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02/04/2025 | FRANCE | N°24PA02535

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 02 avril 2025, 24PA02535


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 19 juin 2019 par laquelle le préfet de police a fixé le montant de l'indemnité de départ volontaire qui lui était proposée en cas de démission ainsi que ses réponses des 24 octobre et 18 novembre 2019 rejetant ses recours contre cette décision et, d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de faire droit à sa demande d'indemnité de départ volontaire ou de réexaminer

sa demande dans un délai de deux semaines à compter de la date de notification du jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 19 juin 2019 par laquelle le préfet de police a fixé le montant de l'indemnité de départ volontaire qui lui était proposée en cas de démission ainsi que ses réponses des 24 octobre et 18 novembre 2019 rejetant ses recours contre cette décision et, d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de faire droit à sa demande d'indemnité de départ volontaire ou de réexaminer sa demande dans un délai de deux semaines à compter de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1924874/5-1 du 28 mai 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour avant cassation :

Par une requête sommaire et des mémoires enregistrés les 21 juillet 2021, le 7 septembre 2021 et le 2 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Krzisch, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 28 mai 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 19 juin 2019 par laquelle le préfet de police a fixé le montant de l'indemnité de départ volontaire qui lui est proposée en cas de démission ainsi que ses réponses des 24 octobre et 18 novembre 2019 rejetant ses recours contre cette décision ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de faire droit à sa demande d'indemnité de départ volontaire ou de réexaminer sa demande dans un délai de deux semaines à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) à défaut, d'enjoindre au ministre de lui proposer une rupture conventionnelle, dans un délai de deux semaines, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- il est irrégulier dès lors que les premiers juges ont statué ultra petita et en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- il est entaché d'erreurs de droit, d'erreurs manifestation d'appréciation, de dénaturation des pièces du dossier et de rupture du principe d'égalité.

Sur le bien-fondé :

- la décision par laquelle l'administration communique à l'agent le montant de l'indemnité de départ volontaire est susceptible de recours pour excès de pouvoir ;

- les actes attaqués des 24 octobre et 18 novembre 2019 sont entachés d'une erreur de droit dans la mesure où ils ont pour effet de retirer une précédente décision créatrice de droits ;

- les actes attaqués sont entachés d'une erreur de droit au regard de la durée de ses services effectifs ;

- les actes attaqués sont entachés d'une erreur de droit au regard des modalités de calcul de sa rémunération brute de référence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un arrêt n° 21PA04139 du 16 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. B... contre le jugement du 28 mai 2021.

Par une décision n° 471433 du 11 juin 2024, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par M. B..., a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour, où elle a été enregistrée le 11 juin 2024 sous le n° 24PA02535.

Procédure devant la Cour après cassation :

Par un mémoire, enregistré le 16 janvier 2025, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Par un mémoire, enregistré le 17 janvier 2025, M. B... conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens que dans ses précédentes écritures.

Par une ordonnance du 16 janvier 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 3 février 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 2008-368 du 17 avril 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bories,

- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public,

- les observations de Me Krzisch, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., gardien de la paix, affecté à la préfecture de police, a demandé le 3 avril 2019 au préfet de police de lui communiquer le montant de l'indemnité de départ volontaire qu'il pourrait percevoir en cas de démission. Par une lettre du 19 juin 2019, le préfet de police l'a informé que cette indemnité s'élèverait à la somme de 39 716,80 euros. Par une lettre du 24 octobre 2019, il a ensuite rejeté le recours gracieux du 2 octobre 2019 par lequel M. B... demandait que ce montant soit revu à la hausse compte tenu des années d'ancienneté qu'il pouvait faire valoir, et lui a indiqué que le montant initialement communiqué devait être revu à la baisse pour tenir compte des modifications résultant du décret du 26 février 2019 relatif aux dispositions indemnitaires d'accompagnement des agents dans leurs transitions professionnelles. Par un courrier du 18 novembre 2019, devant être regardé comme se substituant à celui du 19 juin 2019, le préfet de police a indiqué à M. B... qu'en réponse à sa demande du 3 avril 2019, le montant de l'indemnité de départ volontaire qu'il pourrait recevoir s'élevait à 28 237,58 euros. Par un jugement n° 1924874/5-1 du 28 mai 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions du préfet de police des 19 juin, 24 octobre et 18 novembre 2019 fixant le montant de son indemnité de départ volontaire. M. B... forme appel contre ce jugement.

