Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association sportive du golf d'Ozoir-la-Ferrière a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir la décision prise le 20 février 2020 par le directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne, en réponse à sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, à la suite de l'avis défavorable rendu par le collège territorial de second examen des demandes de rescrit.
Par un jugement no 2006480 du 20 juillet 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 septembre 2023 et un mémoire en réplique enregistré le 1er mars 2024, l'association sportive du golf d'Ozoir-la-Ferrière, représentée par Me Bernigard, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 20 juillet 2023 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler la décision prise par le directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne le 20 février 2020 en réponse à sa demande de rescrit ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son recours pour excès de pouvoir est recevable, dès lors que la position formelle prise par l'administration en réponse à sa demande est susceptible d'entraîner des effets, autres que fiscaux, notables sur sa situation ;
- le tribunal n'a pas examiné les moyens tenant à la légalité externe de la décision attaquée ;
- l'avis émis par le collège statuant sur sa demande de second examen est entaché d'incompétence et d'irrégularité dès lors qu'il a été rendu au-delà du délai de trois mois, prévu aux articles L. 80 B et R. 80-2 CB du livre des procédures fiscales, ce qui entache la décision attaquée des mêmes illégalités ;
- la procédure est irrégulière dès lors que le collège a délibéré lors de sa séance du 17 janvier 2020 sans que ses représentants aient pu être entendus par tous les membres appelés à statuer sur sa situation ;
- la décision, qui se réfère à l'avis émis irrégulièrement par le collège statuant sur sa demande de second examen, n'est pas motivée ;
- en restreignant la possibilité de filialiser les activités lucratives accessoires d'une association au seul cas où la création de la filiale ne fait pas bénéficier l'association de revenus complémentaires, sous forme de dividendes, l'administration a commis une erreur de droit et méconnu la doctrine publiée au bulletin officiel des impôts IS-CHAMP-10-50-20-10 n°610 et 620 ;
- en estimant qu'elle entretiendrait des relations privilégiées avec des entreprises du secteur concurrentiel, alors que la réalisation, à titre accessoire, de prestations au profit de ces entreprises ne suffit pas à caractériser de telles relations privilégiées, l'administration a commis une autre erreur de droit ;
- elle a également commis une erreur de droit en estimant qu'elle ne se livrait pas à une gestion désintéressée et que les activités exercées actuellement présentent un caractère lucratif.
Par des mémoires en défense enregistrés les 2 février 2024 et 16 juillet 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à la sagesse de la cour concernant la régularité du jugement attaqué, la recevabilité du recours et l'absence d'audition du contribuable et soutient que :
- la question de la gestion désintéressée de l'association et celles des relations privilégiées de sa filiale ne sont plus débattues ;
- le moyen tiré de la méconnaissance du délai de trois mois est inopérant ;
- les autres moyens soulevés par l'association ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 13 mars 2025 :
- le rapport de Mme Milon,
- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique,
- et les observations de Me Azami, pour l'association sportive du golf d'Ozoir-la-Ferrière.
