Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 29 juillet 2022 portant non-renouvellement de son contrat et de mettre à la charge de l'établissement public Ile-de-France Mobilités la somme de 233 214,86 euros en réparation des préjudices subis.
Par un jugement n° 2223131 du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision contestée et condamné Ile-de-France Mobilités à verser à M. A... une somme de 3 000 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 août 2023 et complétée par un mémoire enregistré le 10 janvier 2024, Ile-de-France Mobilités, représenté par Me Abbal, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Paris ;
3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il statue ultra petita dès lors que M. A... n'a jamais sollicité l'annulation de la décision de non-renouvellement de son contrat mais seulement la requalification de cette décision en un licenciement et l'indemnisation de celui-ci ;
- ce jugement est entaché d'une erreur d'appréciation ;
- les conclusions à fin de requalification de la décision du 29 juillet 2022 en un licenciement, qui sont des conclusions à fin d'injonction présentées à titre principal, sont irrecevables ;
- une telle demande de requalification est infondée dès lors que rien ne l'obligeait à prolonger le contrat de travail conclu une fois le titre de séjour obtenu ;
- les conclusions tendant à faire constater une rupture de contrat abusive sont irrecevables ;
- les demandes indemnitaires de M. A..., qui reposent sur l'hypothèse d'une rupture anticipée de contrat, sont irrecevables et infondées ;
- en tout état de cause, la décision de non-renouvellement est intervenue dans des conditions régulières et dans l'intérêt du service ;
- les conclusions à fin d'injonction sont irrecevables et infondées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Likale, doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) de rejeter la requête d'Ile-de-France Mobilités ;
2°) par la voie de l'appel incident, de condamner Ile-de-France Mobilités à lui verser la somme de 30 925,55 euros en réparation des préjudices subis ;
3°) de mettre à la charge d'Ile-de-France Mobilités une somme de 1 875 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Ile-de-France Mobilités ne sont pas fondés et que la rupture illégale de son contrat pour des motifs discriminatoires justifie une indemnisation à hauteur de 30 925,55 euros.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lellig ;
- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Hubert-Hugoud pour Ile-de-France Mobilités.
Considérant ce qui suit :
1. Regardant M. A... comme demandant l'annulation de la décision du 29 juillet 2022 l'informant que son contrat à durée déterminée ne serait pas renouvelé, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision en considérant qu'elle était fondée sur des motifs étrangers à l'intérêt du service et a condamné Ile-de-France Mobilités à verser à l'intéressé une somme de 3 000 euros en réparation des préjudices subis. Ile-de-France Mobilités relève appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, M. A... demande à la cour de réformer ce jugement en tant qu'il a limité à 3 000 euros le montant de la condamnation d'Ile-de-France Mobilités et de porter cette condamnation à la somme de 30 925,55 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il ressort tant des termes de la requête de première instance que du mémoire complémentaire présenté par ministère d'avocat que M. A... conteste, de même qu'en appel, la légalité de la décision qui lui a été opposée le 29 juillet 2022. Ainsi, c'est sans méconnaître la portée des écritures du requérant que les premiers juges ont pu les regarder comme tendant, à titre principal, à l'annulation de cette décision. Par suite, le moyen tiré de ce qu'ils auraient statué ultra petita doit être écarté.
3. En second lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Ile-de-France Mobilités ne peut donc utilement se prévaloir de ce que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'une erreur d'appréciation pour en contester la régularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie ni d'un droit au renouvellement de son contrat ni, à plus forte raison, d'un droit au maintien de ses clauses, si l'administration envisage de procéder à son renouvellement. Toutefois, l'administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler ou de proposer à l'agent, sans son accord, un nouveau contrat substantiellement différent du précédent, que pour un motif tiré de l'intérêt du service. Un tel motif s'apprécie au regard des besoins du service ou de considérations tenant à la personne de l'agent.
5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, en dépit des termes de la lettre du 7 mars 2022 l'informant de son recrutement au sein d'Ile-de-France Mobilités en contrat à durée déterminée pour une durée de trois ans, le contrat de travail effectivement conclu le 15 mars 2022 par M. A... avec son employeur prévoyait une durée déterminée de 5 mois et 26 jours, du 14 mars 2022 jusqu'au 8 septembre 2022, en raison du renouvellement en cours de son titre de séjour. La décision contestée du 29 juillet 2022 constitue donc bien une décision de non-renouvellement de ce contrat à durée déterminée.
6. D'autre part, il ressort également des pièces du dossier que, par courrier électronique du 25 mai 2022, la supérieure hiérarchique de M. A..., recruté sur un poste de catégorie A en qualité d'administrateur fonctionnel du système d'information financier, faisait état des insuffisances professionnelles de l'intéressé, à savoir un manque d'implication, une absence de force de proposition, une attitude attentiste et un manque de rigueur. C'est dans ce contexte que M. A... a été reçu en entretien par ses supérieures hiérarchiques directes au début du mois de juin 2022 afin d'évoquer les carences ainsi constatées, ayant notamment pour effet de reporter la charge de travail lui incombant sur ses collègues et sur les prestataires. Ile-de-France Mobilités produit également, devant le juge d'appel, un courrier électronique émanant d'une collègue travaillant en binôme avec M. A..., indiquant que les difficultés rencontrées par ce dernier ont été abordées essentiellement à l'oral et que des prestataires, précisément identifiés, ont effectivement fait connaître le manque de diligence et d'implication de M. A.... La circonstance qu'une telle pièce ait été établie postérieurement au jugement de première instance est sans incidence sur sa force probante relative à des événements antérieurs à la décision litigieuse. Par ailleurs, en se bornant à invoquer l'absence de rupture de contrat durant sa période d'essai, M. A... ne produit aucune pièce de nature à remettre en cause les appréciations portées par ses supérieures hiérarchiques sur les insuffisances avérées de sa manière de servir.
7. Il s'ensuit qu'Ile-de-France Mobilités est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé, pour ce motif, la décision de non-renouvellement contestée.
8. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Paris et la cour.
Sur les autres moyens soulevés par M. A... :
9. Si M. A... soutient que la décision litigieuse est fondée sur des motifs discriminatoires liées à ses origines, aucune des pièces versées au dossier ne permet d'étayer ses allégations. M. A... n'est dès lors pas fondé à demander l'annulation de la décision contestée. Il ne saurait dès lors se prévaloir d'aucune illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de l'administration.
10. Il résulte de tout ce qui précède qu'Ile-de-France Mobilités est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance, les conclusions à fin d'indemnisation présentées par M. A... par la voie de l'appel incident doivent être rejetées, de même que, par voie de conséquence, celles qu'il a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
11. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros au titre de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2223131 du 29 juin 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées par la voie de l'appel incident et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : M. A... versera à Ile-de-France Mobilités la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement public Ile-de-France Mobilités et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 20 février 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- Mme Milon, présidente assesseure,
- Mme Lellig, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour, le 14 mars 2025.
La rapporteure,
W. LELLIG
Le président,
A. BARTHEZ
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23PA03818