Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des cotisations primitives de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014, ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 2111520 du 25 septembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. et Mme B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2023, M. et Mme B..., représentés par la société d'avocats Avodia, demandent à la Cour :
1°) d' annuler le jugement n° 2111520 du tribunal administratif de Paris en date du 25 septembre 2023 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des cotisations primitives de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014, ainsi que des majorations correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreur de droit ;
- la proposition de rectification du 15 septembre 2016 qui leur a été adressée est insuffisamment motivée quant à la maîtrise de l'affaire, en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- les rappels de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus sont insuffisamment motivés dans la proposition de rectification du 15 septembre 2016, en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- ils ne peuvent être regardés comme les maîtres de l'affaire et n'ont pas appréhendé les revenus distribués par la société Rivoli Park Tavern ;
- en application du 2° du III de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, la part des revenus mentionnés aux articles 108 à 115 du code général des impôts perçus par un travailleur indépendant non agricole qui est supérieure à 10 % du capital social, des primes d'émission et des sommes versées en compte courant entrent dans l'assiette des cotisations sociales sur les revenus d'activité des travailleurs non-salariés, et non dans l'assiette des contributions sociales sur les revenus du patrimoine ;
- les majorations assortissant les impositions contestées doivent être déchargées par voie de conséquence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie conclut au non-lieu partiel à statuer et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que :
- il est fait droit aux conclusions tendant à la décharge des cotisations de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ;
- les moyens soulevés par M. et Mme B... au soutien du surplus de leurs conclusions ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lemaire,
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel ils ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et à des cotisations primitives de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales au titre des années 2013 et 2014. Ces impositions résultent de la taxation, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, de sommes regardées par le service vérificateur comme des revenus réputés distribués par la société Rivoli Park Tavern, qui exploitait une brasserie à Paris. M. et Mme B... relèvent régulièrement appel du jugement en date du 25 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions, ainsi que des majorations correspondantes.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 7 novembre 2024, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et de Paris a prononcé le dégrèvement total des cotisations primitives de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles M. et Mme B... ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014, ainsi que des majorations correspondantes. Les conclusions de la requête de M. et Mme B... sont dès lors, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur le surplus des conclusions à fin de décharge :
3. En premier lieu, dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des impositions en litige. Par suite, M. et Mme B... ne peuvent utilement soutenir que les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreur de droit pour en demander l'annulation.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivé de manière à lui permettre de formuler ses observations et de faire connaître son acceptation. / (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 de ce livre : " La proposition de rectification prévue à l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et les montants des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées, de manière à lui permettre de formuler utilement ses observations.
6. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 15 décembre 2016 adressée à M. et Mme B... au titre des années 2013 et 2014, à laquelle étaient annexées la proposition de rectification et la réponse aux observations du contribuable envoyées à la société Rivoli Park Tavern les 16 mars 2016 et 25 juillet 2016, mentionne les années d'imposition, la catégorie d'imposition et les impôts concernés. Elle précise également les motifs de droit et de fait conduisant le service à proposer la taxation, sur le fondement de l'article 109 du code général des impôts, de sommes regardées comme des revenus réputés distribués par cette société et correspondant aux recettes non déclarées reconstituées par le service à l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet. Elle indique enfin que M. et Mme B..., gérants statutaires de la société Rivoli Park Tavern, dont ils détenaient l'intégralité du capital social, et qui exerçaient l'intégralité des pouvoirs dévolus à un dirigeant, doivent être regardés comme les seuls maîtres de l'affaire et elle précise ainsi les raisons ayant conduit le vérificateur à les regarder comme étant les bénéficiaires de ces revenus. Dans ces conditions, les requérants, qui ont été mis en mesure de présenter utilement leurs observations, ce qu'ils ont ailleurs fait, ne sont pas fondés à soutenir que la proposition de rectification du 15 décembre 2016 qui leur a été adressée est insuffisamment motivée, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / (...) ". Aux termes de l'article 110 de ce code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. / (...) ".
