Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner le Conservatoire national des arts et métiers à lui verser une indemnité globale de 75 142,16 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en conséquence du versement de rémunérations indues qu'il a dû ensuite reverser ainsi que de son licenciement.
Par un jugement n° 2108575 du 15 septembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 15 novembre 2023 et le 2 décembre 2024, M. B..., représenté par Me Lebrun, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner le Conservatoire national des arts et métiers à lui verser la somme de 45 142,16 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en conséquence du versement de rémunérations indues qu'il a dû ensuite reverser ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- sa demande de première instance était recevable et la créance n'est pas prescrite ;
- le jugement attaqué n'est pas signé, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- il est entaché d'une contradiction de motifs, d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation en tant qu'il retient que la succession de ses arrêts de travail a généré des difficultés de gestion de sa rémunération et qu'il n'établissait pas que les sommes versées l'avaient été indûment ;
- le versement indu d'une somme d'argent à un agent public par son administration constitue une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- il a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ;
- il réitère l'ensemble de ses écritures de première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2024, le Conservatoire national des arts et métiers, représenté par Me Wibaux, conclut au rejet de la requête de M. B... et à ce que soit mise à sa charge la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- en l'absence de réclamation préalable avant le 21 décembre 2020, la contestation des ordres de reversement émis entre le 9 novembre 2015 et le 9 octobre 2018 est irrecevable ;
- les créances de l'année 2015 sont prescrites en l'absence de réclamation susceptible d'interrompre le délai de prescription ;
- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 28 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lellig ;
- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Cadet pour le Conservatoire national des arts et métiers.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... a été recruté en tant qu'agent contractuel par le Conservatoire national des arts et métiers, par contrats à durée déterminée à partir du 3 octobre 2005 puis par un contrat à durée indéterminée à partir du 13 mars 2012. A la suite de son placement en congé de grave maladie puis congé de maladie ordinaire à compter du 27 janvier 2015 et jusqu'à son licenciement pour inaptitude le 22 février 2019, l'établissement lui a adressé treize ordres de reversement de trop-perçus de rémunérations. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Paris du 15 septembre 2023 en tant qu'il rejette sa demande tendant à la condamnation du Conservatoire national des arts et métiers à réparer les préjudices qu'il soutient avoir subis en raison des fautes commises dans la gestion de sa rémunération et des demandes de reversement d'indus en résultant. Le Conservatoire national des arts et métiers, qui, n'agissant pas au nom de l'Etat, est à juste titre représenté par ministère d'avocat, conclut au rejet de cette requête.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué, transmise à la cour en application de l'article R. 741-10 du code de justice administrative, que celle-ci comporte la signature de la présidente de la formation de jugement, du rapporteur et de la greffière d'audience. Ainsi, le moyen tiré de l'absence des signatures requises manque en fait.
Sur la responsabilité du Conservatoire national des arts et métiers :
3. Il résulte de l'instruction que M. B... a bénéficié de vingt-neuf arrêts de travail consécutifs, pour la période courant du 27 janvier 2015 au 21 février 2019. Il a, en conséquence, fait l'objet de dix-neuf décisions le plaçant en congé de maladie, transformé en congé de grave maladie, à plein traitement, du 27 janvier 2015 au 26 janvier 2016, suivi d'un congé de grave maladie à demi-traitement du 27 janvier 2016 au 26 janvier 2017, puis en congé de maladie à plein traitement du 27 janvier au 26 avril 2017, à demi-traitement du 27 avril au 26 juillet 2017 et sans traitement à compter du 27 juillet 2017.
4. Entre le 7 octobre 2015 et le 30 janvier 2019, le Conservatoire national des arts et métiers lui a adressé treize ordres de reversement de trop-perçus, correspondant au montant d'indemnités journalières versées par la sécurité sociale pour des périodes au titre desquelles sa rémunération lui avait été versée sans déduction de ces indemnités, ainsi qu'au maintien de son traitement et à des indemnités auxquelles M. B... ne pouvait prétendre du fait de son placement en congé de grave maladie ou de maladie. Les sommes restées impayées ont donné lieu à l'émission de titres exécutoires dont le recouvrement a été poursuivi, sous réserve d'une remise gracieuse, selon les procédures habituelles.
