pour l'application de la législation du travail et sont exclues de l'assiette des cotisations définie à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. / Elles sont exonérées de l'impôt sur le revenu des bénéficiaires ". Aux termes de l'article 163 bis B du code général des impôts : " I. - Les sommes versées par l'entreprise en application de plans d'épargne constitués conformément aux dispositions du titre III du livre III de la troisième partie du code du travail, sont exonérées de l'impôt sur le revenu établi au nom du salarié. / II. - Les revenus des titres détenus dans l'un des plans d'épargne mentionnés au I sont également exonérés d'impôt sur le revenu s'ils sont réemployés dans ce plan et frappés de la même indisponibilité que les titres auxquels ils se rattachent. Ils sont définitivement exonérés à l'expiration de la période d'indisponibilité correspondante. / Cette exonération est maintenue tant que les salariés et anciens salariés ne demandent pas la délivrance des parts ou actions acquises pour leur compte ".

6. Il résulte de la combinaison des dispositions du code du travail et de celles du code général des impôts mentionnées ci-dessus que ne peuvent bénéficier des mesures de faveur prévues par ces dernières dispositions les revenus de titres détenus dans un PEE dont la constitution, d'une part, et le fonctionnement, d'autre part, ne sont pas conformes aux dispositions des articles L. 3332-1 et suivants du code du travail. Or, il est constant qu'aucune instance de représentation ou de consultation des salariés n'existait dans la société O B... à l'époque de la cession des titres. Pour démontrer que la proposition d'acquisition de titres O B... a bien été communiquée à tous les salariés, M. B... se borne à produire trois contrats de travail concernant des salariés embauchés à compter de l'année 2002 qui mentionnent seulement la mise en place d'un PEE depuis novembre 2002 au sein de l'entreprise et ne permettent pas aux salariés de connaître les conditions du PEE et donc de se prononcer sur l'opportunité d'acquérir des actions, ainsi que des documents concernant d'autres salariés embauchés antérieurement, consistant notamment en la copie d'un courrier proposant les titres, daté du 7 novembre 2015, alors que l'opération de cession des titres s'est déroulée entre 2002 et 2005. Ce courrier mentionne également une date limite de réponse au 30 novembre 2015. Si ce document, qui n'indique d'ailleurs qu'une fourchette de prix de cession, est accompagné d'une réponse négative du salarié datée de 2005 supposément figurant à son verso, et si les requérants font valoir que ce document a été reçu par la société sous cette forme, les incohérences affectant les dates de ces documents sont de nature à les priver de valeur probante. Si M. et Mme B... font valoir que ces incohérences procèdent de simples erreurs matérielles, le courrier de la société O B... daté du 10 novembre 2005 adressé à un des salariés et faisant état de l'erreur de date susmentionnée n'est pas, par lui-même, de nature à remettre en cause le caractère non probant des documents dans leur ensemble, aucun élément ne permettant d'ailleurs de constater que ce courrier a été effectivement envoyé à son destinataire. Les attestations des salariés établies pour les besoins de l'instance sont en tout état de cause également dépourvues de valeur probante. La liste des épargnants, prétendument à jour en 2014, produite par les requérants ne permet pas de constater que les obligations d'information susmentionnées ont été assurées à la date de constitution du PEE. Il s'ensuit que l'administration fiscale était fondée, pour ce seul motif, à considérer que le PEE de la société O B... avait été constitué de manière irrégulière et en conséquence à remettre en cause les avantages fiscaux accordés aux titres acquis par M. A... B... dans le cadre de ce PEE. L'absence de redressement lors de la vérification de comptabilité de la société O B... menée en 2005 ne constitue en tout état de cause aucune prise de position formelle dont M. et Mme B... puissent se prévaloir sur le fondement des dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales.

7. Si M. et Mme B... soutiennent que le service n'a pas tenu compte du règlement des prélèvements sociaux applicables aux paiements réalisés lors de la sortie de sommes du plan, conduisant ainsi à créer une situation de double imposition avec les prélèvements sociaux appliqués aux dividendes versés sur le PEE au titre de l'année 2015, ils n'apportent en tout état de cause, en se bornant à produire des documents relatifs à l'année 2023 et à l'année 2004, aucun élément de nature à établir l'existence, la date et le montant des prélèvements sociaux prélevés sur les retraits dont ils se prévalent et l'incidence de leur argumentation sur l'imposition mise à leur charge au titre de l'année 2015.

En ce qui concerne la taxation des sommes versées sur le compte courant d'associés 457 " dividendes à payer " :

8. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a constaté lors du contrôle qu'un virement d'un montant de 77 700 euros a été effectué le 9 avril 2015 sur le compte bancaire de Monsieur B... et que cette somme avait été débitée du compte 457 " dividendes à payer " de la société O B.... Elle en a déduit que ces dividendes doivent être imposés à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. En se bornant à produire des documents montrant qu'une somme de 77 700 euros a été virée le 27 avril suivant du compte bancaire de M. B... au compte bancaire de la société, les requérants n'établissent pas que la somme qui leur a été versée le 9 avril 2015 et qui a été comptabilisée comme dividendes avait en fait le caractère d'un prêt.

Sur les pénalités :

9. A l'appui de leur contestation des pénalités pour manquement délibéré qui leur ont été appliquées, les requérants se bornent à faire valoir que l'information des salariés a été correctement effectuée dans le cadre du PEE. Il résulte de ce qui a été dit au point 6. que ce moyen ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique).

Délibéré après l'audience du 2 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- Mme Bories, présidente assesseure,

- M. Magnard, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 avril 2025.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLa présidente,

S. VIDAL

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 23PA04712 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04712
Date de la décision : 16/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : SYLVAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-16;23pa04712 ?
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