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27/03/2025 | FRANCE | N°23PA01436

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 27 mars 2025, 23PA01436


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Saferim a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2016 et 2017.



Par un jugement n° 2007063 du 13 février 2023 le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour

:



Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 7 avril 2023 et le 21 septembre 2023 l'EURL Saferim,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Saferim a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2016 et 2017.

Par un jugement n° 2007063 du 13 février 2023 le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 7 avril 2023 et le 21 septembre 2023 l'EURL Saferim, représentée par Me Albert, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2007063 du 13 février 2023 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2016 et 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pas reçu les propositions de rectification datées respectivement des 2 novembre 2015 en ce qui concerne les conséquences du contrôle de la SCI Villa Verde, et des 8 décembre 2015 et 24 novembre 2016 en ce qui concerne les conséquences du contrôle de la SCI Pégase ;

- la proposition de rectification du 8 décembre 2015 ne comporte aucune motivation sur le calcul des suppléments d'impôt mis à la charge de la SCI Pégase ;

- elle n'a été destinataire d'aucun avis de mise en recouvrement correspondant aux impôts mis à sa charge à la suite de ces trois propositions de rectification ;

- les bases des suppléments d'impôt ont été à tort évaluées à partir de l'activité d'une autre société civile immobilière ;

- la pénalité de 40 % lui a été infligée sans preuve qu'elle ait reçu une mise en demeure de déposer une déclaration de résultat ;

- la pénalité de 100 % prévue par l'article 1732 du code général des impôts ne peut lui être infligée dès lors que l'opposition à contrôle qui la fonde est le seul fait de la SCI Villa Verde ;

- la mise en œuvre de la pénalité de 100 % n'est pas motivée dans la proposition de rectification ;

- compte tenu de son état de santé M. A..., gérant, n'a pas entendu s'opposer au contrôle et par suite la pénalité n'est pas fondée ;

- compte tenu de son caractère automatique la pénalité de 100 % est contraire à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le droit à un procès équitable ;

- elle est également contraire à l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en portant une atteinte disproportionnée à son droit de propriété.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 juillet 2023 le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- aucune opposition à contrôle n'a été constatée au titre de l'année 2017 ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 6 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 janvier 2024.

Un mémoire enregistré le 17 janvier 2025 a été présenté pour l'Eurl Saferim.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Saferim, qui exerce une activité de promotion immobilière, est associée à hauteur de 98 % de la société civile immobilière (SCI) Le Clos Fontaine, laquelle est soumise au régime des sociétés de personnes dont les résultats sont imposables entre les mains de leurs associés. A l'issue d'une vérification de la comptabilité de cette SCI portant sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 le service a informé l'EURL Saferim, en sa qualité de principale associée, des rectifications opérées sur les bénéfices industriels et commerciaux de cette SCI et des conséquences en résultant sur ses exercices clos les 31 décembre 2016 et 31 décembre 2017, à hauteur de la quote-part des droits qu'elle détient dans cette société, sous la forme de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, assorties de pénalités. L'EURL Saferim relève appel du jugement n° 2007063 du 13 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2016 et 2017.

Sur la régularité de la procédure d'imposition

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers ".

3. Il résulte de l'instruction qu'aucune opposition à contrôle n'a été reprochée à la SCI Le Clos Fontaine au titre de l'année 2017, qui a fait l'objet d'un contrôle sur pièces. En ce qui concerne l'année 2016 il n'est pas contesté par la requérante que l'avis de vérification qui a été envoyé à l'adresse du siège social de la SCI Le Clos Fontaine tel que déclaré à l'administration fiscale, le 18 décembre 2017, a été retourné à l'administration avec la mention " destinataire inconnu à cette adresse ", mais qu'une copie en a été adressée à M. A..., gérant de l'EURL Saferim gérante de cette SCI, en courrier simple qui n'a pas été retourné à l'administration et a donc été distribué. Aucun représentant de la SCI ne s'est présenté le jour de la première intervention qui lui avait été notifiée, et la mise en garde d'opposition à contrôle fiscal qui lui a été adressée en conséquence lui a été notifiée par courrier recommandé ainsi que par courrier simple qui n'a pas été retourné à l'administration et a donc été distribué, tout comme la copie de cette mise en garde adressée à l'EURL Saferim. Aucun représentant de la SCI ne s'étant présenté au jour fixé pour la nouvelle intervention à la suite de l'échec de la première, une seconde mise en garde lui a été adressée, également retournée avec la mention " destinataire inconnu à cette adresse ", mais à nouveau la copie qui en a été adressée à l'EURL Saferim gérante de cette SCI, en courrier simple n'a pas été retourné à l'administration et a donc été distribué. Enfin le procès-verbal d'opposition établi a été adressé à la SCI Le Clos Fontaine, ainsi qu'à sa gérante l'EURL Saferim, par un courrier recommandé également retourné avec la mention " pli avisé et non réclamé " ainsi que par courrier simple qui n'a pas été retourné à l'administration et a donc été distribué.

4. Si la société requérante, qui ne conteste pas la matérialité des faits ainsi exposés, persiste à soutenir que son gérant M. A... était dans l'impossibilité de répondre aux sollicitations de l'administration fiscale en raison de son état de santé psychiatrique, elle n'en rapporte pas la preuve par les deux seuls certificats médicaux produits, établis en 2018 et 2023, selon lesquels M. A... déclare souffrir depuis 2014 d'un trouble dépressif, ne permettent pas de justifier de l'inertie dont la SCI le Clos Fontaine et l'EURL ont fait preuve au cours de l'ensemble de la période de vérification, laquelle caractérise une situation d'opposition à contrôle fiscal, ni de son impossibilité de mandater une personne pour représenter son gérant lors des opérations de vérification, alors que dans le même temps il est constant que l'activité de cette SCI et de l'EURL n'a pas cessé.

5. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales a été mise en œuvre pour établir les suppléments d'impôt sur les sociétés afférents à l'activité de la SCI dont elle est la gérante, et qui ont été mis à sa charge à hauteur de la quote-part des droits qu'elle détient dans cette société.

6. En deuxième lieu, les moyens soulevés par la requérante et tirés, d'une part, de ce qu'elle n'aurait pas été destinataire des trois propositions de rectifications établies les 2 novembre 2015, 8 décembre 2015 et 24 novembre 2016 et, d'autre part, de ce que la proposition de rectification du 8 décembre 2015 serait insuffisamment motivée sont inopérants, dès lors que ces trois propositions de rectifications ne sont pas relatives aux impositions en litige.

7. En troisième lieu, il résulte de l'instruction et notamment des termes et pièces jointes à sa réclamation du 21 novembre 2019 que contrairement à ce qu'elle soutient, l'EURL Saferim a été destinataire des deux avis de mise en recouvrement des 16 octobre 2018 et 31 mai 2019 correspondant aux impositions en litige.

Sur le bien-fondé des impositions :

8. La requérante reprend en appel le moyen tiré de ce l'administration a procédé, en l'absence de toute comptabilité, à la détermination des bénéfices de la SCI Le Clos Fontaine par une méthode impropre à refléter l'activité de cette société, sans apporter d'élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ce moyen par les premiers juges. Par suite, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

Sur les pénalités :

En ce qui concerne la pénalité de 40 % :

9. Aux termes de l'article 1728 " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / b. 40% lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai (... )".

10. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 24 mai 2018 que la pénalité de 40 % n'a pas été mise à la charge de l'EURL Saferim au titre de l'année 2016. Il résulte par ailleurs des mentions non contestées de la proposition de rectification du 2 avril 2019 que si une telle pénalité a été mise à la charge de l'EURL Saferim au titre de l'année 2017, une mise en demeure de déposer une déclaration lui a été adressée par courrier recommandé du 15 octobre 2018, retourné à l'administration avec la mention " avisé non réclamé ". Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 1728 faute de mise en demeure régulièrement adressée doit être écarté comme manquant en fait.

En ce qui concerne la majoration de 100 %

11. L'article 1732 du code général des impôts dispose que : " La mise en œuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales entraîne : a ; L'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés (...) ". Tant le principe de responsabilité personnelle que le principe de personnalité des peines s'opposent à ce que des pénalités fiscales, qui présentent le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elles visent, puissent être prononcées à l'encontre de contribuables lorsque ceux-ci n'ont pas participé aux agissements que ces pénalités répriment. Toutefois, ces principes ne s'opposent pas, pour l'appréciation du caractère délibéré du manquement reproché à une personne morale, à ce qu'il soit tenu compte de la connaissance que son dirigeant peut avoir des règles fiscales dont la méconnaissance est sanctionnée ainsi que des faits caractérisant un manquement à ces règles.

12. En l'espèce, il est constant que l'EURL Saferim détient la quasi-totalité des parts de la SCI Le Clos Fontaine et que les deux sociétés ont le même dirigeant, M. A..., qui exerce l'activité de promotion immobilière depuis de nombreuses années et ne pouvait de ce fait ignorer l'obligation pour la SCI de se conformer à la vérification de comptabilité dont elle faisait l'objet. Par suite la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas participé à l'opposition à contrôle reprochée à la SCI Le Clos Fontaine et que, par suite, la majoration de 100 % ne pouvait être mise à sa charge au titre de l'année 2016.

13. Si la requérante soutient par ailleurs que le caractère automatique de la pénalité de 100 % qui lui a été infligée est contraire à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle a disposé de la possibilité de discuter de la pénalité sous les garanties prévues à l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, et il appartient à l'administration d'établir que le contrôle fiscal n'a pu avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. Le juge de l'impôt exerce par ailleurs un plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration pour appliquer l'amende et décide, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir cette amende, soit d'en prononcer la décharge. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que cette sanction infligée par l'administration méconnaitrait les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Enfin contrairement à ce que soutient la requérante l'application de cette majoration, qui a pour objet de lutter contre la fraude fiscale, n'a pas porté une atteinte disproportionnée, au regard de l'objectif poursuivi, au droit au respect de ses biens garanti par les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, son assiette étant proportionnée à la particulière gravité du manquement qu'elle réprime.

15. Enfin l'administration fiscale a suffisamment motivé la mise en œuvre de cette majoration en retenant que l'EURL Saferim est l'associée majoritaire et la gérante de la SCI La Fontaine qui a fait opposition au contrôle.

16. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Saferim n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande. Par voie de conséquence ses conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'EURL Saferim est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Saferim et à la ministre chargée des comptes publics .

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - SCAD).

Délibéré après l'audience du 6 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Chevalier-Aubert, présidente de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2025

La rapporteure,

P. HamonLa présidente

V. Chevalier-Aubert

La greffière,

L. ChanaLa République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA01436


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01436
Date de la décision : 27/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : SELARL L&A

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-27;23pa01436 ?
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