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19/03/2025 | FRANCE | N°23PA04084

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 19 mars 2025, 23PA04084


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014.



Par un jugement n° 1910174/9 du 17 juillet 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.



Procédure devant la Cour :



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r une requête et un mémoire, enregistrés les 17 septembre 2023 et 24 mai 2024, M. et Mme A..., représentés par Me Royaï, de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014.

Par un jugement n° 1910174/9 du 17 juillet 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 septembre 2023 et 24 mai 2024, M. et Mme A..., représentés par Me Royaï, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1910174/9 du 17 juillet 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses, en droits et pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal a omis de statuer sur leurs conclusions en décharge des pénalités ;

- la proposition de rectification du 17 décembre 2015 n'est pas suffisamment motivée s'agissant des rectifications en matière de revenus distribués de la société CRGB sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ;

- la proposition de rectification du 15 novembre 2016 relative aux revenus d'origine indéterminée n'est pas suffisamment motivée ;

- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, faute de leur avoir communiqué les documents obtenus de tiers dont ils ont demandé la communication ;

- les revenus distribués imposés au titre de l'année 2012 ne sont pas fondés, dès lors, notamment, que l'administration n'établit pas que M. A... était le maître de l'affaire et le gérant de fait de la société CRGB ;

- l'ensemble des crédits considérés comme non justifiés et imposés comme revenus d'origine indéterminée en 2013 et 2014 correspondent à des dépenses effectuées auprès d'un fournisseur ;

- l'administration n'établit pas que le solde du compte courant d'associé de M. A... dans la société CRGB était négatif en 2012, 2013 et 2014 ;

- les bases imposables à l'impôt sur le revenu ne peuvent être majorées de 25 % en vertu du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts sans méconnaître la jurisprudence " Waldner " de la Cour européenne des droits de l'homme ;

- les pénalités pour manquement délibéré notifiées dans la proposition de rectification du 15 novembre 2016 ne sont pas suffisamment motivées ;

- le caractère délibéré du manquement n'est pas démontré.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés ;

- une substitution de base légale est demandée afin que les sommes correspondant aux crédits non justifiés du compte courant d'associé de M. A... au titre des années 2013 et 2014, taxées en tant que revenus d'origine indéterminée, soient imposées sur le fondement des dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

Par une ordonnance du 27 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 juillet 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Segretain,

- et les conclusions de M. Perroy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... était, entre mars 2012 et juillet 2014, associé à 50 % de la société CRGB, qui a pour objet les travaux de construction et de rénovation. A la suite d'une vérification de sa comptabilité, d'un contrôle sur pièces de leurs propres déclarations au titre de l'année 2012, conclu par une proposition de rectification du 17 décembre 2015, et d'un examen de leur situation fiscale personnelle, relatif aux années 2013 et 2014, conclu par une proposition de rectification du 15 novembre 2016, M. et Mme A... ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2012 à 2014. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 17 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions en litige, en droits et pénalités.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 29 novembre 2023, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques de la Seine-Saint-Denis a prononcé le dégrèvement partiel des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles M. et Mme A... ont été assujettis au titre de 2012, à concurrence de 2 633 euros en droits et 1 378 euros en pénalités. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur la régularité du jugement :

3. Il ressort de leurs écritures de première instance que M. et Mme A... ont soulevé un moyen tiré du défaut de motivation des pénalités dans la proposition de rectification du 15 novembre 2016, relative aux années 2013 et 2014. Le jugement attaqué n'a pas répondu à ce moyen qui n'était pas inopérant. Dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir que ce jugement est entaché d'une omission à statuer et à en demander l'annulation, pour irrégularité, en tant qu'il statue sur leur demande tendant à la décharge des pénalités mises à leur charge au titre des années 2013 et 2014.

4. Il y a lieu pour la Cour de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions présentées par M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Montreuil tendant à la décharge des pénalités mises à leur charge au titre des années 2013 et 2014 et de se prononcer sur les autres conclusions par la voie de l'effet dévolutif de l'appel.

Sur les conclusions relatives aux impositions :

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.

