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11/04/2025 | FRANCE | N°24PA03789

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 11 avril 2025, 24PA03789


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du préfet de police en date du 7 juin 2024 portant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2416545 du 29 juillet 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour :



Par une requê

te enregistrée le 22 août 2024, M. A..., représenté par Me Vannier, demande à la Cour :



1°) de lui accorder le bénéfic...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du préfet de police en date du 7 juin 2024 portant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2416545 du 29 juillet 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 août 2024, M. A..., représenté par Me Vannier, demande à la Cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 2416545 du tribunal administratif de Paris du 29 juillet 2024 ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet de police en date du 7 juin 2024 portant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

4°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au bénéfice de son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, de lui verser directement cette somme.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et d'une erreur de fait ;

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est dépourvue de base légale ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des articles L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 novembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lorin,

- et les observations de Me Kermiche, substituant Me Vannier, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 7 juin 2024, le préfet de police a prononcé à l'encontre de M. A..., ressortissant algérien né le 12 décembre 1978, une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné. Par la présente requête, M. A... relève régulièrement appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président (...) ".

3. Par une décision du 8 novembre 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a statué sur la demande de M. A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Dans ces conditions, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, les moyens tirés de ce que les premiers juges ont entaché le jugement contesté d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation, qui ne sont pas susceptibles d'être utilement soulevés devant le juge d'appel mais seulement devant le juge de cassation, doivent être écartés comme étant inopérants.

5. En premier lieu, aux termes des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les mesures de police doivent être motivées et " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

6. L'arrêté attaqué vise notamment les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement desquelles la mesure d'éloignement a été prise. Il expose les circonstances de fait propres à la situation personnelle de M. A..., en précisant qu'il est dépourvu de document de voyage (passeport) et ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français. Il mentionne également, que compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale. Par ailleurs, la décision fixant le pays de destination, qui vise les articles L. 721-3 et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et relève que M. A... n'établit pas être exposé à des peines et traitements contraires à ces stipulations en cas de retour dans son pays d'origine ou dans le pays de résidence habituelle où il est effectivement ré-admissible, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, et alors même que ces motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, l'arrêté contesté répond aux exigences de motivation posées par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

7. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué rappelés au point précédent, ni des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A... avant de décider de prendre à son encontre une mesure d'éloignement du territoire sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de désigner le pays à destination duquel cette mesure sera exécutée.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".

9. Contrairement à ce que soutient M. A..., la seule circonstance qu'il dispose d'un passeport revêtu d'un visa Schengen de court séjour valable du 7 octobre 2019 au 5 novembre 2019 délivré par les autorités espagnoles, ne permet pas de justifier de son entrée régulière sur le territoire français à la date du 1er novembre 2019 en l'absence de toute autre pièce justificative susceptible de démontrer sa présence en France à cette date, ce motif justifiant à lui seul la décision d'éloignement du territoire prise par le préfet de police. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de fait et de droit dont serait entaché l'arrêté en litige doivent être écartés.

10. En quatrième lieu, d'une part, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Indépendamment de l'énumération faite par l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi ou une convention internationale prévoit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement.

11. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. Si M. A... fait valoir sa relation sentimentale avec un ressortissant français et les liens amicaux qu'il a développés depuis son arrivée sur le territoire au mois de novembre 2019, il n'établit pas que le centre de ses intérêts privés et familiaux serait durablement établi en France par la seule production d'attestations de ses proches et par celle établie par son compagnon qui fixe l'ancienneté de leur relation à un peu plus d'un an à la date de l'arrêté attaqué. M. A..., qui est célibataire et sans charge de famille, ne justifie pas qu'il serait dépourvu de toute attache familiale en Algérie où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de quarante ans. Contrairement à ce qu'il soutient, il ne démontre pas davantage l'intégration professionnelle stable et ancienne sur le territoire qu'il revendique, en l'absence de pièces justificatives antérieures au mois de décembre 2023. A ce titre, ni les messages reçus sur son téléphone portable, ni les virements mensuels crédités sur son livret bancaire entre les mois de janvier 2021 et février 2023, ne sont suffisants pour établir qu'ils correspondraient effectivement à la rémunération d'une activité salariée de technicien de montage de rayonnage qu'il aurait exercée avant d'obtenir l'emploi à temps partiel d'agent de propreté qu'il occupe depuis le mois de décembre 2023 sous couvert d'un contrat à durée indéterminée. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou aurait entaché la décision portant obligation de quitter le territoire d'une erreur manifeste d'appréciation.

13. En cinquième lieu, M. A... ne démontre pas l'illégalité de la décision d'éloignement prise à son encontre. Par voie de conséquence, le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité de cette décision, soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être renvoyé, ne peut qu'être écarté.

14. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". L'article 3 de cette convention dispose que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

15. M. A... soutient qu'il risque d'être exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Algérie en raison de son homosexualité pénalement réprimée dans ce pays où les violences homophobes sont fréquentes et institutionnalisées. Toutefois, il n'apporte au soutien de ses allégations aucune précision et n'établit pas, par la seule production de témoignages ou de photographies et en se référant à une documentation à caractère général relative à la situation des minorités sexuelles en Algérie, la réalité, l'actualité et le caractère personnel des risques auxquels il serait effectivement exposé en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doit être écarté.

16 En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 7 juin 2024. Sa requête doit par suite être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tenant aux frais liés à l'instance.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de M. A... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête présentée par M. A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Lemaire, président assesseur,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 11 avril 2025.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA03789


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA03789
Date de la décision : 11/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : AARPI FLOREAL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-11;24pa03789 ?
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