Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Studio Niez a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de l'ensemble des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre des années 2016, 2017 et 2018, et d'ordonner, le cas échéant, le remboursement des impositions indûment payées, ainsi que des pénalités et majorations restant appliquées.
Par un jugement n° 2012455/1-3 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 15 septembre 2023, la SARL Studio Niez, représentée par Me Lime-Le Naour demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 13 juillet 2023 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- faute de préciser la période concernée par le contrôle sur pièces sur la page de garde de la proposition de rectification, celle-ci serait entachée d'irrégularité ;
- à défaut d'avoir fait application d'un régime d'imposition par trimestres civils, la procédure d'imposition instaurée par l'administration fiscale jusqu'au 31 décembre 2017 est irrégulière, les périodes contrôlées ne correspondant pas au rythme de déclaration attendu de la taxe sur les véhicules de société ;
- l'assiette de la taxe sur les véhicules de société due au titre du trimestre du 1er octobre 2015 au 31 décembre 2015 ne pouvait faire l'objet d'une reprise par proposition de rectification de novembre 2019 en raison de la forclusion du délai de reprise ;
- dans la mesure où le service s'est livré, à tort, à une annualisation du régime de la taxe sur les véhicules de société due au titre de la période du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2016 incluant un trimestre prescrit, c'est la période globalisée à tort et redressée à ce titre à hauteur de 10 683 euros qui encourt la nullité ;
- la taxe sur les véhicules de société au titre de la période du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2016 ne pouvait faire l'objet d'une liquidation annuelle et être taxée d'office en fonction des déclarations n°2855 ou de leur absence ;
- il ne pouvait être réclamé les trimestres inclus dans la période du 1er octobre 2016 au 31 décembre 2017, représentant une somme de 13 354 euros, alors que l'assiette de la taxe sur les véhicules de société est trimestrielle par principe au titre de l'ancien régime et à titre dérogatoire pour le nouveau régime visant le dernier trimestre 2017 ;
- elle n'est qu'un propriétaire fictif du véhicule, possédé et utilisé par le gérant ;
- la société doit être considérée comme ayant remboursé des indemnités kilométriques au gérant recourant à son véhicule personnel et bénéficie à ce titre de l'abattement ;
- pour 2017/2018, la SARL n'a pas utilisé le véhicule du gérant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens présentés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 3 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 19 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- et les conclusions de M. Perroy, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Studio Niez a fait l'objet d'un contrôle sur pièces portant sur ses déclarations de taxe sur les véhicules de société au titre des exercices 2016, 2017 et 2018. Elle relève appel du jugement du 13 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des impositions établies à l'issue de ce contrôle.
2. D'une part, aux termes de l'article 1010 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " I. Les sociétés sont soumises à une taxe annuelle à raison des véhicules de tourisme qu'elles utilisent en France, quel que soit l'Etat dans lequel ils sont immatriculés, ou qu'elles possèdent et qui sont immatriculés en France. ". Aux termes de l'article 1010-0 A du même code : " I. - Sont considérés comme véhicules utilisés par les sociétés au sens de l'article 1010 les véhicules possédés ou pris en location par les salariés d'une société ou ses dirigeants et pour lesquels la société procède au remboursement des frais kilométriques. (...) ". Aux termes de l'article 1010 B dudit code : " Le recouvrement et le contrôle de la taxe prévue à l'article 1010 sont assurés selon les procédures, sûretés, garanties et sanctions applicables en matière de taxes sur le chiffre d'affaires ". Il résulte, par ailleurs, des dispositions de l'article 310 E de l'annexe II au code général des impôts et de l'article 406 bis de l'annexe III au même code, applicables à la période allant du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2017, que la taxe sur les véhicules de société est annuelle et que la période d'imposition s'étend du 1er octobre au 30 septembre de l'année suivante. Conformément au B du II de l'article 19 de la loi
n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017, une taxe, établie, liquidée, contrôlée et recouvrée selon les modalités et sous les sanctions, garanties et privilèges prévus à l'article 1010 du code général des impôts dans sa rédaction issue du I du même article 19, est due au titre du dernier trimestre de l'année 2017. Enfin, à compter du 1er janvier 2018, et conformément au II de l'article 1010 du CGI, la période d'imposition s'étend du 1er janvier au 31 décembre de chaque année.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 168 du livre des procédures fiscales : " Les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette de l'impôt, les insuffisances, les inexactitudes ou les erreurs d'imposition peuvent être réparées par l'administration des impôts ou par l'administration des douanes et droits indirects, selon le cas, dans les conditions et dans les délais prévus aux articles L. 169 à L. 189, sauf dispositions contraires du code général des impôts " Aux termes de l'article L. 176 du même livre : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible (...) ".