6. Il ressort de la proposition de rectification du 17 septembre 2015 que, pour fonder le rehaussement notifié au titre de l'année 2012 à concurrence des sommes inscrites au crédit du compte courant de M. A... dans la société CRGB, le service a, d'une part, relevé que cette société avait fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle il avait été constaté que M. A..., associé à 50 %, était titulaire d'un compte courant, et que des sommes portées au crédit de ce compte pour un montant total de 67 926 euros ont été réintégrées aux résultats de la société au titre de l'exercice clos en 2012 faute d'avoir été justifiées et, d'autre part, cité les dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts et rappelé la jurisprudence selon laquelle les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus. Le service a, enfin, joint des extraits de la proposition de rectification du 14 septembre 2015 notifiée à la société CRGB, dont la rectification relative aux apports non justifiés sur le compte courant de M. A... au titre de l'exercice clos en 2012, et l'annexe 6 à cette proposition retraçant l'ensemble des écritures de débit et de crédit sur ce compte courant en 2012, avec leur date, leur libellé, leur montant et des observations du vérificateur. Par suite, la proposition de rectification du 17 septembre 2015 était suffisamment motivée, la circonstance qu'une copie de l'annexe 7 de la proposition de rectification notifiée à la société n'ait pas été jointe étant sans incidence, dès lors qu'elle était relative aux écritures du compte courant de M. A... au cours de l'année 2013, qui n'était pas visée par la proposition de rectification du 17 septembre 2015. Les requérants ne font, en outre, pas utilement valoir qu'il n'y était pas indiqué si la comptabilité de la société CRGB avait été rejetée, et, le cas échéant, pour quel motif, cette circonstance étant sans incidence sur le rejet, pour la société, des apports en compte courant d'associé non justifiés, et sur l'imposition de ces montants comme revenus distribués entre les mains de l'associé. Ils ne font enfin pas plus utilement valoir que le solde du compte courant au début et en fin d'exercice n'était mentionné dans aucune de ces deux propositions de rectification de 2015, dès lors qu'ils n'ont pas été imposés à raison d'un solde débiteur du compte courant d'associé de M. A... mais des crédits non justifiés figurant sur celui-ci. Le moyen doit donc être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. Cette notification est interruptive de prescription. (...) ".

8. Il ressort de la proposition de rectification du 15 novembre 2016 qu'en y indiquant le montant des revenus d'origine indéterminée au titre des années 2013 et 2014 et leur évaluation à partir des crédits injustifiés de comptes dont M. ou Mme A... étaient titulaires, l'administration a porté à leur connaissance les éléments servant au calcul des impositions et leurs modalités de détermination conformément aux dispositions précitées de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales applicables en cas de taxation d'office Au surplus, pour établir l'imposition des revenus en litige, le service a cité les dispositions des articles L. 16, L. 16 A et L. 69 du livre des procédures fiscales, en vertu desquelles les sommes ayant le caractère de revenus d'origine indéterminée sont taxées d'office, a rappelé qu'une invitation à fournir des justifications sur l'origine et la cause du versement de fonds leur a été adressée, soulignant des discordances, s'élevant à 174 419 euros au titre de 2013 et 62 474 euros au titre de 2014, entre les sommes créditées sur leurs comptes bancaires ou le compte courant d'associé de M. A... dans la société CRGB et leurs revenus déclarés, qu'une mise en demeure leur a été notifiée après réception d'un courrier de réponses jugées, pour certaines, insuffisantes, afin qu'ils apportent des précisions. Le service a également indiqué qu'en l'absence de réponse, comme ils en avaient été avertis, les sommes injustifiées seraient taxées en vertu de l'article L. 69 et a détaillé les sommes estimées justifiées et les motifs pour lesquelles elles l'étaient, des annexes à la proposition de rectification énumérant en outre l'ensemble des crédits en cause. Dans ces conditions, la proposition de rectification est également suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales applicables en cas de procédure contradictoire.

