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13/03/2025 | FRANCE | N°24PA00452

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 13 mars 2025, 24PA00452


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 25 avril 2023 par lequel le préfet de l'Yonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.



Par un jugement n° 2304292 du 28 décembre 2023, la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour :



Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 29 janvier 2024, 1er février 2025 et 5 février 2025, M. B..., représenté par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 25 avril 2023 par lequel le préfet de l'Yonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 2304292 du 28 décembre 2023, la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 29 janvier 2024, 1er février 2025 et 5 février 2025, M. B..., représenté par Me Bories, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 décembre 2023 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Yonne du 25 avril 2023 l'obligeant à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire et fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne ou à toute autorité administrative compétente de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, en ce qu'il est insuffisamment motivé ;

- la décision d'obligation de quitter le territoire français est entachée d'insuffisance de motivation et de défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- cette décision a été prise en violation des articles L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- la décision de refus de délai de départ volontaire est entachée d'insuffisance de motivation et de défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- cette décision a été prise en violation de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'insuffisance de motivation et de défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- cette décision a été prise en violation des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2024, le préfet de l'Yonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Irène Jasmin-Sverdlin,

- et les observations de Me Mesurolle substituant Me Bories, avocat de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 25 avril 2023, le préfet de l'Yonne a obligé M. A... B..., ressortissant algérien né le 19 mai 1972, à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. M. B... relève appel du jugement du 28 décembre 2023 par lequel la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. M. B... soutient que le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation dès lors qu'il ne s'est pas prononcé de manière suffisamment précise sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, en ne prenant pas en compte les éléments relatifs à la prise en charge médicale et à la scolarité de son fils cadet. Toutefois ce moyen, tel qu'il est formulé, en ce qu'il met en cause l'insuffisante prise en considération par la première juge des éléments relatifs notamment à la vie privée et familiale du requérant, relève du bien-fondé du jugement et est, par suite, sans incidence sur sa régularité. En tout état de cause, le jugement attaqué, qui n'était pas tenu de faire mention de l'ensemble des éléments versés au dossier et des arguments de l'intéressé, est suffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, M. B... reprend en appel, avec la même argumentation qu'en première instance, les moyens tirés de l'absence de motivation de la décision litigieuse et du défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par la première juge aux points 2 et 3 du jugement contesté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...). ".

5. M. B... soutient que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit, dès lors que le préfet de l'Yonne s'est cru en situation de compétence liée pour prendre cette décision et d'erreur d'appréciation au regard de ces dispositions. Toutefois, il ressort des termes de l'arrêté litigieux que cette décision a été prise notamment au motif que le requérant s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Yonne, qui ne s'est pas cru en situation de compétence liée, a inexactement appliqué les dispositions citées au point précédent, ni commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.

6. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

7. M. B... soutient qu'il est entré de manière régulière en France le 1er février 2019, qu'il y réside avec son épouse et leurs trois enfants, dont les deux aînés, nés respectivement le 15 avril 2001 et le 24 juin 2004, sont étudiants et titulaires d'un titre de séjour et le plus jeune, né le 3 juillet 2014, est atteint d'un trouble autistique majeur, nécessitant un suivi médical. Le requérant fait également valoir qu'il est bien intégré socialement et professionnellement sur le territoire national. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. B..., dont l'épouse se maintient en France en situation irrégulière à la date de la décision attaquée, ne justifie pas que sa présence auprès de ses deux enfants majeurs serait nécessaire. En outre, il ressort de ces pièces que la cellule familiale de M. B..., qui s'est vu refuser, par un arrêté du préfet du Val-de-Marne en date du 23 juin 2020, la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade, pourrait se reconstituer en Algérie, pays dans lequel le requérant a vécu jusqu'à l'âge de 46 ans et dans lequel il n'établit pas être dépourvu d'attaches privées et familiales. Dans ces conditions, la décision attaquée ne portant pas une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale ni à l'intérêt supérieur de son enfant mineur, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

8. En premier lieu, la décision litigieuse énonçant les motifs de droit et les circonstances de fait qui en constituent le fondement, le moyen tiré du défaut de motivation de ladite décision doit être écarté.

9. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision contestée ni des autres pièces du dossier que le préfet de l'Yonne ne se serait pas livré à un examen sérieux de la situation de M. B....

10. En dernier lieu, M. B... reprend en appel, avec la même argumentation qu'en première instance, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par la première juge au point 7 du jugement contesté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

11. En premier lieu, la décision attaquée par laquelle le préfet de l'Yonne fixe le pays de destination énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation de cette décision doit être écarté.

12. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Yonne n'a pas entaché la décision attaquée d'un défaut d'examen de la situation de M. B... en relevant que celui-ci " n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ". Par suite, le moyen tiré d'un défaut d'examen de la situation du requérant doit être écarté.

13. En dernier lieu, M. B... ne peut utilement soulever les moyens tirés de la violation des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa vie privée et familiale à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation, d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 6 février 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère,

- Mme Hélène Brémeau-Manesme, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 mars 2025.

La rapporteure,

I. JASMIN-SVERDLINLe président,

I. LUBEN

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA00452 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00452
Date de la décision : 13/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Irène JASMIN-SVERDLIN
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : SELARL CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-13;24pa00452 ?
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