La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/03/2025 | FRANCE | N°24PA00497

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 11 mars 2025, 24PA00497


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Best Déco a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 29 mars 2022 modifié par l'arrêté du 25 mai 2022, par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé la fermeture administrative, pour une durée ramenée en dernier lieu à soixante-quinze jours, des deux établissements qu'elle détient à Aubervilliers.



Par jugement n° 2205346 du 6 décembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa dema

nde.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 1er février 2024, la so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Best Déco a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 29 mars 2022 modifié par l'arrêté du 25 mai 2022, par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé la fermeture administrative, pour une durée ramenée en dernier lieu à soixante-quinze jours, des deux établissements qu'elle détient à Aubervilliers.

Par jugement n° 2205346 du 6 décembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er février 2024, la société Best Déco, représentée par Me Chapelle, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2205346 du 6 décembre 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 mars 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis modifié par l'arrêté du 25 mai 2022 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance du principe du respect du contradictoire de la procédure ;

- il est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il s'agit du premier constat d'emploi illégal ;

- il est entaché d'une erreur de droit dès lors que le préfet n'a pas pris en compte l'ensemble des critères prévus à l'article R. 8272-8 du code du travail pour déterminer la durée de fermeture de ses établissements ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que deux des étrangers en situation irrégulière avaient été embauchés en raison de justificatifs produits par la CGT attestant de la constitution d'un dossier de régularisation les concernant ;

- la mesure de fermeture administrative prononcée est disproportionnée.

La requête a été transmise au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Chapelle pour la société Best Déco.

Considérant ce qui suit :

1. La société Best Déco exploite deux établissements à Aubervilliers, dont l'activité est le commerce de gros de textiles et d'articles de décoration de maison. Une enquête diligentée par les services de la direction régionale et interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) d'Ile-de-France dans le cadre du dispositif d'activité partielle, a permis de constater, par procès-verbal du 13 décembre 2021, que la société Best Déco avait employé trois personnes dépourvues de titre les autorisant à travailler en France et deux personnes pour lesquelles elle n'avait pas été en mesure de présenter un justificatif d'identité. Par courrier du 22 février 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a informé la société Best Déco de son intention de prononcer la fermeture administrative temporaire de ses deux établissements et l'a invitée à présenter ses observations sur les faits constatés. Par arrêté du 29 mars 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé la fermeture administrative des établissements précités pour une durée de quatre-vingt-dix jours. Par un second arrêté du 25 mai 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a modifié l'arrêté du 29 mars 2022 en ramenant la durée de fermeture à soixante-quinze jours. Par jugement n° 2205346 du 6 décembre 2023, dont la société Best Déco relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mars 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis modifié par l'arrêté du 25 mai 2022.

Sur la légalité de l'arrêté du 29 mars 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis modifié par l'arrêté du 25 mai 2022 :

2. Aux termes de l'article L. 8272-2 du code du travail : " Lorsque l'autorité administrative a connaissance d'un procès-verbal relevant une infraction prévue aux 1° à 4° de l'article L. 8211-1 ou d'un rapport établi par l'un des agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1-2 constatant un manquement prévu aux mêmes 1° à 4°, elle peut, si la proportion de salariés concernés le justifie, eu égard à la répétition ou à la gravité des faits constatés, ordonner par décision motivée la fermeture de l'établissement ayant servi à commettre l'infraction, à titre temporaire et pour une durée ne pouvant excéder trois mois. Elle en avise sans délai le procureur de la République (...) ". Aux termes de l'article L. 8211-1 du même code : " Sont constitutives de travail illégal, dans les conditions prévues par le présent livre, les infractions suivantes : (...) 4° Emploi d'étranger non autorisé à travailler ". Selon l'article R. 8272-8 du même code : " Le préfet tient compte, pour déterminer la durée de fermeture d'au plus trois mois du ou des établissements ayant servi à commettre l'infraction conformément à l'article L. 8272-2, de la nature, du nombre, de la durée de la ou des infractions relevées, du nombre de salariés concernés ainsi que de la situation économique, sociale et financière de l'entreprise ou de l'établissement ". Aux termes de l'article R. 8272-7 du même code : " (...) Préalablement, il informe l'entreprise, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa réception par le destinataire, de son intention en lui précisant la ou les mesures envisagées et l'invite à présenter ses observations dans un délai de quinze jours. A l'expiration de ce délai, au vu des observations éventuelles de l'entreprise, le préfet peut décider de la mise à exécution de la ou des sanctions appropriées ".