8. Il résulte de l'instruction que Mme B..., gérante de la société Rivoli Park Tavern au cours des années d'imposition en litige, détenait alors l'intégralité du capital social de cette société avec son époux, avec lequel elle exerçait l'intégralité des pouvoirs dévolus à un dirigeant. L'administration fiscale, qui se prévaut de ces éléments non contestés, établit que M. et Mme B..., qui ont été soumis au titre de ces années à une imposition commune à l'impôt sur le revenu, doivent être regardés comme ayant exercé conjointement la maîtrise de l'affaire et, par suite, comme étant les bénéficiaires des revenus réputés distribués par cette société, la circonstance que chacun des requérants pris individuellement n'aurait pas effectivement appréhendé les sommes correspondantes étant sans incidence à cet égard.
9. En dernier lieu, d'une part, aux termes de l'article 1600-0 C du code général des impôts : " La contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine est établie, contrôlée et recouvrée conformément aux dispositions de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale ". Aux termes de l'article 1600-0 F bis de ce code, en vigueur lors des années d'imposition en litige : " I. - Le prélèvement social sur les revenus du patrimoine est établi conformément aux dispositions de l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale. / (...) ". Aux termes de cet article L. 245-14 du code de la sécurité sociale, alors en vigueur : " Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts sont assujetties à un prélèvement sur les revenus et les sommes visées à l'article L. 136-6. (...) ". Aux termes de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles, alors en vigueur : " Les produits affectés à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie sont constitués par : / (...) / 2° Une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale et une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-15 du même code. Ces contributions additionnelles sont assises, contrôlées, recouvrées et exigibles dans les mêmes conditions et sous les mêmes sanctions que celles applicables à ces prélèvements sociaux. (...) ". Aux termes de l'article 1600-0 S du code général des impôts, alors en vigueur : " I. - Il est institué : / 1° Un prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine mentionnés à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale ; / (...) ". Aux termes de l'article 1600-0 G du même code : " La contribution pour le remboursement de la dette sociale assise sur les revenus du patrimoine est établie, contrôlée et recouvrée conformément à l'article 15 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale ". Aux termes de cet article 15, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " I. - Il est institué une contribution perçue à compter de 1996 et assise sur les revenus du patrimoine définis au I de l'article L. 163-6 du code de la sécurité sociale perçus par les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts. / (...) ".
10. D'autre part, aux termes de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale : " I. - Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, à l'exception de ceux ayant déjà supporté la contribution au titre des articles L. 136-3, L. 136-4 et L. 136-7 : / (...) / c) Des revenus de capitaux mobiliers ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 136-1 de ce code : " Il est institué une contribution sociale sur les revenus d'activité et sur les revenus de remplacement à laquelle sont assujettis : / 1° Les personnes physiques qui sont à la fois considérées comme domiciliées en France pour l'établissement de l'impôt sur le revenu et à la charge, à quelque titre que ce soit, d'un régime obligatoire français d'assurance maladie ; / (...) ". En vertu de l'article L. 136-3 du même code, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige, les revenus professionnels des travailleurs indépendants, au sens de l'article L. 242-11 de ce code, alors en vigueur, sont soumis à la contribution sociale généralisée sur les revenus d'activité, laquelle est assise sur les revenus déterminés par application des dispositions de l'article L. 131-6 du même code. Aux termes de l'article 14 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 susvisée, relative au remboursement de la dette sociale, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " I. - Il est institué une contribution sur les revenus d'activité et de remplacement mentionnés aux articles L. 136-2 à L. 136-4 du code de la sécurité sociale (...). / Cette contribution est assise sur les revenus visés et dans les conditions prévues aux articles L. 136-2 à L. 136-4 et au III de l'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale. / (...) ".
