Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Aérobag a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 20 novembre 2020 par laquelle le directeur régional adjoint des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France responsable de l'unité départementale de Seine-et-Marne l'a assujettie à l'obligation de revitalisation prévue par l'article L. 1233-84 du code du travail, ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion sur le recours hiérarchique qu'elle a formé le 18 janvier 2021.
Par jugement n° 2105237 du 30 janvier 2024, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 mars 2024, et un mémoire en réplique enregistré le 16 janvier 2025, la société Aérobag, représentée par Me Geoffrion, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2105237 du 30 janvier 2024 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler la décision du 20 novembre 2020 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France.
Elle soutient que :
- la décision du 20 novembre 2020 a été prise par une autorité incompétente, en l'absence de délégation de pouvoir régulièrement publiée à cette fin au recueil des actes administratifs du département en méconnaissance des dispositions de l'article R. 312-4 du code des relations entre le public et l'administration ; ;
- le préfet ne pouvait l'assujettir à l'obligation de revitalisation dans la mesure où son effectif est inférieur à 50 salariés et qu'elle n'était pas astreinte à l'obligation de mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) ainsi que l'a jugé la cour administrative d'appel de Paris le 6 juillet 2021, dès lors qu'il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 1233-85, L. 1233-46 et D 1233-38 du code du travail que le point de départ du délai imparti pour la conclusions d'une convention de revitalisation réside dans la notification à l'administration du projet de PSE ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation s'agissant de l'impact des licenciements sur le bassin d'emploi, que la suppression de 48 emplois a un impact limité sur le bassin d'emploi, lequel est dynamique dans le secteur du transport de voyageurs.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 septembre 2024, le ministre du travail, de la santé et des solidarités conclut au rejet de la requête de la société Aérobag.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Aérobag ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du commerce ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bertrand pour la société Aérobag.
Considérant ce qui suit :
1. Le 27 juillet 2020, la société Aérobag, spécialisée dans la prestation de manutention de bagages dans le cadre du transport collectif de voyageurs, a informé l'administration de son projet de licenciement collectif de 48 salariés pour motif économique. Par une décision du 20 novembre 2020, le directeur régional adjoint des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Île-de-France, responsable de l'unité départementale de Seine-et-Marne l'a assujettie à l'obligation de contribuer à la revitalisation du bassin d'emploi prévue par les dispositions de l'article L. 1233-84 du code du travail. Par courrier du 2 février 2021 reçu le 10 février suivant, la société Aérobag a formé un recours hiérarchique auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social lequel a rejeté implicitement sa demande. Par jugement n° 2105237 du 30 janvier 2024, dont la société Aérobag relève appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Sur la légalité des décisions contestées :
2. En premier lieu, par un arrêté n° 20/BC/007 du 10 février 2020 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Seine-et-Marne N°IDF-023-2020-02 le 11 février 2020, le préfet de Seine-et-Marne a donné délégation à M. C... D..., directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France à l'effet de signer tous actes, décisions, circulaires, rapports correspondances et documents relevant de la compétence de la direction régionale des entreprises, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de la région Ile de France dans les domaines relevant de sa compétence parmi lesquelles figure la notification d'assujettissement à l'obligation d'une convention de revitalisation et l'a autorisé à donner subdélégation à des agents placés sous son autorité, en application des articles 43 et 44 du décret du 29 avril 2004. Par un arrêté n° 2020/04 du 12 février 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de la région Ile-de-France N°IDF-023-2020-02 le 17 février 2020, M. C... D..., directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France, a donné délégation à M. B... A..., directeur régional adjoint, responsable de l'unité départementale de Seine-et-Marne, à l'effet de signer notamment la notification d'assujettissement à l'obligation d'une convention de revitalisation. La publication, dans son intégralité, de cet arrêté n° 2020/04 du 12 février 2020 dans le recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de la région Ile-de-France, accessible sur le site internet de cette préfecture, suffisait à le rendre opposable, et ce même si cet arrêté n'a été que partiellement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de Seine-et-Marne. A cet égard, la société requérante ne saurait utilement se prévaloir de l'article R. 312-4 du code des relations entre le public et l'administration qui concerne les seules instructions et circulaires, notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administrative et non les délégations de signature. Par suite, même si la mention de la délégation du préfet ne figure pas sur la décision contestée du 20 novembre 2020 et que la délégation et la subdélégation ne sont pas visées, la décision du 20 novembre 2020 attaquée a bien été prise par une autorité compétente.