Considérant ce qui suit :
1. Par un courrier du 2 avril 2019, l'association sportive du golf d'Ozoir-la-Ferrière a demandé à l'administration fiscale, sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, de lui confirmer que son projet, présenté comme la création d'une société, qu'elle détiendrait en totalité, ayant pour objet la réalisation d'activités lucratives devant demeurer accessoires par rapport à son activité non lucrative, n'était pas de nature à remettre en cause le caractère non lucratif de son activité principale. Par décision du 27 août 2019, le directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne a conclu que l'association exerce, à titre principal, une activité lucrative et qu'elle relève donc de la taxe sur la valeur ajoutée et de l'impôt sur les sociétés. Par un courrier du 9 octobre 2019, l'association a contesté cette analyse et sollicité un second examen de sa demande de rescrit, en application de l'article L. 80 CB du livre des procédures fiscales. Après s'être réuni le 19 décembre 2019, puis une seconde fois le 17 janvier 2020, faute de quorum lors de la première séance, le collège territorial de second examen des demandes de rescrit de Nanterre a rendu, le 14 février 2020, un avis défavorable, et conclu au caractère lucratif de l'activité principale de l'association et à sa soumission aux impôts commerciaux, quand bien même elle ne créerait pas la société envisagée. L'association sportive du golf d'Ozoir-la-Ferrière a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir la décision prise par le directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne le 20 février 2020, à la suite de l'avis défavorable rendu par le collège territorial de second examen des demandes de rescrit. Elle fait appel du jugement du 20 juillet 2023 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi. (...) ". Aux termes de l'article L. 80 CB du même livre : " Lorsque l'administration a pris formellement position à la suite d'une demande écrite, précise et complète déposée au titre des 1° à 6° ou du 8° de l'article L. 80 B ou de l'article L. 80 C par un redevable de bonne foi, ce dernier peut saisir l'administration, dans un délai de deux mois, pour solliciter un second examen de cette demande, à la condition qu'il n'invoque pas d'éléments nouveaux. (...) Lorsqu'elle est saisie d'une demande de second examen, auquel elle procède de manière collégiale, l'administration répond selon les mêmes règles et délais que ceux applicables à la demande initiale, décomptés à partir de la nouvelle saisine ". Enfin, l'article R*. 80 CB-4 du même livre précise que : " Le service, dont la réponse initiale a fait l'objet de la demande de second examen, notifie au contribuable, par tout moyen permettant d'apporter la preuve de sa réception, une nouvelle réponse conforme à la délibération du collège ".
3. Une prise de position formelle de l'administration sur une situation de fait au regard d'un texte fiscal en réponse à une demande présentée par un contribuable dans les conditions prévues par les dispositions mentionnées au point précédent a, eu égard aux effets qu'elle est susceptible d'avoir pour le contribuable et, le cas échéant, pour les tiers intéressés, le caractère d'une décision. En principe, une telle décision ne peut pas, compte tenu de la possibilité d'un recours de plein contentieux devant le juge de l'impôt, être contestée par le contribuable par la voie du recours pour excès de pouvoir. Toutefois, cette voie de droit est ouverte à l'encontre de la décision prise par l'administration à la suite d'un second examen, qui se substitue à la décision initiale, lorsque la prise de position de l'administration, à supposer que le contribuable s'y conforme, entraînerait des effets notables autres que fiscaux et qu'ainsi, la voie du recours de plein contentieux devant le juge de l'impôt ne lui permettrait pas d'obtenir un résultat équivalent. Il en va ainsi, notamment, lorsque le fait de se conformer à la prise de position de l'administration aurait pour effet, en pratique, de faire peser sur le contribuable de lourdes sujétions, de le pénaliser significativement sur le plan économique ou encore de le faire renoncer à un projet important pour lui ou de l'amener à modifier substantiellement un tel projet.
4. L'association fait valoir que l'administration a estimé qu'elle exerçait, à titre principal, des activités commerciales, imposables à la taxe sur la valeur ajoutée, et que si elle devait se conformer à cette prise de position, elle serait pénalisée significativement sur le plan économique dès lors que son équilibre financier actuel serait bousculé, mettant en péril l'entretien des parcours de golf et réduisant son attractivité. Il ressort des pièces du dossier que les recettes de l'association se composent pour l'essentiel des sommes versées par ses adhérents pour pratiquer le golf et que ces sommes, si la position de l'administration était suivie, devraient être assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, alors qu'elles ne l'étaient pas jusque-là. Il ressort, par ailleurs, des extraits du compte de résultat de l'association établi au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2019 que ses charges comprennent, pour plus de la moitié, les rémunérations de personnel et charges sociales, dépenses pour lesquelles l'association ne pourra procéder à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. Il en résulte ainsi que l'association, qui, en dépit d'un chiffre d'affaires annuel s'élevant à près de 1 300 000 euros, a présenté, en 2018, un résultat déficitaire de plus de 50 000 euros, et, en 2019, un résultat quasiment nul, sera contrainte de reporter, sur le prix de ses cotisations, la charge de la taxe sur la valeur ajoutée collectée, alors qu'elles sont déjà plus élevées que celles des golfs concurrents faisant l'objet d'une gestion privée, au risque de perdre une partie de ses adhérents et, ainsi, d'être privée d'une part de ses recettes actuelles. Par suite, et sans même tenir compte des obligations comptables en découlant, il est établi qu'en se conformant à la position prise par l'administration fiscale, l'association sera pénalisée, de façon significative, sur le plan économique. Dès lors, l'association sportive du golf d'Ozoir-la-Ferrière est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a déclaré irrecevables ses conclusions tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de la décision du directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne du 20 février 2020, prise à la suite de l'avis défavorable rendu par le collège territorial de second examen des demandes de rescrit. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé.