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que par courrier du 22 février 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a informé la société Best Déco qu'il envisageait de prononcer à son encontre une mesure de fermeture administrative temporaire de ses deux établissements et l'a invitée à présenter ses observations sur les faits constatés. Ce pli, envoyé à l'adresse du siège social de la société requérante, a été retourné à la préfecture revêtu de la mention " avisé et non réclamé " après avoir été présenté le 24 février 2012, date à laquelle il est ainsi réputé avoir été notifié. La circonstance, au demeurant non démontrée, que la société Best Déco serait domiciliée au cabinet de son expert-comptable qui ne l'aurait pas informée du passage des services postaux pour la remise de ce pli est sans incidence sur cette notification, réputée être intervenue à la date de présentation du pli mentionnée sur le courrier précité. Par suite, le moyen selon lequel l'arrêté du 29 mars 2022 aurait été pris en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, si l'article L. 8272-2 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 prévoyait que la sanction de fermeture administrative provisoire ne pouvait être prononcée qu'en cas de répétition d'infraction, toutefois ces dispositions dans leur version applicable au litige, modifiées par l'article 10 de la loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014, prévoient désormais que cette sanction puisse être prononcée soit compte-tenu de la répétition de l'infraction soit de la gravité des faits constatés. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en présence d'une première infraction, le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait entaché sa décision de sanction contestée d'une erreur de droit pour ce motif.

5. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas pris en compte, préalablement à l'adoption de la sanction contestée, les différents critères mentionnés à l'article R. 8272-8 du code du travail, à savoir la nature, le nombre, la durée de la ou des infractions relevées, le nombre des salariés concernés et la situation économique, sociale et financière de l'établissement visés, derniers éléments ayant d'ailleurs conduit à ce que la durée de la sanction soit ramenée de quatre-vingt-dix jours à soixante-quinze jours. Par suite, le moyen selon lequel la sanction contestée serait pour ce motif entachée d'une erreur de droit ne peut qu'être écarté.

6. En quatrième lieu, la société requérante soutient que deux des étrangers en situation irrégulière avaient été embauchés en raison de justificatifs produits par la confédération générale du travail attestant de la constitution d'un dossier de régularisation les concernant et qu'ainsi, l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Toutefois, cette circonstance ne fait que confirmer qu'elle avait connaissance de la situation irrégulière des intéressés et de l'absence de titre les autorisant à travailler en France, ce qui s'opposait à ce qu'elle puisse les embaucher en tant que salariés de ses établissements.

7. En dernier lieu, pour fixer la durée de la fermeture administrative des deux établissements de la société Best Déco, d'abord à quatre-vingt-dix jours, puis ramenée à soixante-quinze jours, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé, d'une part, sur le constat de la proportion significative de salariés employés illégalement au sein des établissements à savoir, sur un effectif total de huit salariés, trois personnes dépourvues de titre les autorisant à travailler en France et deux autres personnes pour lesquelles le gérant n'a pas été en mesure de présenter de documents d'identité, titres au demeurant non produits par la suite. Alors que cette infraction s'est répétée à plusieurs reprises et sur une période de plusieurs années, dans un contexte de fraude à l'activité partielle, sa gravité n'est atténuée ni par la circonstance selon laquelle les salariés ont été régulièrement déclarés à l'union de recouvrement des cotisations de la sécurité sociale et d'allocations familiales, ni par le fait qu'il s'agirait de la première infraction commise sur le fondement de l'article L. 8272-2 du code du travail. De plus, il ressort de ce qui été dit au point 6 du présent arrêt que la société requérante avait pleinement connaissance de la situation administrative de deux de ses salariés dépourvus d'autorisation de travail. Par ailleurs, la situation financière de l'entreprise a bien été prise en compte par le préfet de la Seine-Saint-Denis ce qui l'a conduit à ramener l'infraction initialement prononcée pour une durée de quatre-vingt-dix jours à soixante-quinze jours de fermeture administrative. Par suite, quand bien même le procureur de la République n'aurait pas jugé nécessaire d'engager des poursuites pénales, il résulte de ces différents éléments qu'en prononçant une fermeture administrative d'une durée de soixante-quinze jours, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas pris une sanction disproportionnée à l'encontre de la société Best Déco au regard de la gravité des faits qui lui sont reprochés.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Best Déco n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mars 2022 modifié par l'arrêté du 25 mai 2022, par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé la fermeture administrative, pour une durée ramenée en dernier lieu à soixante-quinze jours, des deux établissements qu'elle détient à Aubervilliers. Ses conclusions tendant à l'annulation de ce jugement et de cette sanction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société Best Déco au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Best Déco est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Best Déco et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Délibéré après l'audience du 3 février 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2025.

La rapporteure,

A. ColletLa présidente,

A. Menasseyre

Le greffier,

P. Tisserand

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA00497


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00497
Date de la décision : 11/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : CHAPELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-11;24pa00497 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award