Sur la recevabilité :

2. Aux termes de l'article 1er du décret du 17 avril 2008 instituant une indemnité de départ volontaire, dans sa version applicable au litige : " Une indemnité de départ volontaire peut être attribuée aux fonctionnaires qui quittent définitivement la fonction publique de l'Etat à la suite d'une démission régulièrement acceptée en application du 2° de l'article 24 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, (...). / L'agent qui souhaite bénéficier de l'indemnité de départ volontaire ne peut demander sa démission qu'à compter de la réception de la réponse de l'administration à la demande préalable de bénéfice de l'indemnité de départ volontaire ".

3. Il résulte des dispositions du décret du 17 avril 2008 que l'attribution d'une indemnité de départ volontaire n'a pas le caractère d'un avantage statutaire. Chaque ministre est compétent, dans l'exercice de ses prérogatives d'organisation des services placés sous son autorité, pour établir, dans le respect des règles générales fixées par ces mêmes dispositions, la réglementation applicable au versement de cette indemnité au sein de son administration.

4. Par une circulaire du 31 juillet 2014 relative à la mise en œuvre de l'indemnité de départ volontaire pour les personnels du périmètre " police nationale ", dont relève M. B..., le ministre de l'intérieur a prévu que le fonctionnaire qui envisage de démissionner adresse à l'administration une demande d'évaluation du montant de l'indemnité auquel il peut prétendre, puis lui adresse une demande préalable de bénéfice de l'indemnité, en joignant la réponse adressée à sa demande d'évaluation, et que ce n'est qu'à la réception de la réponse de l'administration à cette seconde demande que le fonctionnaire pourra présenter sa démission.

5. La réponse que l'administration donne à l'agent à sa demande sur le montant de l'indemnité de départ volontaire à laquelle il peut prétendre si sa démission est régulièrement acceptée constitue un acte susceptible de recours. La fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur, et tirée de ce que les décisions attaquées ne constituent que des réponses à une demande d'information ne faisant pas grief, doit ainsi être écartée.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

6. Aux termes de l'article 6 du décret du 17 avril 2008 instituant une indemnité de départ volontaire : " Le montant de l'indemnité de départ volontaire ne peut excéder une somme équivalente à vingt-quatre fois un douzième de la rémunération brute annuelle perçue par l'agent au cours de l'année civile précédant celle du dépôt de sa demande de démission. Les modalités de calcul du montant de l'indemnité de départ volontaire attribuée en application de l'article 2 sont fixées par un arrêté des ministres chargés de la fonction publique et du budget. (...) I. - Pour la détermination de la rémunération brute annuelle mentionnée aux précédents alinéas, sont exclus : 1° Les primes et indemnités qui ont le caractère de remboursement de frais ; 2° Les majorations et indexations relatives à une affection outre-mer ; 3° L'indemnité de résidence à l'étranger ; 4° Les primes et indemnités liées au changement de résidence, à la primo-affectation, à la mobilité géographique et aux restructurations ; 5° Les indemnités d'enseignement ou de jury ainsi que les autres indemnités non directement liées à l'emploi. (...)"

7. M. B... conteste le montant de sa rémunération brute annuelle perçue en 2018, retenu par le préfet de police comme base de calcul de l'indemnité de départ volontaire, et fixé à 31 773 euros puis à 22 590,65 euros dans les décisions litigieuses. Il soutient que le montant de référence qu'il convenait de retenir, en application de la circulaire du 31 juillet 2014, est de 34 710 euros, et produit pour l'établir ses bulletins de salaires pour l'année 2018, dont les montants cumulés corroborent ses allégations. Le ministre de l'intérieur n'a pas précisé selon quelles modalités ce montant de référence avait été déterminé pour procéder au calcul de l'indemnité de départ volontaire de l'intéressé, en dépit d'une mesure d'instruction réalisée à cet effet. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir que les décisions attaquées sont entachées d'une erreur de droit et à en demander l'annulation.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. B..., qu'il est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête. Il y a lieu par voie de conséquence d'annuler ce jugement ainsi que les décisions du préfet des police des 19 juin, 24 octobre et 18 novembre 2019.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt implique seulement, eu égard à ses motifs, que le préfet de police réexamine la demande de communication du montant d'indemnité de départ volontaire auquel M. B... peut prétendre en cas de démission. Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de procéder à ce réexamen, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE:

Article 1er : Le jugement n° 1924874/5-1 du 28 mai 2021 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Les décisions du préfet de police des 19 juin, 24 octobre et 18 novembre 2019 sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la demande de M. B... relative au montant de l'indemnité de départ volontaire qu'il pourrait recevoir en cas de démission, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 19 mars 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Vidal, présidente de chambre,

Mme Bories, présidente assesseure,

M. Segretain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2025.

La rapporteure,

C. BORIES

La présidente,

S. VIDAL

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA02535 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA02535
Date de la décision : 02/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: Mme Colombe BORIES
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : KRZISCH

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-02;24pa02535 ?
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