La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/03/2025 | FRANCE | N°23PA05206

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 07 mars 2025, 23PA05206


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association des lecteurs et usagers de la Bibliothèque nationale de France,

Mme M... L..., Mme F... E..., Mme P... C...,

Mme O... G..., M. J... A..., Mme N... I..., M. H... D... et Mme B... K... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions tendant à restreindre, à compter du 2 mai 2022, l'amplitude des horaires de communication directe au sein des salles de recherche du site François-Mitterrand de la Bibliothèque nationale de France de

13h30 à 17h00 du mardi au samedi, puis, à compter du 26 septembre 2022, de 12h00 à 17h00.


...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association des lecteurs et usagers de la Bibliothèque nationale de France,

Mme M... L..., Mme F... E..., Mme P... C...,

Mme O... G..., M. J... A..., Mme N... I..., M. H... D... et Mme B... K... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions tendant à restreindre, à compter du 2 mai 2022, l'amplitude des horaires de communication directe au sein des salles de recherche du site François-Mitterrand de la Bibliothèque nationale de France de 13h30 à 17h00 du mardi au samedi, puis, à compter du 26 septembre 2022, de 12h00 à 17h00.

Par un jugement n° 2218377 du 31 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 décembre 2023, l'association des lecteurs et usagers de la Bibliothèque nationale de France, Mme L..., Mme E..., Mme C..., Mme G..., M. A..., Mme I..., M. D... et Mme K..., représentés par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler les décisions tendant à restreindre, à compter du 2 mai 2022, l'amplitude des horaires de communication directe au sein des salles de recherche du site

François-Mitterrand de la Bibliothèque nationale de France de 13h30 à 17h00 du mardi au samedi, puis, à compter du 26 septembre 2022, de 12h00 à 17h00 ;

3°) d'enjoindre à la Bibliothèque nationale de France de porter cette amplitude horaire de 9h00 à 17h00 dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la Bibliothèque nationale de France une somme de

3 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- les décisions contestées ont été prises par une autorité incompétente ;

- la décision fixant les horaires de communication des documents à compter du

2 mai 2022 est entachée d'un vice de procédure en ce qu'elle n'a pas été précédée de la consultation du conseil d'administration ;

- elle est également entachée d'un vice de procédure en ce qu'elle n'a pas été précédée de la consultation du conseil scientifique ;

- les décisions contestées limitent l'accès des usagers à un service public dans des conditions anormales ;

- elles méconnaissent les principes de continuité du service public et d'égalité entre les usagers.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 mai 2024, la Bibliothèque nationale de France, représentée par la SELARL Centaure avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les décisions contestées ont été prises par la présidente de la Bibliothèque nationale de France et en tout état de cause, elles pouvaient être prises par le conseil d'administration ;

- le conseil d'administration et le conseil scientifique n'avaient pas à être consultés préalablement à la décision fixant les conditions d'accès aux ouvrages à compter du 2 mai 2022 et ils ont en tout état de cause été consultés ;

- les autres moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre la décision fixant les conditions d'accès aux ouvrages à compter du 2 mai 2022 du fait de leur tardiveté.

Par un mémoire enregistré le 31 janvier 2025, l'association des lecteurs et usagers de la Bibliothèque nationale de France et autres soutiennent que ce moyen n'est pas fondé.

L'association des lecteurs et usagers de la Bibliothèque nationale de France a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du patrimoine ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Saint-Macary,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

- et les observations de Me Brecq-Coutant, représentant l'association des lecteurs et usagers de la Bibliothèque nationale de France et autres, et de Me Thauvin, représentant la Bibliothèque nationale de France.

Considérant ce qui suit :

1. La possibilité de consulter directement des ouvrages en salle de lecture et recherche du bâtiment François Mitterrand de la Bibliothèque nationale de France de 9h à 17h du mardi au samedi (et de 14h00 à 17h00 le lundi), sans avoir à les réserver à l'avance, a été remise en cause à compter du 16 mars 2020 en raison de la crise sanitaire. La consultation directe des ouvrages a été rétablie à compter du 2 mai 2022 entre 13h30 à 17h00 du mardi au samedi (et de 14h00 à 17h00 le lundi), puis à compter du 26 septembre 2022 de 12h00 à 17h00 du mardi au samedi (et de 14h00 à 17h00 le lundi). L'association des lecteurs et usagers de la Bibliothèque nationale de France ainsi que plusieurs chercheurs ont demandé l'annulation des décisions fixant les horaires de consultation directe des ouvrages à compter du 2 mai 2022 et à compter du 26 septembre 2022. Ils relèvent appel du jugement par le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L.5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire ".

3. Pour écarter le moyen tiré du défaut de consultation du conseil d'administration, le tribunal s'est fondé, aux points 6 et 7 du jugement attaqué, sur les procès-verbaux du conseil d'administration des 14 mars et 30 juin 2022 produits dans la note en délibéré de la Bibliothèque nationale de France enregistrée le 19 mai 2023, qui n'ont pas été communiqués aux demandeurs et ne sont pas publics. Dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir que le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance du principe contradictoire. Par suite, il doit être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'association des lecteurs et usagers de la Bibliothèque nationale de France et autres devant le tribunal.

Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant les horaires de communication des ouvrages à compter du 2 mai 2022 :

5. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que la décision de limiter les horaires de communication des ouvrages de 13h30 à 17h00 à compter du 2 mai 2022 a été publiée sur le site internet de la Bibliothèque nationale de France le 28 avril 2022. Ces modalités de publicité sont suffisantes pour que ces horaires puissent être regardés comme ayant été portés à la connaissance du public au plus tard à la date du 28 avril 2022, et pour faire courir, à compter de cette date, le délai de recours contentieux à leur égard. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'association des lecteurs et usagers de la Bibliothèque nationale de France et autres n'ont contesté cette décision que le 1er septembre 2022, date d'enregistrement de leur demande devant le tribunal administratif. Dans ces conditions, leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant, à compter du 2 mai 2022, les horaires de communication des ouvrages entre 13h30 et 17h00 sont tardives et ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

Sur le bien-fondé du surplus des conclusions :

7. En premier lieu, aux termes de l'article R. 341-10 du code du patrimoine : " Le conseil d'administration règle par ses délibérations les affaires de l'établissement. Il délibère notamment sur : / 1° Les orientations de l'établissement, ainsi que sur son programme d'activités et d'investissement (...) / Le conseil d'administration est consulté sur le règlement intérieur de l'établissement et les conditions d'ouverture au public (...) ". Aux termes de l'article R. 341-13 du même code : " Le président de la Bibliothèque nationale de France dirige l'établissement public. / A ce titre : / 1° Il fixe l'ordre du jour des réunions du conseil d'administration, en prépare les délibérations et en assure l'exécution ; / 2° Il accomplit tous les actes qui ne sont pas réservés au conseil d'administration en vertu des dispositions de l'article R. 341-10 (...) ". Il résulte de ces dispositions que la détermination des horaires de communication des ouvrages ressort de la compétence du président de la Bibliothèque nationale de France.

8. Il ressort des pièces du dossier que la décision de fixer la plage horaire de communication directe des ouvrages entre 13h30 et 17h00 à compter du 2 mai 2022 a été prise par la direction et non par le conseil d'administration et qu'après avoir obtenu l'octroi de vingt équivalents temps plein travaillés supplémentaires, la présidente de l'établissement a décidé l'élargissement de cette plage horaire. Il ressort également du procès-verbal de la séance du conseil d'administration du 30 juin 2022 que la présidente de la Bibliothèque nationale de France a indiqué s'être engagée, devant les représentants du personnel, à exposer devant le conseil d'administration les tenants et les aboutissants de l'évolution des règles de communication des documents, tout en précisant que l'organisation de la communication des documents en salle de lecture ne relevait pas de la compétence du conseil d'administration. Si, au cours de cette séance, le conseil d'administration a adopté une délibération relative aux grandes orientations de la réorganisation du service public dans les salles de recherche du site François-Mitterrand, intégrant la plage horaire de communication des ouvrages, il ne ressort pas des termes de cette délibération qu'il aurait décidé ces horaires. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la fixation de l'amplitude horaire de la communication des ouvrages en salle de lecture et recherche à la plage de 12h00 à 17h00, à compter du

26 septembre 2022, n'a pas été décidée par la présidente de l'établissement. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de cette décision doit être écarté.

9. En deuxième lieu, la décision contestée restreint la plage horaire durant laquelle les lecteurs peuvent, en salle de recherche, avoir communication directe des ouvrages demandés le jour même, celle-ci ne se faisant plus qu'entre 12h00 et 17h00 et non plus le matin. Cette décision n'a en revanche pas pour effet de restreindre l'accès à ces salles, ouvertes de 14h à 20h le lundi et de 9h à 20h du mardi au samedi, n'empêche pas la consultation, le matin, des ouvrages demandés au plus tard la veille à minuit et pouvant aller jusqu'à vingt-cinq ouvrages, ni la consultation, en fin de journée, des ouvrages dont la communication a été faite entre 12h00 et 17h00. Au regard de ces éléments, et alors, au surplus, que les titulaires d'un

" pass recherche " journalier peuvent accéder dès le matin aux ouvrages demandés le

jour-même, la décision en litige n'a pas pour effet de restreindre dans des conditions anormales l'accès à un service public, ni ne porte atteinte aux principes de continuité du service public et d'égalité d'accès des usagers au service public.

10. En dernier lieu, la circonstance que la décision contestée soit intervenue concomitamment à une hausse du tarif du " pass recherche " annuel de 50 à 55 euros est sans incidence sur la légalité de la décision en litige.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision par laquelle la présidente de la Bibliothèque nationale de France a fixé les horaires de consultation directe des ouvrages en salle de recherche du site François Mitterrand à compter du 26 septembre 2022.

Sur les frais du litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Bibliothèque nationale de France, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que les requérants demandent sur ce fondement. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants la somme totale de 1 800 euros, soit 200 euros chacun, au titre des frais exposés par la Bibliothèque nationale de France pour la présente instance et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2218377 du 31 mai 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La requête de l'association des lecteurs et usagers de la Bibliothèque nationale de France et autres est rejetée.

Article 3 : L'association des lecteurs et usagers de la Bibliothèque nationale de France,

Mme L..., Mme E..., Mme C..., Mme G..., M. A..., Mme I..., M. D... et Mme K... verseront chacun la somme de 200 euros à la Bibliothèque nationale de France en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association des lecteurs et usagers de la Bibliothèque nationale de France, première dénommée, et à la Bibliothèque nationale de France.

Délibéré après l'audience du 14 février 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Doumergue, présidente de chambre,

Mme Bruston, présidente-assesseure,

Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2025.

La rapporteure,

M. SAINT-MACARY

La présidente,

M. DOUMERGUE

La greffière,

E. FERNANDO

La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA05206 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA05206
Date de la décision : 07/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: Mme Marguerite SAINT-MACARY
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN & THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-07;23pa05206 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award