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11/03/2025 | FRANCE | N°24PA00658

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 11 mars 2025, 24PA00658


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2023 par lequel par lequel le préfet de police de Paris a constaté la caducité de son droit au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois.



Par un jugem

ent n° 232943/5-3 du 10 janvier 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2023 par lequel par lequel le préfet de police de Paris a constaté la caducité de son droit au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois.

Par un jugement n° 232943/5-3 du 10 janvier 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 février 2024, M. A..., représenté par Me Taj, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de Paris de lui restituer son document d'identité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

En ce qui concerne l'ensemble des décisions :

- elles ont été signées par une autorité incompétente ;

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

- elles sont insuffisamment motivées ;

- elles sont entachées d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'une erreur de droit dès lors que son comportement n'est pas constitutif d'une menace à l'ordre public ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de circuler sur le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2025, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Vrignon-Villalba a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant roumain né le 4 mai 1971 à Ploesti, a été interpellé le 14 octobre 2023 alors qu'il se livrait sur la voie publique à des jeux d'argent et de hasard prohibés (" bonneteau ") sur la voie publique. Par un arrêté du 15 octobre 2023, le préfet de police de Paris a constaté la caducité de son droit au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois. M. A... relève appel du jugement du 10 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif aux conditions de séjour applicables aux citoyens de l'Union européenne : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : / 1° Ils exercent une activité professionnelle en France ; / 2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...). Aux termes de l'article L. 251-1 du même code : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : / 1° Ils ne justifient plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 232-1, L. 233-1, L. 233-2 ou L. 233-3 ; / 2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ; (...) / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée du séjour des intéressés en France, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle en France, et l'intensité des liens avec leur pays d'origine. ".

3. Les dispositions citées, au point précédent, de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, qui reprennent, en substance, celles de l'article L. 511-3-1 inséré dans le code par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, doivent être interprétées à la lumière des objectifs de la directive du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, et notamment de ses articles 27 et 28, qu'elles ont pour objet de transposer. Il appartient à l'autorité administrative d'un Etat membre qui envisage de prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un ressortissant d'un autre Etat membre de ne pas se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, mais d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française. L'ensemble de ces conditions doivent être appréciées en fonction de la situation individuelle de la personne, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.

4. Il ressort des termes des décisions contestées que le préfet de police de Paris a estimé que le comportement de M. A... constituait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société et a décidé, en conséquence, de l'obliger à quitter le territoire sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a également relevé qu'au surplus, M. A... ne pouvant justifier de ressources suffisantes pour lui et sa famille ni d'une assurance maladie personnelle en France ou dans son pays d'origine, il constituait une charge déraisonnable pour l'Etat français et se trouvait dans une situation de complète dépendance vis-à-vis du système d'assurance sociale français, et qu'il ne pouvait dès lors pas se prévaloir d'un droit de séjourner en France sur le fondement de l'article L. 233-1 du même code.

5. Toutefois, d'une part, M. A... justifie par la production de fiches de paie et d'une attestation de son employeur qu'à la date des décisions attaquées, il exerçait depuis le 1er décembre 2020, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, en qualité d'agent d'entretien, une activité professionnelle. La circonstance que l'intéressé, qui est marié, père de trois enfants dont deux sont toujours à sa charge et dispose d'un logement personnel, a été interpellé pour avoir pris part à l'organisation d'un jeu de bonneteau sur la voie publique, faits qui n'ont d'ailleurs donné lieu à aucune condamnation, ne saurait, à elle-seule et dans ce contexte, être regardée comme constitutive d'une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société, au sens et pour l'application des dispositions précitées du 2° de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et ce alors même qu'il ressort du procès-verbal d'audition par les forces de police que l'intéressé a reconnu participer à de tels jeux depuis " quatre ou cinq ans ", lorsqu'il a " besoin d'argent ".

6. D'autre part, à la date des décisions attaquées, M. A... justifiait, ainsi qu'il a été dit d'une activité professionnelle qui ne peut être regardée ni comme marginale ni comme accessoire. Il produit également sa carte Vitale et une attestation d'inscription auprès de la société AG2R La Mondiale. Dans ces conditions, et alors que l'exercice d'une activité professionnelle suffisait à lui ouvrir le droit de séjourner en France pour une période supérieure à trois mois en vertu des dispositions du 1° de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police de Paris ne pouvait considérer que son droit au séjour était " caduc " au motif qu'il aurait constitué une charge déraisonnable pour l'Etat français et l'obliger à quitter le territoire français pour ce motif.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".

9. Il résulte de l'instruction que, postérieurement à l'arrêté attaqué, M. A... a été éloigné d'office vers la Roumanie et qu'il était alors muni de son document d'identité. Le présent arrêt n'implique dès lors pas qu'il soit enjoint au préfet de police de procéder à la restitution de ce titre.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... de la somme de 1 200 euros une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 232943/5-3 du 10 janvier 2024 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 15 octobre 2023 du préfet de police sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris et au préfet de police de Paris.

Délibéré après l'audience du 3 février 2025 à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2025.

La rapporteure,

C. Vrignon-VillalbaLa présidente,

A. Menasseyre

Le greffier,

P. Tisserand

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°24PA00658


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00658
Date de la décision : 11/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : TAJ

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-11;24pa00658 ?
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