Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme Lindsey Thomas a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision de refus du jury du 18 mai 2021 de l'inscrire sur la liste des candidats admis à l'examen professionnel pour l'accès au corps interministériel d'attaché d'administration de l'Etat au ministère de la justice pour la session 2021, le procès-verbal du jury établi le même jour et les nominations des candidats retenus par la délibération du même jour établissant la liste des candidats admis.
Par un jugement n° 2115362 du 13 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 12 juillet et le 11 décembre 2023, Mme B..., représentée par Me Maoui, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les décisions contestées ;
3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de la convoquer à une nouvelle session d'examen oral d'admission, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les sommes de 3 000 euros au titre de la première instance et de 3 000 euros au titre de l'instance d'appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté fixant la composition du jury est entaché d'incompétence ;
- le jury a méconnu les principes d'impartialité et de non-discrimination en raison de ses activités syndicales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le décret n° 2011-1317 du 17 octobre 2011 ;
- l'arrêté du 30 septembre 2013 fixant les règles relatives à la nature et à l'organisation générale de l'examen professionnel pour l'accès au corps interministériel des attachés d'administration de l'Etat ainsi qu'à la composition et au fonctionnement des jurys ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lellig ;
- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Maoui pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme Lindsey Thomas, secrétaire administrative au ministère de la justice, s'est présentée à l'examen professionnel pour l'accès au corps interministériel des attachés d'administration de l'Etat au ministère de la justice lors de la session 2021. Elle a été déclarée admissible, le 11 février 2021, à l'issue de l'épreuve écrite mais n'a pas été admise à la suite des épreuves orales. Elle relève appel du jugement du 13 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du jury refusant de l'inscrire sur la liste des candidats admis, du procès-verbal du jury et de la décision de nomination des candidats retenus par la délibération du 18 mai 2021.
2. En premier lieu, d'une part, aux termes du II de l'article 12 du décret du 17 octobre 2011 portant statut particulier du corps interministériel des attachés d'administration de l'Etat : " Outre la voie de l'inscription sur la liste d'aptitude prévue au I, le recrutement au choix dans le corps interministériel des attachés d'administration de l'Etat régi par le présent décret peut avoir lieu par la voie d'un examen professionnel ouvert aux fonctionnaires de l'Etat (...), sous réserve qu'ils appartiennent à une administration relevant du ministre ou de l'autorité organisant cet examen professionnel, ainsi qu'aux fonctionnaires détachés dans l'un de ces corps. / Pour se présenter à l'examen professionnel, les intéressés doivent justifier, au 1er janvier de l'année au titre de laquelle l'examen professionnel est organisé, d'au moins six années de services publics dans un corps ou cadre d'emplois de catégorie B ou de niveau équivalent. / (...) / Le ministre ou l'autorité de rattachement organise chaque examen professionnel et désigne le jury ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement, dans sa rédaction applicable à la date de signature de l'arrêté critiqué : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : (...) 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs (...) ".
4. En l'espèce, l'arrêté du 24 novembre 2020 fixant la composition du jury a été signé par délégation du garde des sceaux, ministre de la justice, conformément aux dispositions de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005, par M. C... A..., renouvelé dans les fonctions de sous-directeur des parcours professionnels au sein du secrétariat général du ministère de la justice en vertu d'un arrêté de nomination du 2 juillet 2020, régulièrement publié le 4 juillet 2020 au Journal officiel de la République française. La circonstance que l'arrêté du 24 juillet 2020 autorisant l'ouverture de l'examen professionnel indique que le secrétaire général par intérim du ministère de la justice sera chargé de son exécution est sans incidence sur la compétence du signataire de l'arrêté fixant la composition du jury, laquelle résulte de l'application des dispositions règlementaires citées aux points 2 et 3. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.
5. En deuxième lieu, d'une part, aux termes du deuxième alinéa de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dont les dispositions sont désormais codifiées à l'article L. 131-1 du code général de la fonction publique : " Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, de leur âge, de leur patronyme, de leur situation de famille ou de grossesse, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race ". S'il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir de contrôler l'appréciation faite par un jury de la valeur des candidats, il lui appartient en revanche de vérifier que le jury a formé cette appréciation sans méconnaître les normes qui s'imposent à lui.
6. D'autre part, aux termes de l'article 4 de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations : " Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. (...) ". De manière générale, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
7. Par ailleurs, l'article 7 de l'arrêté du 30 septembre 2013 fixant les règles relatives à la nature et à l'organisation générale de l'examen professionnel pour l'accès au corps interministériel des attachés d'administration de l'Etat ainsi qu'à la composition et au fonctionnement des jurys prévoit que : " L'épreuve d'admission consiste en un entretien avec le jury visant à apprécier les aptitudes du candidat, sa motivation, sa capacité à se situer dans un environnement professionnel et à s'adapter aux fonctions qui peuvent être confiées aux fonctionnaires du corps interministériel des attachés d'administration de l'Etat et à reconnaître les acquis de son expérience professionnelle. / Pour conduire cet entretien qui a pour point de départ un exposé du candidat sur son expérience professionnelle, d'une durée de dix minutes au plus, le jury dispose du dossier constitué par le candidat en vue de la reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle. Au cours de cet entretien, le jury peut, le cas échéant, demander au candidat son avis sur un cas pratique issu de la vie administrative courante afin de vérifier son sens de l'organisation et de l'anticipation ainsi que son aptitude à animer une équipe (durée : 25 minutes, coefficient 3). / Seul l'entretien avec le jury donne lieu à la notation. Le dossier de reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle n'est pas noté ".
8. En l'espèce, il n'est pas sérieusement contesté par l'administration que, lors de l'épreuve orale d'admission, l'un des membres du jury a interrogé Mme B... en ces termes : " c'est bien dans votre service qu'il y a eu un mouvement social ' ". La requérante fait également valoir que ce membre du jury, en fonction au secrétariat général du ministère de la justice, avait connaissance de ses engagements syndicaux, lesquels ont notamment donné lieu à des revendications salariales qu'elle conduisait au sein de la direction de l'administration pénitentiaire. Toutefois, d'une part, cette dernière circonstance n'est pas, par elle-même, de nature à faire présumer l'existence d'une discrimination à son égard en raison de ses opinions syndicales. D'autre part, ainsi que Mme B... l'indique, à la suite de sa réponse positive à la question qui lui a été posée, dans le cadre d'une épreuve visant notamment à apprécier la capacité des candidats à se situer dans un environnement professionnel et à reconnaître les acquis de leur expérience professionnelle, l'entretien s'est déroulé sans autre référence à cet événement ni aucune référence à ses activités syndicales. Par ailleurs, la grille d'évaluation renseignée par les membres du jury à l'issue de l'épreuve repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Enfin, si Mme B... soutient que la simple comparaison avec les autres candidats à l'admission démontre qu'elle avait plus d'expérience en matière d'animation d'équipe, aucune des pièces versées au dossier ne permet de l'établir, le compte rendu de son entretien professionnel pour l'année 2020 faisant d'ailleurs apparaître la nécessité d'acquérir certaines compétences en matière d'encadrement. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les décisions contestées seraient fondées sur des motifs entachés de discrimination doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions contestées et à ce qu'il soit enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de la convoquer à une nouvelle session d'examen orale. Il s'ensuit que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, également, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Lindsey Thomas et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Fombeur, présidente de la cour,
- M. Barthez, président de chambre,
- Mme Lellig, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2025.
La rapporteure,
W. LELLIG
La présidente,
P. FOMBEUR
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA03091