Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions ministérielles des 18 novembre 2020 et 3 décembre 2020 refusant, pour la première, de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident qu'elle a déclaré le 12 février 2019 et la plaçant, pour la seconde, en congé de maladie ordinaire du 13 février au 31 décembre 2019, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux qu'elle a présenté, le 19 janvier 2021, contre ces décisions.
Par un jugement no 2110598 du 26 septembre 2023, le tribunal administratif de Paris a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 3 décembre 2020 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2023, et un mémoire en réplique, enregistré le 4 février 2025, qui n'a pas été communiqué, Mme B..., représentée par le cabinet d'avocats Athon-Perez, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 18 novembre 2020 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de son accident et la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre aux ministres des ministères sociaux, à titre principal, de reconnaître l'accident de service qu'elle a déclaré le 12 février 2019 et de la placer en congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter du 13 février 2019, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés en première instance, ainsi que la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés en appel.
Elle soutient que :
- en l'absence de médecin psychiatre, la composition de la commission de réforme n'était pas conforme à l'article 19 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- la décision refusant de reconnaître un accident de service est entachée d'une erreur de droit dès lors que les ministres, qui se sont estimés liés par l'avis émis par la commission de réforme, ont méconnu leur compétence ;
- cette décision procède d'une inexacte appréciation de sa situation dès lors que la condition tenant à l'existence d'un fait accidentel survenu dans le temps et sur le lieu du service est remplie, et qu'aucune circonstance particulière ne détache le lien existant entre les troubles qu'elle a présentés suite à cet accident et le service.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2025, la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la décision du 28 juin 2021 plaçant Mme B... en congé de longue maladie, devenue définitive, s'étant substituée à la décision du 3 décembre 2020 qui la plaçait en congé de maladie ordinaire, les conclusions dirigées contre cette décision sont devenues sans objet ;
- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 13 mars 2025 :
- le rapport de Mme Milon,
- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique,
- et les observations de Me Achard, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a été détachée en 2006 puis intégrée, en 2007, au sein des ministères sociaux, après avoir exercé plusieurs années au sein de l'entreprise France Telecom. Affectée à la direction de la sécurité sociale, elle a été promue en 2019 secrétaire administrative de classe exceptionnelle. Victime d'un malaise survenu à la suite d'un entretien avec sa supérieure hiérarchique le 12 février 2019, Mme B... a déclaré un accident de service et a été placée en arrêt de travail à compter du 13 février 2019. Par une décision du 18 novembre 2020, sa demande tendant à la reconnaissance d'un accident de service survenu le 12 février 2019 et à son placement en congé d'invalidité temporaire imputable au service à compter du 13 février 2019 a été refusée et, par un arrêté du 3 décembre 2020, elle a été placée en congé de maladie ordinaire du 13 février au 31 décembre 2019. Par un jugement rendu le 26 septembre 2023, le tribunal administratif de Paris a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision du 3 décembre 2020 et a rejeté le surplus de ses conclusions. Mme B... doit être regardée comme faisant appel de ce jugement en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 novembre 2020 et de la décision rejetant implicitement son recours gracieux du 19 janvier 2021.
Sur le moyen relatif à la composition de la commission de réforme :
2. D'une part, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable à la date du 12 février 2019 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. (...) / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. (...) / Les dispositions du deuxième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue maladie. (...) / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 10 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, qui régit la situation des fonctionnaires de l'Etat, dans sa rédaction applicable à la date du 18 novembre 2020 : " Il est institué auprès de l'administration centrale de chaque département ministériel, une commission de réforme ministérielle (...) composée comme suit : / (...) / 4. Les membres du comité médical prévu à l'article 5 du présent décret. (...) ". Le deuxième alinéa de l'article 5 de ce décret, qui précise la composition du comité médical ministériel, prévoit que celui-ci comprend " deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, pour l'examen des cas relevant de sa qualification, un spécialiste de l'affection pour laquelle est demandé le bénéfice du congé de longue maladie ou de longue durée prévu à l'article 34 (3e et 4e) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ". Aux termes de l'article 13 de ce décret : " La commission de réforme est consultée notamment sur : / 1. L'octroi du congé de maladie ou de longue maladie susceptible d'être accordé en application des dispositions du deuxième alinéa des 2° et 3° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ; / 2. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 susvisée dans les conditions prévues au titre VI bis ; / (...) / 5. La réalité des infirmités résultant d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle, la preuve de leur imputabilité au service et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, en vue de l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité instituée à l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée (...) ". Enfin, aux termes de l'article 19 de ce même décret, alors applicable : " La commission de réforme ne peut délibérer valablement que si la majorité absolue des membres en exercice assiste à la séance ; un praticien de médecine générale ou le spécialiste compétent pour l'affection considérée doit participer à la délibération. / Les avis sont émis à la majorité des membres présents. / Lorsqu'un médecin spécialiste participe à la délibération conjointement avec les deux praticiens de médecine générale, l'un de ces deux derniers s'abstient en cas de vote. / (...) ".