4. En premier lieu, il résulte de la lecture de la proposition de rectification dressée le 12 novembre 2019 que la période concernée par le contrôle sur pièces a été rappelée à plusieurs reprises, aux pages 3, 4 et 5 de la proposition, ainsi qu'aux pages 10 et 12 de celle-ci. Par suite, la circonstance que la mention des périodes concernées par le contrôle n'ait pas été portée sur la page de garde de la proposition de rectification est sans incidence sur la régularité de la procédure.
5. En deuxième lieu, il résulte de l'ensemble des dispositions citées au point 3. que la taxe sur les véhicules de société est une taxe annuelle exigible à l'issue de la période d'imposition sur laquelle elle porte, peu important à cet égard les modalités de sa liquidation. Par suite, la société n'est pas fondée à faire valoir qu'à défaut d'avoir fait application d'un régime d'imposition par trimestres civils et d'avoir calculé la prescription selon ces périodes trimestrielles, l'administration aurait entaché d'irrégularité la procédure d'imposition et mis en recouvrement des impositions irrégulières.
6. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'exigibilité de la taxe applicable à la période du 1er octobre au 31 décembre 2015 est intervenue à l'issue de la période d'imposition, soit au cas présent à compter du 1er octobre 2016. Il suit de là que le droit de reprise de l'administration pour cette période pouvait s'exercer jusqu'au 31 décembre 2019. Dès lors, au 12 novembre 2019, date de notification de la proposition de rectification, le dernier trimestre 2015 n'était pas, contrairement à ce qui est soutenu, une période prescrite, alors même que la taxe est liquidée par trimestre. La société requérante n'est par suite pas fondée à faire valoir en outre que le dernier trimestre 2015 étant prescrit, l'inclusion de ce trimestre dans la période du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2016 rend irrégulière l'intégralité de l'imposition établie au titre de ladite période.
7. En quatrième lieu, contrairement à ce qui est soutenu, l'administration fiscale a isolé les sommes exigibles au titre du dernier trimestre 2017 taxables en application du B du II de l'article 19 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017. La société n'est par suite, et en tout état de cause, pas fondée à soutenir que les sommes exigibles au titre de ce trimestre ont été incluses à tort dans la période courant du 1er octobre 2016 au 31 décembre 2017.
8. Enfin, un véhicule immatriculé au nom d'une société doit être présumé avoir été acquis par cette société. Il appartient dès lors à la société d'apporter la preuve que le véhicule, bien qu'immatriculé à son nom, ne lui appartient pas. En l'espèce, la SARL Studio Niez soutient que le véhicule Aston Martin, immatriculé à son nom, est utilisé exclusivement par son gérant qui en serait le véritable propriétaire. Elle fait valoir à l'appui de sa démonstration que le véhicule en litige n'est pas inscrit sur le tableau de ses immobilisations et qu'aucun frais afférent à celui-ci n'a jamais été passé en charge. Toutefois, ces circonstances, à les supposer établies, sont sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition dès lors que le véhicule est immatriculé au nom de la société et qu'il n'est pas établi ni même soutenu que le gérant aurait financé son acquisition. Par suite, et alors même que le gérant aurait perçu des indemnités kilométriques, qu'il aurait fait assurer le véhicule à son propre nom, et qu'aucun usage professionnel n'en aurait été fait au titre d'une partie de la période en cause, c'est à bon droit que l'administration a assujetti la SARL Studio Niez à la taxe sur les véhicules de société au titre des années 2016, 2017 et 2018 pour le véhicule Aston Martin en litige, dont elle n'établit pas ne pas être propriétaire en dépit de l'immatriculation à son nom. Le régime applicable aux sociétés remboursant des frais kilométriques aux salariés ou dirigeants utilisant leur véhicule personnel ne peut dès lors, et en tout état de cause, être valablement invoqué.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Studio Niez est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Studio Niez et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique).
Délibéré après l'audience du 5 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Bories, présidente,
- M. Magnard, premier conseiller,
- M. Segretain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2025.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLa présidente,
C. BORIES
La greffière,
C. ABDI-OUAMRANE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA04083 2