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1233-84 du code du travail : " Lorsqu'elles procèdent à un licenciement collectif affectant, par son ampleur, l'équilibre du ou des bassins d'emploi dans lesquels elles sont implantées, les entreprises mentionnées à l'article L. 1233-71 sont tenues de contribuer à la création d'activités et au développement des emplois et d'atténuer les effets du licenciement envisagé sur les autres entreprises dans le ou les bassins d'emploi. ". Aux termes de l'article L. 1233-71 du même code dans sa version alors en vigueur : " Dans les entreprises ou les établissements d'au moins mille salariés, ainsi que dans les entreprises mentionnées à l'article L. 2331-1 et celles répondant aux conditions mentionnées aux articles L. 2341-1 et L. 2341-2, dès lors qu'elles emploient au total au moins mille salariés, l'employeur propose à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique un congé de reclassement qui a pour objet de permettre au salarié de bénéficier d'actions de formation et des prestations d'une cellule d'accompagnement des démarches de recherche d'emploi. ". Aux termes du I de l'article L. 2331-1 du même code : " Un comité de groupe est constitué au sein du groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce ". Enfin aux termes de l'article L. 233-1 du code du commerce : " Lorsqu'une société possède plus de la moitié du capital d'une autre société, la seconde est considérée, pour l'application du présent chapitre, comme filiale de la première ".
4. Il résulte de l'article L. 1233-71 du code du travail, auquel renvoie l'article L. 1233-84 de ce code, qui fixe le champ des entreprises assujetties à l'obligation en litige, que les entreprises tenues de proposer un congé de reclassement sont les entreprises d'au moins mille salariés, celles qui appartiennent à un groupe formé par une entreprise dominante dont le siège social est en France et celles que cette entreprise dominante contrôle en possédant plus de la moitié du capital et qui emploient au total au moins 1000 salariés et enfin, les entreprises de dimension communautaire employant au moins 1 000 salariés dans les Etats de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen, lorsque une entreprise du groupe emploie au moins 150 salariés dans deux Etats membres. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne ressort pas de la combinaison des dispositions précitées que seules les entreprises qui ont l'obligation de mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 1233-61 du code du travail seraient assujetties à l'obligation de revitalisation prévue par l'article L. 1233-84 du code du travail. En revanche, en vertu de l'article L. 1233-84 précité, les entreprises qui sont assujetties à cette obligation de revitalisation sont les mêmes que celles qui sont soumises à l'obligation de proposer un congé de reclassement à leur salarié licencié pour motif économique en application des dispositions de l'article L. 1233-71 du code du travail.
5. Il n'est pas contesté que la société Aérobag appartient dans sa totalité à la société Kéolis dont la majorité du capital est détenue par la société SNCF. La société SNCF est l'entreprise dominante du groupe auquel appartient la société Aérobag au sens et pour l'application de l'article L. 2331-1 du code du travail. Par suite, dès lors que le groupe SNCF a un effectif de plus de mille salariés, l'obligation de proposer un congé de reclassement à ses salariés licenciés pour motif économique s'impose à la société Aérobag qui entrait ainsi dans le champ d'assujettissement à l'obligation de revitalisation prévue par l'article L. 1233-84 du code du travail.
6. Est sans influence sur cet assujettissement le délai de six mois fixé par l'article L. 1233-85 du code du travail, pendant lequel l'entreprise et l'autorité administrative doivent négocier puis conclure une convention de revitalisation, et la circonstance que la notification mentionnée par cet article pour fixer le point de départ de ce délai ne s'impose qu'aux sociétés qui envisagent le licenciement économique d'au moins 10 salariés pendant 30 jours et qui emploient au moins 50 salariés. Cette obligation de notification est sans influence sur l'éligibilité des entreprises à l'obligation de revitalisation prévue par l'article L. 1233-84 du code du travail, et non par les dispositions combinées des articles L. 1233-85 et L. 1233-46 du code du travail.
