Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 12 juin 2020 par laquelle la ministre du travail a, d'une part, annulé la décision de l'inspectrice du travail du 20 décembre 2019 refusant à Pôle emploi l'autorisation de le licencier et a, d'autre part, autorisé Pôle emploi à le licencier.
Par jugement n° 2008061 du 6 décembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 12 juin 2020 de la ministre du travail et a mis à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 janvier et 18 juillet 2024, l'opérateur France Travail, venant aux droits de l'établissement public Pôle emploi, représenté par Me Bonneau, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 décembre 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de rejeter la demande de M. A... ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, la procédure de licenciement conduite antérieurement à la saisine de l'inspectrice du travail n'est entachée d'aucune irrégularité, dès lors que le délai qui s'est écoulé entre la mise à pied de M. A... et la consultation du comité d'établissement résulte du strict respect, par Pôle emploi, des stipulations de la convention collective, que le comité d'établissement a été consulté aussi vite que possible et que les fonctions représentatives de l'intéressé ne sauraient conduire à le traiter moins favorablement que le reste du personnel ;
- les faits reprochés à M. A... n'étaient pas prescrits le jour de l'engagement de la procédure disciplinaire, le point de départ du délai de prescription visé à l'article L. 1332-4 du code du travail n'ayant commencé à courir uniquement qu'à l'issue des investigations ;
- les faits reprochés à M. A... sont établis et d'une gravité suffisante pour justifier la demande d'autorisation de licenciement sollicitée.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 juillet 2024, M. A..., représenté par Mes Michellet et Michellet-Giudicelli, conclut au rejet de la requête et à ce que France Travail et l'État lui verse une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par France travail ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 6 septembre 2024, la ministre du travail, de la santé et des solidarités conclut à l'annulation du jugement du 6 décembre 2023 du tribunal administratif de Montreuil et au rejet de la demande de M. A....
Elle soutient que :
- le dépassement du délai fixé par l'article R. 2421-14 du code du travail entre la mise à pied et la consultation du comité social et économique de Pôle emploi Île-de-France ne peut être qualifié d'excessif dans les circonstances de l'espèce dès lors qu'il résulte du respect de dispositions conventionnelles favorables aux droits de la défense du salarié ;
- elle renvoie au mémoire en défense enregistré devant les premiers juges, qu'elle produit à nouveau en appel.
Par ordonnance du 9 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 octobre 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bonneau pour France Travail.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a été recruté par Pôle emploi le 1er décembre 1990 en qualité d'agent de droit public. Le 1er novembre 2010, il a opté pour la convention collective applicable à l'ensemble des agents de droit privé de Pôle emploi. En dernier lieu, il exerçait les fonctions de conseiller à l'emploi à dominante entreprise à l'agence de Chessy - Val d'Europe en contrat à durée indéterminée. Il exerçait le mandat de délégué du personnel suppléant. A la suite d'une enquête diligentée par son employeur concernant ses déclarations de frais professionnels pour la période de janvier à juin 2019, il a été convoqué, par courrier du 17 septembre 2019 prononçant également sa mise à pied à titre conservatoire, à un entretien préalable devant se tenir le 21 octobre 2019 en vue de son licenciement pour faute. Le comité d'établissement extraordinaire a émis, le 22 octobre 2019, un avis défavorable à son licenciement. Par courrier du 23 octobre 2019 reçu le 25 octobre suivant, Pôle emploi a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de le licencier pour " des abus et détournements à des fins personnelles des fonds de l'établissement public Pôle emploi au moyen d'une utilisation frauduleuse des notes de frais " et un refus lui a été opposé par l'inspectrice du travail de la 2e section de l'unité de contrôle n° 3 du département de la Seine-Saint-Denis par décision du 20 décembre 2019. Sur recours hiérarchique formé par Pôle emploi le 20 janvier 2020 reçu le 22 janvier suivant, la ministre du travail a, par décision du 12 juin 2020, annulé la décision de l'inspectrice du travail et a autorisé le licenciement de M. A.... Par jugement du 6 décembre 2023, dont l'opérateur France Travail, venant aux droits de l'établissement public Pôle emploi et la ministre du travail relèvent appel, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 12 juin 2020 de la ministre