La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/04/2025 | FRANCE | N°24PA00006

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 11 avril 2025, 24PA00006


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Air France a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision R/21-0158 du 14 décembre 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende d'un montant de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 821-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou de la décharger du paiement de cette amende.



Par un jugement n° 2202973/3-1 du 31 octobre 2023, le tribunal administratif de Paris a

rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Air France a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision R/21-0158 du 14 décembre 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende d'un montant de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 821-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou de la décharger du paiement de cette amende.

Par un jugement n° 2202973/3-1 du 31 octobre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 janvier 2024 et un mémoire enregistré le 4 mars 2025, la société Air France, représentée par Me Pradon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 octobre 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 14 décembre 2021 et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 10 000 euros mise à sa charge par cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la seule irrégularité relevée tenant à la perforation du document de voyage incriminé ne saurait être qualifiée de manifeste et d'aisément décelable par un examen normalement attentif d'un agent d'embarquement, dès lors notamment qu'il a fallu recourir à un grossissement afin de la constater.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2025, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que le moyen soulevé n'est pas fondé.

Par ordonnance du 5 février 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 6 mars 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 ;

- le règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du

9 mars 2016 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bruston,

- et les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision R/21-0158 du 14 décembre 2021, le ministre de l'intérieur a infligé à la société Air France, sur le fondement des dispositions des articles L. 821-6 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une amende de 10 000 euros pour avoir, débarqué le 7 juin 2021, M. A... se disant Muyal Daniel, de nationalité indéterminée, titulaire d'un passeport israélien manifestement contrefait. La société Air France relève appel du jugement du 31 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article L. 6421-2 du code des transports : " Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu'après justification qu'ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d'arrivée et aux escales prévues ". Aux termes de l'article L. 821-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Est passible d'une amende administrative de 10 000 euros l'entreprise de transport aérien, maritime ou routier qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un État qui n'est pas partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, de la République d'Islande, de la Principauté du Liechtenstein, du Royaume de Norvège ou de la Confédération suisse démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité (...) ". Aux termes de l'article L. 821-8 du même code : " L'amende prévue à l'article L. 821-6 (...) n'est pas infligée : (...) / 2° Lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste. / Elle ne peut être infligée pour des faits remontant à plus d'un an ".

3. Ces dispositions font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de

l'Union européenne sont en possession de documents de voyage leur appartenant, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, non falsifiés et valides. Si ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police en lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d'éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport. En l'absence d'une telle vérification, à laquelle le transporteur est d'ailleurs tenu de procéder en vertu de l'article L. 6421-2 du code des transports, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions précitées.

4. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours de pleine juridiction contre la décision infligeant une amende à une entreprise de transport aérien sur le fondement des dispositions législatives précitées, de statuer sur le bien-fondé de la décision attaquée et de réduire, le cas échéant, le montant de l'amende infligée, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

5. La décision du 14 décembre 2021 infligeant l'amende litigieuse à la société Air France mentionne que " le voyageur a débarqué à Roissy en présentant le passeport israélien précité qui attire l'attention comme l'attestent (...) une planche annotée en couleur établie par l'officier de police judiciaire qui décrit précisément les anomalies manifestes suivantes : la numérotation du passeport n'est pas conforme, la perforation est ici dite " à l'aiguille ", à savoir que les trous sont trop petits et irréguliers par rapport à la perforation authentique effectuée au laser ; qu'un agent d'embarquement, rompu au contrôle des documents de voyage pouvait, dans le cas présent, détecter les signes visibles à l'œil nu d'une contrefaçon de la page d'identité du passeport ".

6. Il résulte de l'instruction, notamment de la copie du passeport et de la planche produite par le ministre de l'intérieur, que l'irrégularité liée à ce que les perforations du passeport ont été faites " à l'aiguille ", caractérisées par des trous trop petits et irréguliers par rapport à la perforation authentique, présentait un caractère manifeste et était aisément décelable à l'œil nu par le personnel d'embarquement. Par suite, le ministre de l'intérieur a pu légalement faire application des dispositions de l'article L. 821-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et infliger à la société Air France une amende sur ce fondement.

7. En raison du caractère aisément décelable de l'irrégularité retenue au

point 6, il n'y a pas lieu de procéder à la réduction du montant de l'amende.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Air France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Air France est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société Air France et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Doumergue, présidente,

Mme Bruston, présidente assesseure,

Mme Saint-Macary, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2025.

La rapporteure,

S. BRUSTON

La présidente,

M. DOUMERGUE

La greffière,

E. FERNANDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA00006 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00006
Date de la décision : 11/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: Mme Servane BRUSTON
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : CLYDE & CO LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-11;24pa00006 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award