Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 14 mai 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'habilitation au secret défense.
Par un jugement n° 2115941 du 7 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 juin 2023, M. B..., représenté par Me Maumont, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision contestée ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui accorder l'habilitation sollicitée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision du ministre de l'intérieur est insuffisamment motivée ;
- elle repose sur des faits matériellement inexacts et dont l'administration ne rapporte pas la preuve ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'existence de vulnérabilités ;
- l'habilitation au secret défense n'était pas nécessaire et une habilitation d'un niveau inférieur aurait pu suffire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 30 novembre 2011 portant approbation de l'instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lellig ;
- et les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été recruté, par contrat du 2 novembre 2020, en qualité de chargé de mission spécialiste des D... du ministère de l'intérieur. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 mai 2021 du ministre de l'intérieur lui refusant l'habilitation " secret défense ".
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 (...) ". Aux termes de l'article L. 311-5 du même code : " Ne sont pas communicables : / (...) 2° Les autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : / (...) b) Au secret de la défense nationale (...) ".
3. Les décisions qui refusent l'habilitation " secret défense " étant au nombre de celles dont la communication des motifs est de nature à porter atteinte au secret de la défense nationale, la décision litigieuse du 14 mai 2021 du ministre de l'intérieur portant refus d'habilitation de M. B... à connaître des informations classifiées " secret défense " n'avait pas à être motivée.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 2311-7 du code de la défense : " (...) nul n'est qualifié pour connaître des informations et supports classifiés s'il n'a fait au préalable l'objet d'une décision d'habilitation et s'il n'a besoin, selon l'appréciation de l'autorité d'emploi sous laquelle il est placé, au regard notamment du catalogue des emplois justifiant une habilitation établie par cette autorité, de les connaître pour l'exercice de sa fonction ou l'accomplissement de sa mission ". L'article R. 2311-8 du même code, applicable au présent litige, dispose que : " La décision d'habilitation précise le niveau de classification des informations et supports classifiés dont le titulaire peut connaître ainsi que le ou les emplois qu'elle concerne. Elle intervient à la suite d'une procédure définie par le Premier ministre. / (...) / Pour les niveaux de classification Secret-Défense et Confidentiel-Défense, la décision d'habilitation est prise par chaque ministre pour le département dont il a la charge ". Par ailleurs, l'article 23 de l'instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale, approuvée par l'article 1er de l'arrêté du 30 novembre 2011 susvisé, alors en vigueur, dispose que la procédure d'habilitation est " destinée à vérifier qu'une personne peut, sans risque pour la défense et la sécurité nationale ou pour sa propre sécurité, connaître des informations ou supports classifiés dans l'exercice de ses fonctions. La procédure comprend une enquête de sécurité permettant à l'autorité d'habilitation de prendre sa décision en toute connaissance de cause ". L'article 24 de la même instruction précise que cette enquête de sécurité, qui " est une enquête administrative permettant de déceler chez le candidat d'éventuelles vulnérabilités ", " est fondée sur des critères objectifs permettant de déterminer si l'intéressé, par son comportement ou par son environnement proche, présente une vulnérabilité, soit parce qu'il constitue lui-même une menace pour le secret, soit parce qu'il se trouve exposé à un risque de chantage ou de pressions pouvant mettre en péril les intérêts de l'Etat, chantage ou pressions exercés par un service étranger de renseignement, un groupe terroriste, une organisation ou une personne se livrant à des activités subversives ". Enfin, l'article 26 dispose que : " (...) La décision de refus d'habilitation est notifiée à l'intéressé par l'officier de sécurité. A cette occasion l'intéressé est informé, selon les modalités définies par le département ministériel dont il dépend, des voies de recours et des délais qui lui sont ouverts pour contester cette décision. / Si le candidat sollicite, par l'exercice d'un recours, une explication du rejet de la demande d'habilitation, il obtient communication des motifs lorsqu'ils ne sont pas classifiés. Lorsqu'ils le sont, le candidat se voit opposer les règles applicables aux informations protégées par le secret ".
5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il statue sur une demande d'annulation d'une décision portant refus d'habilitation " secret défense ", de contrôler, s'il est saisi d'un moyen en ce sens, la légalité des motifs sur lesquels l'administration s'est fondée. Il lui est loisible de prendre, dans l'exercice de ses pouvoirs généraux de direction de l'instruction, toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, sans porter atteinte au secret de la défense nationale. Il lui revient, au vu des pièces du dossier, de s'assurer que la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. D'une part, le poste de " C... " occupé par M. B... au service central du renseignement territorial nécessitait un habilitation " secret défense ", ainsi que cela ressort de la fiche de poste annexée à son contrat de travail. En se bornant à soutenir sans précision qu'une habilitation à un niveau inférieur aurait pu suffire, M. B... ne fait en tout état de cause valoir aucun élément susceptible de remettre en cause la nécessité d'une habilitation " secret défense " pour l'exercice des fonctions en litige, ni a fortiori la légalité de la décision lui refusant une telle habilitation.
7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, et notamment d'une note des services de renseignement reprenant les éléments communicables d'un avis émis par la direction générale de la sécurité intérieure le 12 mai 2021, que M. B..., qui ne le conteste pas, s'est rendu à plusieurs reprises, en 2002 et 2006 notamment, en Israël dans le cadre de stages auprès d'une organisation chargée d'accueillir les volontaires français souhaitant apporter un soutien à Israël par un travail bénévole dans des bases de l'armée israélienne ou dans des hôpitaux du pays. M. B... a fréquenté, à partir de 2006, un club de " krav maga " parisien connu pour être également fréquenté par des agents de sécurité de l'ambassade d'Israël. Par ailleurs, M. B..., qui le niait initialement, a finalement reconnu, lors de l'entretien du 2 mars 2021, avoir travaillé, lorsqu'il était agent de sécurité auprès du consistoire israélite, en lien avec le service de protection de la communauté juive dont les liens avec les services de sécurité israéliens sont avérés. M. B... a également omis de mentionner spontanément, lors de ce même entretien, une période de six mois de stage en qualité de chargé de mission dans un cabinet fondé par une personne proche des services de renseignement israéliens. Si M. B... se prévaut de la réussite au concours de gardien de la paix et de ses expériences précédentes dans le domaine du renseignement, de telles circonstances sont sans incidence sur l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la vulnérabilité qu'il présente. Dans ces conditions, compte tenu de la proximité de M. B... avec l'Etat d'Israël et de son manque de transparence, à le supposer même involontaire, quant à l'existence et à la nature de tel liens, y compris anciens, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le ministre de l'intérieur a refusé de lui délivrer une habilitation " secret défense ".
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il s'ensuit que ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également, par voie de conséquence, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 20 février 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- Mme Milon, présidente assesseure,
- Mme Lellig, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour, le 14 mars 2025.
La rapporteure,
W. LELLIG
Le président,
A. BARTHEZ
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA02504