7. En dernier lieu, pour apprécier si le licenciement collectif affecte par son ampleur l'équilibre du bassin d'emploi dans lequel l'entreprise est implantée, le préfet doit notamment tenir compte en application de l'article D. 1233-38 du code du travail : " du nombre et des caractéristiques des emplois susceptibles d'être supprimés, du taux de chômage et des caractéristiques socio-économiques du ou des bassins d'emploi et des effets du licenciement ou de la rupture conventionnelle collective sur les autres entreprises de ce ou ces bassins d'emploi. "
8. La société Aérobag soutient que tous ses salariés ne travaillaient pas sur le bassin d'emploi du grand Roissy - le Bourget où se trouve son siège social, que seuls 21 y étaient également domiciliés, que de nombreux salariés travaillaient également dans Paris intramuros et à Orly et que seuls 22 salariés travaillaient dans le bassin d'emploi du grand Roissy - le Bourget sans toutefois, en toute hypothèse, apporter aucun élément à l'appui de ses affirmations. Elle soutient, par ailleurs, que la suppression des postes en son sein n'a aucun impact indirect sur l'emploi d'autres entreprises sur le bassin d'emploi du grand Roissy - le Bourget dès lors qu'elle ne travaillait avec aucune entreprise sous-traitante et n'est pas donneur d'ordre, qu'elle n'effectue aucun achat de matière première localement, qu'elle n'employait pas d'intérimaires ni de salariés en contrat à durée déterminée, que ces licenciements n'entraînent aucune suppression d'emploi dans les commerces et équipements de proximité, qu'elle n'avait que quelques bureaux pour les services administratifs au Mesnil Amelot et que les montants de recettes fiscales locales qu'elle versait étaient faibles, à savoir 48 859 euros de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises en 2019, 14 842 euros en 2020 pour la même taxe et de 2 400 euros au titre de la cotisation foncière des entreprises en 2019 et 322 en 2020. Néanmoins, il ressort des pièces du dossier que la société Aérobag a cessé totalement son activité et a licencié ses 48 salariés qui étaient en contrat à durée indéterminée dans le secteur des transports, l'un des plus impactés par la crise économique liée au covid-19. Il ressort également des pièces du dossier que l'activité de transport dans ce bassin d'emploi représente plus du tiers de l'activité et que les salariés concernés par ce licenciement occupaient des emplois non qualifiés de manutentionnaire, que 50 % d'entre eux avaient plus de 45 ans, circonstance qui rendait moins aisée leur adaptabilité et leur recherche d'emploi et risquait de les exposer davantage au chômage de longue durée. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que ce bassin d'emploi, a été, au cours de l'année 2020, un des bassins d'emploi les plus touchés par la hausse du chômage en Ile-de-France. Dans ces conditions, en estimant que par son ampleur, le licenciement collectif auquel a procédé la société Aérobag affectait l'équilibre du bassin d'emploi concerné, le préfet de Seine-et-Marne n'a pas fait une inexacte application des dispositions du code de travail citées ci-dessus, en assujettissant la société requérante à l'obligation de revitalisation des territoires.
9. Il résulte de ce qui précède que la société Aérobag n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 novembre 2020 par laquelle le directeur régional adjoint des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Île-de-France, responsable de l'unité départementale de Seine-et-Marne l'a assujettie à l'obligation de revitalisation prévue par l'article L. 1233-84 du code du travail, ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion sur le recours hiérarchique qu'elle a formé le 18 janvier 2021. Ses conclusions tendant à l'annulation de ce jugement et de ces décisions sont rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Aérobag est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Aérobag et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Copie en sera adressée au directeur régional adjoint des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Île-de-France, responsable de l'unité départementale de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 3 février 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2025.
La rapporteure,
A. ColletLa présidente,
A. Menasseyre
Le greffier,
P. Tisserand
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA01234