5. M. B..., qui ne conteste ni le bien-fondé des ordres de reversement dont il a fait l'objet ni le montant des trop-perçus en litige, estime toutefois que l'administration a commis une faute dans la gestion de sa rémunération de nature à engager sa responsabilité. Cependant, d'une part, le nombre des ordres de reversement adressés à M. B... et leur montant, qui couvrent la période du 1er février 2015 au 30 novembre 2018, s'expliquent par le nombre élevé d'arrêts de travail et les diverses positions occupées par l'intéressé au regard de ses droits à congé maladie durant cette période. M. B... n'est dès lors pas fondé à soutenir que l'existence de treize ordres de reversement serait, en elle-même, constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration. D'autre part, pour expliquer l'existence des trop-perçus en litige, le Conservatoire national des arts et métiers fait valoir que la rémunération des agents est mise en paiement en fonction des informations disponibles deux mois plus tôt et, en outre, que ce n'est qu'à partir du 1er septembre 2017 que la possibilité a été offerte aux agents de l'autoriser à percevoir pour leur compte, par voie de subrogation, les indemnités journalières versées par les organismes de sécurité sociale, de façon à éviter le cumul indu de salaires et d'indemnités journalières. Or la situation de M. B... a été d'autant plus complexe que non seulement il a fait l'objet d'un grand nombre d'arrêts de travail mais que, après avoir bénéficié de façon partiellement rétroactive d'un congé de grave maladie sur le fondement de l'article 13 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat, il n'a pas repris ses fonctions en dépit de la décision du 20 décembre 2016, prise après réunion du comité médical, l'y autorisant et que, placé de nouveau en congé de maladie ordinaire, il n'a pas donné suite à l'invitation qui lui a été faite de demander le bénéfice d'une troisième année de congé de grave maladie pour percevoir un demi-traitement durant une année supplémentaire.
Les trop-perçus en litige résultent ainsi du décalage dans la prise en considération, pour le calcul de la rémunération de M. B..., des incidences de ses arrêts de travail, tant du fait de l'organisation du service gestionnaire à cette époque que des incertitudes liées à la situation de l'intéressé. A cet égard, et pour regrettables qu'en puissent être les conséquences, il ne résulte pas de l'instruction qu'un tel fonctionnement, non plus que l'absence de subrogation, s'agissant des indemnités journalières, avant le 1er septembre 2017, seraient, en eux-mêmes, constitutif d'une faute dans l'organisation du service. M. B... était au demeurant informé, par chaque décision de placement en congé de grave maladie ou en congé de maladie ordinaire, du nombre de jours où il percevrait l'intégralité de son traitement, un demi-traitement ou aucun traitement, ainsi que de la déduction à opérer des indemnités journalières versées par la sécurité sociale. Enfin, le requérant, qui se borne à invoquer le laxisme de l'administration, n'établit ni même n'allègue que le délai de prise en compte des différents arrêts de travail successifs dont il a bénéficié durant la période en litige aurait été excessif et, par suite, fautif. Dans ces conditions, M. B... n'établit pas que le Conservatoire national des arts et métiers aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
6. Enfin, eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, le requérant ne peut utilement soutenir, indépendamment de la discussion du bien-fondé de la solution apportée au litige, que le tribunal administratif aurait entaché son jugement de contradiction de motifs, d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir et l'exception de prescription quadriennale opposées en défense, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'indemnisation.
Sur les frais d'instance :
8. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur leur fondement par le conseil de M. B....
9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le Conservatoire national des arts et métiers sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du Conservatoire national des arts et métiers présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au Conservatoire national des arts et métiers.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Fombeur, présidente de la cour,
- M. Barthez, président de chambre,
- Mme Lellig, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2025.
La rapporteure,
W. LELLIG
La présidente,
P. FOMBEUR
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23PA04711