4. Il résulte de la combinaison des dispositions citées aux points précédents, alors en vigueur, qu'elles imposaient la présence d'un médecin spécialiste seulement lorsque la commission de réforme était consultée sur l'octroi d'un congé de longue maladie ou de longue durée. En l'espèce, la commission de réforme, qui n'était pas saisie d'une demande tendant au bénéfice d'un tel congé, pouvait ainsi valablement délibérer sans que participe à la délibération un médecin spécialiste de l'affection résultant de l'événement dont Mme B... demandait qu'il soit qualifié d'accident de service. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la procédure préalable à la décision attaquée aurait été irrégulière, faute pour la commission de réforme d'avoir compris un médecin psychiatre parmi ses membres.
Sur le moyen d'erreur de droit :
5. Si Mme B... fait valoir que la décision du 18 novembre 2020 s'est appropriée le motif de l'avis défavorable émis par la commission de réforme, tenant à l'absence de fait accidentel, il ne résulte pas de cette seule circonstance que l'autorité compétente se serait crue en situation de compétence liée pour refuser de reconnaître l'existence d'un accident de service et, par suite, l'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre. Le moyen d'erreur de droit doit être écarté.
Sur le moyen tiré de l'erreur d'appréciation :
6. Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions citées au point 2 du présent arrêt, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien entre un agent et son supérieur hiérarchique ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent.
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été convoquée à un entretien organisé par sa supérieure hiérarchique, Mme A..., le 12 février 2019 à 15h30 et qu'à la suite de cet entretien, elle s'est rendue à l'infirmerie, en état de stress et en pleurs, ce qui a conduit à solliciter le médecin de prévention et à faire intervenir les équipiers secouristes du ministère, qui l'ont mise en contact avec le médecin régulateur du SAMU, avant qu'elle ne soit autorisée à rentrer à son domicile.
8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que cet entretien inopiné a fait suite à l'attitude inadaptée que Mme B... avait elle-même adoptée à l'égard de deux stagiaires placés sous sa responsabilité, dont l'une avait fait un malaise, et que sa supérieure lui a demandé des précisions sur les circonstances de cet incident, qui lui avait été rapporté. Cet entretien avait ainsi un objet qui s'inscrivait dans le cadre de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
9. D'autre part, il ressort du registre des accidents du travail de l'infirmerie que Mme B... a déclaré, le 12 février après-midi, avoir eu " le coup de stress en trop ", sa cheffe lui reprochant d'avoir " parlé violemment aux stagiaires ". Si, dans le courrier joint à sa déclaration d'accident, elle affirme que sa responsable se serait adressée à elle en employant un ton agressif et un regard qu'elle qualifie de " mauvais ", en l'invectivant et en cherchant à la culpabiliser, et si elle produit deux attestations de collègues évoquant un mode de communication brusque avec son équipe et une attestation d'un responsable syndical évoquant des " faits et paroles " constitutifs, à son sens, d'un harcèlement moral de la part de Mme A... à l'égard de plusieurs agents contractuels au sein de la structure qu'elle encadrait à la fin de 2014 et au début de 2015, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que sa responsable aurait adopté, lors de l'entretien du 12 février 2019, un comportement qui aurait excédé l'exercice normal de son pouvoir hiérarchique. De même, en indiquant à Mme B... qu'il n'y aurait plus de stagiaires dans le service, lui précisant ainsi les possibles répercussions de son attitude inadaptée à l'égard des stagiaires placés sous sa responsabilité, sa supérieure ne peut être regardée comme ayant excédé les limites de l'exercice de l'autorité hiérarchique.
10. Certes, il ressort notamment des certificats établis par son médecin traitant et par un médecin psychiatre que Mme B... a présenté, à la suite de l'entretien du 12 février 2019, divers troubles relevant, d'après le second de ces médecins, d'un syndrome post-traumatique. Toutefois, ni l'état réactionnel présenté par Mme B... à la suite de l'entretien, ni son placement en congé de maladie, ne sont de nature à établir que sa supérieure hiérarchique aurait, au cours de cet entretien, adopté un comportement ou tenu des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 à 10 que Mme B... ne peut être regardée comme ayant été victime, le 12 février 2019, d'un évènement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service. Par suite, les ministres ont pu légalement estimer, par leur décision du 18 novembre 2020 et par la décision rejetant le recours gracieux formé par l'intéressée contre cette décision, que l'événement survenu le 12 février 2019 n'était pas un fait accidentel. Enfin, les décisions attaquées, qui rejettent sa demande de reconnaissance d'un accident de service, étant fondées sur l'absence de fait accidentel, Mme B... ne peut utilement faire valoir qu'en l'absence de circonstance particulière, cette imputabilité devrait être reconnue.
12. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 novembre 2020 refusant de reconnaître l'existence d'un accident de service survenu le 12 février 2019 et de la placer en congé d'invalidité temporaire imputable au service à compter du 13 février 2019, et celle rejetant le recours gracieux présenté contre cette décision. Ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par conséquent, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Fombeur, présidente de la cour,
- M. Barthez, président de chambre,
- Mme Milon, présidente assesseure.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 avril 2025.
La rapporteure,
A. MILONLa présidente,
P. FOMBEUR
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA04782