du travail et a mis à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Aux termes de l'article L. 2251-1 du code du travail : " Une convention ou un accord peut comporter des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur. Ils ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d'ordre public ". Selon l'article L. 2411-5 du même code dans sa version applicable au litige : " Le licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. / (...) ". L'article R. 2421-14 du même code précise que : " En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail. / La consultation du comité d'entreprise a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied. / La demande d'autorisation de licenciement est présentée dans les quarante-huit heures suivant la délibération du comité d'entreprise. (...) ". Les délais, fixés par ces dispositions, dans lesquels la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié mis à pied doit être présentée, ne sont pas prescrits à peine de nullité de la procédure de licenciement. Toutefois, eu égard à la gravité de la mesure de mise à pied, l'employeur est tenu de respecter un délai aussi court que possible pour la présenter. Par suite, il appartient à l'administration, saisie par l'employeur d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé auquel s'appliquent ces dispositions, de s'assurer que ce délai a été, en l'espèce, aussi court que possible pour ne pas entacher d'irrégularité la procédure antérieure à sa saisine. Au titre du contrôle qui lui incombe, l'inspecteur du travail doit également vérifier la régularité de ce projet de licenciement au regard de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, au nombre desquelles figurent les stipulations des accords collectifs de travail applicables au salarié.
3. Selon les stipulations de l'article 38.2 de la convention collective nationale applicable à Pôle emploi, qui ne prévoient pas la situation spécifique de l'agent protégé ayant fait l'objet d'une mesure de mise à pied " l'entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire " d'un agent, " obligatoire en cas d'intention de mise au licenciement ou de licenciement ", " ne peut avoir lieu avant l'expiration du délai de vingt jours ouvrés " à compter de la date de réception de la lettre de convocation afin qu'il puisse " consulter son dossier individuel et présenter, s'il le souhaite, des observations écrites ".
4. M. A... a été mis à pied à titre conservatoire le 17 septembre 2019. Il a ensuite bénéficié du délai prévu par les stipulations précitées, l'entretien s'étant tenu le 21 octobre 2019. La consultation du comité sociale et économique a eu lieu le lendemain et la saisine de l'inspectrice du travail compétente effectuée par Pôle emploi par courrier du 23 octobre 2019 lui est parvenue le 25 octobre suivant. A supposer que des considérations tenant au respect de stipulations conventionnelles applicables puissent être de nature à expliquer un dépassement du délai réglementairement prévu, elles ne sauraient, en toute hypothèse, justifier le délai de vingt-cinq jours ouvrés qui s'est écoulé entre la mise à pied du salarié et la saisine de l'inspecteur du travail, alors que ce délai ne peut être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme étant aussi court que possible, eu égard au délai de vingt jours ouvrés prévu par les stipulations conventionnelles. Par suite, la saisine de l'inspectrice du travail est intervenue dans un délai excessif, entachant ainsi d'irrégularité la procédure antérieure à cette saisine. Cette irrégularité faisait obstacle à ce que la ministre du travail puisse, sur recours hiérarchique, autoriser le licenciement de l'intéressé.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions de la ministre, que France Travail et la ministre du travail, de la santé et des solidarités ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 12 juin 2020 de la ministre du travail et a mis à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Leurs conclusions tendant à l'annulation de ce jugement ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande France Travail au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas non plus lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de France Travail et de l'Etat la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de France Travail et les conclusions de la ministre du travail, de la santé et des solidarités sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'opérateur France Travail, à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 3 février 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Menasseyre, présidente,
Mme Vrignon Villalba, présidente assesseure,
Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2025.
La rapporteure,
A. ColletLa présidente,
A. Menasseyre
Le greffier,
P. Tisserand
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA00177