Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... Masdoua a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 5 juin 2020 par laquelle le préfet de police lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de trois jours.
Par un jugement n° 2016621-5-1 du 10 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 5 juin 2020 portant sanction de M. Masdoua.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés le 10 mai 2023 et le 30 juin 2023, le préfet de police demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 mars 2023 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. Masdoua.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, les faits reprochés à M. Masdoua, à savoir l'usage de son téléphone personnel et le non-respect de la procédure pour faire une demande à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) sont fautifs ;
- le courrier envoyé à M. Masdoua le 6 février 2020 était suffisamment précis quant aux faits justifiant l'ouverture d'une procédure disciplinaire et son droit à consultation de son dossier ;
- il n'était pas tenu de saisir le conseil de discipline ;
- la sanction n'est pas disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2023, M. A... B... Masdoua conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 7 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 22 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ;
- le décret n°89-677 du 18 septembre 1989 ;
- le décret n°94-415 du 24 mai 1994 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bruston,
- et les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. Masdoua, secrétaire administratif de classe normale des administrations parisiennes, affecté au 9e bureau de la direction de la police générale de la préfecture de police en tant qu'adjoint à la cheffe de salle, a formé, le 3 juillet 2020, un recours gracieux rejeté le 12 août 2020, contre la sanction prise le 5 juin 2020 par le préfet de police l'excluant pour trois jours de ses fonctions. Le préfet de police relève appel du jugement du 10 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 29 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 alors en vigueur : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale (...) ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; (...) ". L'article 94 de la loi
n° du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique dispose : " (...) XIX (...) B. - Les articles 33-5, 72, 75-1 et 89 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée sont applicables aux agents des administrations parisiennes dans leur rédaction résultant de la présente loi. (...) ".
3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
4. Il ressort des pièces du dossier que la sanction prononcée à l'encontre de M. Masdoua était fondée sur les circonstances que, pour le traitement de la demande d'une ressortissante marocaine, victime de violences conjugales, M. Masdoua a recontacté cette administrée en laissant apparaître son numéro de téléphone personnel, et s'est adressé par voie électronique et non postale à la direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile-de-France, ce qui aurait conduit selon le préfet de police à une rupture d'égalité entre usagers, au mépris de l'obligation de loyauté qui incombait à M. Masdoua.
5. S'agissant du courriel adressé à la DIRECCTE par M. Masdoua pour demander une autorisation de travail, il ressort des pièces du dossier, en particulier des mentions portées sur la fiche de salle, que ce courrier a été envoyé alors que cette direction était saisie du dossier de l'administrée, pour tenter d'en accélérer le traitement, après que M. Masdoua ait informé sa hiérarchie de la situation et qu'il ait obtenu l'aval de sa cheffe de salle dont il a ensuite assuré l'intérim. En outre, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les attestations établies par les collègues de M. Masdoua établissent que le recours à cette pratique est fréquent lorsque les délais de traitement par la voie postale risquent d'être trop longs au vu de la situation des demandeurs. Dans ces circonstances, ces faits, qui n'ont pas entraîné de rupture d'égalité entre usagers du service public, ne peuvent être considérés comme fautifs.
6. S'agissant de l'usage de son téléphone personnel par M. Masdoua, il n'est pas contesté qu'il a reçu, le 15 octobre 2019, une administrée qu'il a ensuite appelée depuis son téléphone portable personnel en omettant de masquer son numéro, si bien que la personne s'est présentée le 13 décembre 2019 en demandant à s'entretenir personnellement avec M. Masdoua. S'il ressort des attestations versées au dossier par M. Masdoua que de nombreux agents du service utilisent leur téléphone personnel pour des raisons de commodité et si la mention de cet appel et du message laissé à l'administrée a été portée sur la fiche de salle, l'imprudence commise par M. Masdoua qui a conduit à révéler ses coordonnées téléphoniques, alors qu'il ne pouvait ignorer les règles applicables à la sécurisation des procédures au sein de la préfecture, présente bien un caractère fautif. Toutefois, compte tenu du caractère involontaire de la faute ainsi commise alors qu'il ressort des pièces du dossier que M. Masdoua présentait d'excellents états de service sans aucun antécédent disciplinaire, la sanction prononcée à son encontre de trois jours d'exclusion de fonctions apparaît disproportionnée.
7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du
5 juin 2020 sanctionnant M. Masdoua.
Sur les frais de l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. Masdoua au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. Masdoua la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... Masdoua.
Copie en sera délivrée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 14 février 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Doumergue, présidente,
Mme Bruston, présidente assesseure,
Mme Saint-Macary, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2025.
La rapporteure,
S. BRUSTON
La présidente,
M. DOUMERGUE La greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA02018 2