11. Enfin, aux termes de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Les cotisations d'assurance maladie et maternité, d'allocations familiales et d'assurance vieillesse des travailleurs indépendants non agricoles sont assises sur leur revenu d'activité non salarié. / Ce revenu est celui retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu (...). / Est également prise en compte, dans les conditions prévues au deuxième alinéa, la part des revenus mentionnés aux articles 108 à 115 du code général des impôts perçus par le travailleur non salarié non agricole, son conjoint ou le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité (...) qui est supérieure à 10 % du capital social et des primes d'émission et des sommes versées en compte courant détenus en toute propriété ou en usufruit par ces mêmes personnes. Un décret en Conseil d'Etat précise la nature des apports retenus pour la détermination du capital social au sens du présent alinéa ainsi que les modalités de prise en compte des sommes versées en compte courant. / (...) ". Aux termes de l'article R. 131-2 du même code, pris pour l'application de ces dispositions, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Pour l'application du troisième alinéa de l'article L. 131-6 : / 1° Les apports retenus pour la détermination du capital social sont les apports en numéraire intégralement libérés et les apports en nature à l'exclusion de ceux constitués par des biens incorporels qui n'ont fait l'objet ni d'une transaction préalable en numéraire ni d'une évaluation par un commissaire aux apports ; / 2° Les sommes versées en compte courant correspondent au solde moyen annuel du compte courant d'associé. Ce solde moyen annuel est égal à la somme des soldes moyens du compte courant de chaque mois divisée par le nombre de mois compris dans l'exercice ; / 3° Le montant du capital social, des primes d'émission et des sommes versées en compte courant d'associé est apprécié au dernier jour de l'exercice précédant la distribution des revenus mentionnés aux articles 108 à 115 du code général des impôts et le versement des revenus visés au 4° de l'article 124 du même code ".
12. Il résulte des dispositions citées au point précédent que, si les revenus distribués ont en principe le caractère de revenus de capitaux mobiliers passibles de la contribution sociale sur les revenus du patrimoine, ceux mentionnés à l'article 109 du code général des impôts doivent être regardés, pour leur assujettissement aux prélèvements sociaux, comme des revenus d'activité pour leur fraction excédant 10 % du capital social et des primes d'émission, ainsi que des sommes versées en compte courant.
13. Alors qu'ils sont les seuls en mesure de les détenir et ainsi que le fait valoir le ministre en défense, M. et Mme B... ne versent au dossier, en tout état de cause, aucun élément de nature à établir le montant du capital social de la société Rivoli Park Tavern et, le cas échéant, le montant des primes d'émission et des sommes versées sur les comptes courants d'associés ouverts à leur nom dans les livres de cette société. Par suite, à supposer qu'ils aient été travailleurs non-salariés de la société Rivoli Park Tavern, ils n'établissent pas que les revenus réputés distribués par cette société et imposables entre leurs mains à l'impôt sur le revenu, au titre des années 2013 et 2014, sur le fondement des dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, excèdent 10 % du capital social de cette société, des primes d'émission et des sommes versées en compte courant détenus en toute propriété ou en usufruit, à retenir dans les conditions prévues par les dispositions précitées des articles L. 131-6 et R. 131-2 du code de la sécurité sociale. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir, au soutien de leurs conclusions tendant à la décharge des cotisations de contributions sociales sur les revenus du patrimoine auxquelles ils ont été assujettis à raison de ces revenus réputés distribués, que, conformément aux dispositions précitées de cet article L. 131-6, une part de ces revenus est soumise à la contribution sur les revenus d'activité et de remplacement prévue à l'article L. 136-1 du même code.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions demeurant en litige, ainsi que des majorations correspondantes. Le surplus de leurs conclusions à fin de décharge et leurs conclusions à fin d'annulation doivent, par suite, être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, le versement de la somme que M. et Mme B... demandent au titre des frais qu'ils ont exposés.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme B... à concurrence du dégrèvement accordé en cours d'instance.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).
Délibéré après l'audience du 14 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Lemaire, président assesseur,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 28 mars 2025.
Le rapporteur,
O. LEMAIRE
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 23PA04986