9. Enfin, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

10. D'une part, si les requérants font valoir qu'ils ont demandé en vain à l'administration de leur communiquer l'ensemble des éléments et documents sur lesquels le service s'est fondé pour retenir, dans la proposition de rectification du 15 novembre 2016, que M. A... était le dirigeant de fait de la société CRGB, il résulte de l'instruction que l'administration ne s'est pas fondée sur la circonstance qu'il aurait été le gérant de fait de cette société pour rehausser l'imposition au terme de cette proposition de rectification. D'autre part, si les requérants font valoir en réplique que, dans cette proposition de rectification, l'administration a motivé les pénalités par référence à la maîtrise de l'affaire de M. A... sans communiquer au contribuable la moindre pièce obtenue de tiers, ils n'apportent en tout état de cause pas de précision sur les documents obtenus de tiers qu'ils auraient demandés avant la mise en recouvrement et qui ne leur auraient pas été communiqués. Par suite, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

11. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

12. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. et Mme A... ont été imposés au titre de l'année 2012 à raison de revenus distribués entre leurs mains par la société CRGB dont M. A... était associé à 50 %, correspondant à des crédits non justifiés sur son compte courant d'associé, présumés avoir le caractère de revenus imposables. Par suite, les requérants ne font pas valoir utilement que l'administration n'établit pas que M. A... était le maître de l'affaire et le gérant de fait de la société CRGB, ni que le solde du compte courant était négatif, ces circonstances étant sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition. En outre, s'ils font valoir que la quasi-totalité des crédits considérés comme non justifiés correspondent à des dépenses effectuées auprès du fournisseur Point P de la société CRGB, ils n'en justifient par aucune pièce. Le moyen doit, dès lors, être écarté.

13. En deuxième lieu, l'administration demande en défense, pour fonder l'imposition au titre des années 2013 et 2014 des crédits non justifiés du compte courant d'associé de M. A... dans la société CRGB, à ce que soient substituées à la catégorie des revenus d'origine indéterminée, en vertu de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, les dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts prévoyant l'imposition des sommes mises à la disposition des associés et non prélevées sur les bénéfices. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 8, la proposition de rectification du 15 novembre 2016 est sur ce point suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, que l'administration a répondu aux observations formulées en conséquence par les contribuables et que les revenus de capitaux mobiliers n'entrent pas dans la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur les chiffre d'affaires, les requérants ne sont privés d'aucune garantie et il y a lieu de donner acte de cette demande de substitution de base légale. Les requérants n'invoquent à nouveau pas utilement l'absence de justification du solde négatif du compte courant d'associé de M. A..., sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition, et n'établissent par aucune pièce que la quasi-totalité des crédits considérés par le service comme non justifiés correspondent à des dépenses effectuées auprès du fournisseur Point P de la société CRGB. Par suite, le moyen doit être écarté.

14. En troisième lieu, dès lors que les crédits non justifiés apparaissant en 2013 et 2014 sur les comptes bancaires personnels de M. et Mme A..., énumérés dans la proposition de rectification du 15 novembre 2016, ont été taxés d'office, en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve incombe aux requérants en vertu de l'article L. 193 du même livre. M. et Mme A... ne versent aucune pièce à ce titre et ne justifient ainsi pas l'origine ou la nature des sommes imposées comme des revenus d'origine indéterminée au titre des années 2013 et 2014.

15. Enfin, aux termes des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". Aux termes des dispositions du 7 de l'article 158 du code général des impôts dans sa version applicable : " 7. Le montant des revenus et charges énumérés ci-après, retenu pour le calcul de l'impôt selon les modalités prévues à l'article 197, est multiplié par 1,25. Ces dispositions s'appliquent : (...) 2° Aux revenus distribués mentionnés aux c à e de l'article 111, aux bénéfices ou revenus mentionnés à l'article 123 bis et aux revenus distribués mentionnés à l'article 109 résultant d'une rectification des résultats de la société distributrice ; (...). "