5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'association sportive du golf d'Ozoir-la-Ferrière devant le tribunal administratif de Melun.
Sur la légalité de la prise de position formelle de l'administration :
6. En vertu de l'article L. 80 CB du livre des procédures fiscales, cité au point 2, lorsque l'administration a pris formellement position à la suite d'une demande déposée, notamment, au titre du 1° de l'article L. 80 B, le redevable peut saisir l'administration, dans un délai de deux mois, pour solliciter un second examen de cette demande. Cet article L. 80 CB précise à son quatrième alinéa : " A sa demande, le contribuable ou son représentant est entendu par le collège ".
7. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.
8. Il ressort du courrier du 9 octobre 2019 par lequel l'association a sollicité un second examen de sa demande de rescrit fiscal que celle-ci a demandé à être entendue par le collège chargé de procéder à ce nouvel examen, ainsi que l'autorisation d'y être assistée de son conseil. Il ressort de l'avis émis par le collège territorial de second examen des demandes de rescrit de Nanterre daté du 14 février 2020 que l'association a été convoquée à la séance du 29 novembre 2019 et que, ses représentants n'étant pas disponibles, l'affaire a été reportée au 19 décembre 2019, séance au cours de laquelle ceux-ci ont été entendus. Il en ressort toutefois également que, le quorum n'ayant pas été atteint, l'affaire a été reportée de nouveau, à la séance du 17 janvier 2020. Il ressort des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas contesté par l'administration, que le collège a délibéré lors de sa séance du 17 janvier 2020 sans entendre les représentants de l'association. Si l'administration précise que, lors de la séance du 19 décembre 2019, ceux-ci ont été entendus par deux des trois membres du collège qui ont siégé lors de la séance du 17 janvier 2020, l'association ne peut ainsi être regardée comme ayant été entendue par le collège ayant procédé au second examen de sa demande de rescrit. Dès lors, la procédure n'a pas été conforme aux exigences fixées par les dispositions de l'article L. 80 CB du livre des procédures fiscales citées au point 6 du présent arrêt. L'association ayant ainsi été privée d'une garantie, elle est, par suite, fondée à soutenir que la décision qu'elle attaque est entachée d'illégalité.
9. Au surplus, d'une part, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique admet, en appel, que, contrairement à la position prise sur la demande de rescrit, la gestion de l'association est désintéressée et la gestion de la filiale dont elle envisage la création ne serait pas de nature à traduire l'existence de relations économiques privilégiées susceptibles d'avoir une influence sur sa propre analyse au regard des impôts commerciaux. D'autre part, il résulte des termes de l'avis rendu par le collège de second examen que, dans le cadre de son analyse portant sur le caractère lucratif des activités menées par l'association, ce dernier a opéré une confusion entre le montant des cotisations versées par les adhérents et le prix des cours proposés au sein de l'association.
10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que l'association sportive du golf d'Ozoir-la-Ferrière est fondée à demander l'annulation de la décision du directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne du 20 février 2020, prise à la suite de l'avis défavorable rendu par le collège territorial de second examen des demandes de rescrit.
Sur les frais d'instance :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'association sportive du golf d'Ozoir-la-Ferrière et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Melun du 20 juillet 2023 est annulé.
Article 2 : La décision du directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne du 20 février 2020 est annulée.
Article 3 : L'Etat versera à l'association sportive du golf d'Ozoir-la-Ferrière une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association sportive du golf d'Ozoir-la-Ferrière et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Fombeur, présidente de la Cour,
- M. Barthez, président de chambre,
- Mme Milon, présidente assesseure.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 avril 2025.
La rapporteure,
A. MILON La présidente,
P. FOMBEUR
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA04145