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11/04/2025 | FRANCE | N°23PA04226

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 11 avril 2025, 23PA04226


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association Francophonie avenir a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle la présidente d'Île-de-France Mobilités, a rejeté sa demande d'abandon de toute utilisation dans l'espace public et sur tout support de la marque " Navigo Easy ".



Par un jugement n° 1919918-5-1 du 14 mai 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés le 4 octobre 2023, le 15 novembre 2023 et le 29 décembre 2024, l'associa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Francophonie avenir a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle la présidente d'Île-de-France Mobilités, a rejeté sa demande d'abandon de toute utilisation dans l'espace public et sur tout support de la marque " Navigo Easy ".

Par un jugement n° 1919918-5-1 du 14 mai 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 4 octobre 2023, le 15 novembre 2023 et le 29 décembre 2024, l'association Francophonie avenir, représentée par Me Tanon-Lopes, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 mai 2021 ;

2°) d'annuler la décision implicite de la présidente d'Île-de-France Mobilités ;

3°) d'enjoindre à Ile-de-France Mobilités de cesser d'utiliser la marque " Navigo Easy " ;

4°) de mettre à la charge d'Ile-de-France Mobilités une somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- sa requête n'est pas tardive ;

- sa requête d'appel, qui contient l'exposé d'un moyen, est suffisamment motivée ;

- la décision en litige méconnaît l'article 14 de la loi du 4 août 1994 dès lors que l'emploi de la marque " Navigo Easy " contrevient à l'obligation d'emploi de la langue française.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 octobre 2024 et le 17 janvier 2025,

Ile-de-France Mobilités, représenté par la SAS De Gaulle Fleurance et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de l'association francophonie avenir au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est tardive ;

- le recours de l'association Francophonie avenir est irrecevable dès lors que la requête sommaire déposée le 4 octobre 2023 ne contient aucun moyen et le mémoire complémentaire a été déposé après l'expiration du délai de recours ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 21 janvier 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 25 février 2025.

L'association Francophonie avenir a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 94-665 du 4 août 1994 ;

- le décret n° 96-602 du 3 juillet 1996 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bruston,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- et les observations de Me X, représentant Y, et de Me Z, représentant W.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Francophonie avenir a, par un courrier en date du 23 mai 2019, demandé à la présidente d'Île-de-France Mobilités (établissement public local) de renoncer à toute utilisation dans l'espace public et sur tout support de la marque " Navigo Easy ". Une décision implicite de rejet est née du silence gardé pendant deux mois sur cette demande. L'association Francophonie avenir relève appel du jugement du 14 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 2 de la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française : " Dans la désignation, l'offre, la présentation, le mode d'emploi ou d'utilisation, la description de l'étendue et des conditions de garantie d'un bien, d'un produit ou d'un service, ainsi que dans les factures et quittances, l'emploi de la langue française est obligatoire. / Les mêmes dispositions s'appliquent à toute publicité écrite, parlée ou audiovisuelle ". Aux termes de l'article 14 de la même loi : " I. L'emploi d'une marque de fabrique, de commerce ou de service constituée d'une expression ou d'un terme étrangers est interdit aux personnes morales de droit public dès lors qu'il existe une expression ou un terme français de même sens approuvés dans les conditions prévues par les dispositions réglementaires relatives à l'enrichissement de la langue française. / Cette interdiction s'applique aux personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public, dans l'exécution de celle-ci. / II. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux marques utilisées pour la première fois avant l'entrée en vigueur de la présente loi ". Pour l'application de ces dispositions, le décret du 3 juillet 1996 relatif à l'enrichissement de la langue française a créé une commission générale de terminologie et de néologie, devenue commission d'enrichissement de la langue française, et prévu que les termes et expressions que cette commission retient sont soumis à l'Académie française et publiés au Journal officiel de la République française. Aux termes de l'article 11 de ce décret : " Les termes et expressions publiés au Journal officiel sont obligatoirement utilisés à la place des termes et expressions équivalents en langues étrangères : (...) / 2° Dans les cas prévus aux articles 5 et 14 de la loi du 4 août 1994 susvisée relative à l'emploi de la langue française (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que, pour les noms de marque de fabrique, de commerce ou de service, l'obligation d'emploi de la langue française, dont le principe est posé par l'article 2 de la loi du 4 août 1994, obéit aux dispositions particulières de l'article 14 de cette loi qui prévoit que l'emploi, dans le nom d'une marque utilisée pour la première fois après l'entrée en vigueur de la loi, d'une expression ou d'un terme étranger à la langue française, n'est interdit aux personnes morales de droit public que s'il existe une expression ou un terme français de même sens approuvé par la commission d'enrichissement de la langue française et publié au Journal officiel de la République française.

4. Il n'est pas contesté par l'association Francophonie avenir que le terme " Easy " de la marque " Navigo Easy ", déposée auprès de l'Institut national de la propriété industrielle, n'avait pas, à la date de la décision en litige, fait l'objet de l'approbation, par la commission d'enrichissement de la langue française, d'un terme français équivalent publié au Journal officiel. Il s'ensuit, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'il ne s'agirait pas d'un " néologisme étranger " ou d'un " nouveau concept ", que ce terme ne dispose pas d'équivalent en langue française au sens des dispositions de l'article 14 de la loi du 4 août 1994. Par suite, la marque " Navigo Easy " ne méconnait pas l'obligation d'emploi de la langue française.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de

non-recevoir opposées en défense, que l'association Francophonie avenir n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais du litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge d'Ile-de-France Mobilités, qui n'est pas partie perdante, la somme que l'association Francophonie avenir demande sur ce fondement. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Francophonie avenir la somme que Ile-de-France Mobilité demande sur ce fondement, en l'absence de toute justification des frais engagés.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'association Francophonie avenir est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Ile-de-France Mobilité présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à l'association Francophonie avenir et à Ile-de-France Mobilités.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Doumergue, présidente,

Mme Bruston, présidente assesseure,

Mme Saint-Macary, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2025.

La rapporteure,

S. BRUSTON

La présidente,

M. DOUMERGUELa greffière,

E. FERNANDO

La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA04226 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04226
Date de la décision : 11/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: Mme Servane BRUSTON
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : TANON LOPES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-11;23pa04226 ?
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