16. M. et Mme A... se prévalent de l'arrêt Waldner contre France (n° 26604/16) du 7 décembre 2023, par lequel la Cour européenne des droits de l'homme a jugé contraire au droit au respect des biens, garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la majoration prévue au 1° du 7 de l'article 158 du code général des impôts applicable aux titulaires de bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices non commerciaux ou bénéfices agricoles quand ils ne sont pas adhérents à un organisme de gestion agréés. Ils soutiennent que la majoration prévue au 2° du 7 du même article, appliquée aux revenus distribués, méconnaît également l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, le législateur a entendu, en adoptant les dispositions contestées, soumettre à une imposition plus forte certains revenus de capitaux mobiliers distribués dans des conditions irrégulières ou occultes, afin de dissuader de telles opérations, et a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. La majoration en cause repose dès lors suffisamment sur une base raisonnable. Cette majoration, qui porte sur des revenus de capitaux mobiliers dissimulés, non spontanément déclarés par le contribuable, ne conduit pas à une charge excessive au regard des facultés contributives des contribuables et n'entraîne donc pas une surcharge financière disproportionnée à l'encontre du contribuable. Dans ces conditions, la méthode retenue par le législateur, pour les revenus réputés distribués en application du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, n'a pas rompu le juste équilibre qui doit exister entre les impératifs de l'intérêt général et ceux de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que le 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts est contraire aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la demande relative aux pénalités :

17. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...). "

18. Pour établir le caractère délibéré du manquement dans la proposition de rectification du 15 novembre 2016, le service vérificateur a relevé que les revenus non déclarés, s'élevant à 150 010 euros en 2013 et 49 773 euros en 2014, étaient très importants au regard des revenus déclarés initialement, s'élevant à 12 693 euros en 2013 et 3 878 euros en 2014, que les contribuables n'étaient pas capables de justifier des importants crédits, effectués essentiellement par chèques, sur leurs comptes bancaires personnels, et qu'enfin la vérification de comptabilité de la société CRGB portant sur l'impôt sur les sociétés 2012 et 2013 et la taxe sur la valeur ajoutée de mars 2012 à février 2015 a fait apparaître un faisceau d'indices selon lesquels la gérante de droit avait confié à M. A... les pleins pouvoirs d'action sur la société, faisant ressortir sa totale maîtrise du compte courant dont il était titulaire, donc sa connaissance des crédits en litige. Par suite, et alors que la référence par le service au contrôle antérieur d'une tierce société dont M. A... était l'associé était à cet égard surabondante, les pénalités étaient suffisamment motivées, la circonstance que l'administration n'ait pas donné la référence ni communiqué d'extraits de la proposition de rectification concluant le contrôle cité de la société CRGB, qui était au demeurant celle dont la référence et les extraits sur ce point avaient été communiqués à M. et Mme A... dans la proposition de rectification du 17 décembre 2015, dont ils avaient ainsi nécessairement connaissance, ne faisant pas obstacle à ce que les contribuables comprennent les motifs des pénalités pour manquement délibéré, assortissant en particulier les droits relatifs aux crédits non justifiés du compte courant d'associé, et les contestent utilement. Il ressort également de ces motifs retenus que l'administration a ainsi établi le caractère délibéré des manquements en cause. Elle était, dès lors, fondée à appliquer les pénalités de 40 % en litige sur le fondement des dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.

19. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions litigieuses et des pénalités mises à leur charge au titre de l'année 2012, et qu'ils ne sont pas plus fondés à demander la décharge des pénalités qui leur ont été infligées au titre des années 2013 et 2014. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête en décharge des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles M. et Mme A... ont été assujettis au titre de l'année 2012 à concurrence du dégrèvement partiel de 2 633 euros en droits et 1 378 euros en pénalités prononcé en cours d'instance.

Article 2 : Le jugement n° 1910174/9 du 17 juillet 2023 du tribunal administratif de Montreuil est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions tendant à la décharge des pénalités mises à la charge de M. et Mme A... au titre des années 2013 et 2014.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de la demande de M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Montreuil tendant à la décharge des pénalités mises à leur charge au titre des années 2013 et 2014 sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 5 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Bories, présidente,

- M. Magnard, premier conseiller,

- M. Segretain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2025.

Le rapporteur,

A. SEGRETAINLa présidente,

C. BORIESLa greffière,

C. ABDI-OUAMRANE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA0408402


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04084
Date de la décision : 19/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BORIES
Rapporteur ?: M. Alexandre SEGRETAIN
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : SELARL RSDA

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-19;23pa04084 ?
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