Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2020 par lequel le maire de Boissise-le-Roi a prononcé sa mise à la retraite pour invalidité à compter du 1er août 2020 et d'enjoindre à la commune de la réintégrer et de reconstituer sa carrière.
Par une ordonnance n° 2008159 du 23 décembre 2022, la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 23 février 2023, Mme B..., représentée par
Me Lerat, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance de la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2020 par lequel le maire de Boissise-le-Roi a prononcé sa mise à la retraite pour invalidité à compter du 1er août 2020 ;
3°) d'enjoindre à la commune de Boissise-le-Roi de la réintégrer dans ses fonctions et de reconstituer sa carrière ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Boissise-le-Roi une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance attaquée est irrégulière en ce qu'elle est insuffisamment motivée ;
- elle est également irrégulière en ce qu'elle a rejeté à tort sa demande comme irrecevable du fait de sa tardiveté ;
- l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure en ce que l'avis de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) n'a pas été émis dans des conditions régulières ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'incompétence négative en ce que le maire de Boissise-le-Roi s'est cru lié par l'avis de la CNRACL ;
- ses droits à congés n'étaient pas expirés ;
- l'arrêté contesté est illégal en raison de l'illégalité de l'arrêté du maire de la commune du 22 novembre 2017 refusant la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie professionnelle ;
- elle n'est pas définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions ;
- la commune a méconnu son obligation de reclassement.
Par des mémoires en défense enregistrés les 8 juin et 7 septembre 2023, la commune de Boissise-le-Roi, représentée par Me Van Elslande, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 16 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 mai 2024.
La commune de Boissise-le-Roi a produit un mémoire, enregistré le 12 février 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n°2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Saint-Macary,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,
- et les observations de Me Sanches substituant Me Lerat, représentant Mme B... et Me Garcia substituant Me Van Elslande, représentant la commune de Boissise-le-Roi.
Une note en délibéré a été produite pour la commune de Boissise-le-Roi le
15 février 2025.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a été employée par la commune de Boissise-le-Roi en qualité d'adjointe technique territoriale titulaire à compter de l'année 2002. Par un arrêté du
18 juillet 2020, le maire de Boissise-le-Roi l'a mise à la retraite pour invalidité. Elle relève appel de l'ordonnance par laquelle la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".
3. D'autre part, l'article 4 de l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux, dans sa rédaction résultant de l'arrêté du
15 avril 2020 et applicable jusqu'au 10 juillet 2020 inclus en vertu des dispositions combinées des articles 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 et 1er de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions, prévoit : " Après s'être assuré oralement de la présence du destinataire, l'employé chargé de la distribution remet le pli, en fonction de l'adresse indiquée sur le pli, dans la boîte aux lettres du destinataire, et établit la preuve de distribution. / La preuve de distribution doit comporter les informations prévues aux articles 2 et 3 ainsi que : (...) / - la mention "procédure spéciale covid-19" (...). / La preuve de distribution doit comporter les informations prévues aux articles 2 et 3 ainsi que : (...) / - une attestation sur l'honneur, émise par l'employé chargé de la distribution et attestant la remise du pli (...) ".
4. Il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté d'une action introduite devant une juridiction administrative, d'établir la date à laquelle la décision attaquée a été régulièrement notifiée à l'intéressé. Lorsque le destinataire d'une décision administrative soutient que l'avis de réception d'un pli recommandé portant notification de cette décision à l'adresse qu'il avait lui-même indiquée à l'administration n'a pas été signé par lui ou que le pli n'a pas été retiré par lui au bureau de poste où il avait été mis en instance, il lui appartient d'établir que le signataire de l'avis ou la personne qui a retiré le pli n'avait pas qualité pour recevoir celui-ci.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté a été notifié à Mme B... par un courrier daté du 20 juillet 2020, dont l'avis de réception comporte deux fois la date du
23 juillet 2020, aux lignes " présenté/avisé le " et " distribué le ", et qui n'est pas signé par Mme B..., seule la mention " C19 ", correspondant au code spécifique prévu par l'article 4 de l'arrêté du 7 février 2007 dans sa rédaction précitée, y figurant. Si la circonstance que la procédure spéciale dont il a été fait application n'était plus en vigueur, n'est pas, à elle seule, de nature à faire obstacle à ce que la date à laquelle le courrier a été distribué puisse être déterminée, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'employé des services postaux se serait assuré, en l'espèce, de la présence de Mme B..., la preuve de distribution ne comportant aucune attestation sur l'honneur de la remise du pli. En outre, comme il a été dit, les deux lignes " présenté/avisé le " et " distribué le " comportent la même date. Dans ces conditions, l'intéressée ne peut être regardée comme s'étant vu distribuer le courrier de notification de l'arrêté en litige le 23 juillet 2020, et il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'elle se serait vu notifier cet arrêté antérieurement au 10 août 2020, date à laquelle elle l'a signé. Dès lors, et compte tenu de ce que le 11 octobre 2020 était un dimanche, sa demande devant le tribunal, enregistrée le 12 octobre 2020, n'était pas tardive. Il s'ensuit que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande comme tardive. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de régularité, le jugement attaqué doit être annulé.
6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par
Mme B... devant le tribunal.
Sur le bien-fondé de la demande de Mme B... :
7. D'une part, aux termes de l'article 30 du décret relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande (...) / La mise en retraite d'office pour inaptitude définitive à l'exercice de l'emploi ne peut être prononcée qu'à l'expiration des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée dont le fonctionnaire bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables, sauf dans les cas prévus à l'article 39 si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement (...) ". Aux termes de l'article 31 du même décret : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions (...). / Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas à l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination, sous réserve de l'avis conforme de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (...) ".
8. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à la mise à la retraite d'un fonctionnaire pour invalidité assortie du bénéfice du droit à pension, d'une part, d'émettre un avis sur le bien-fondé de la demande de mise à la retraite pour invalidité, d'autre part, de décider si l'intéressé a droit à une pension. L'avis conforme prévu à l'article 31 du décret du 26 décembre 2003 a seulement pour objet de faire obstacle à ce que l'autorité investie du pouvoir de nomination puisse décider la mise à la retraite pour invalidité d'un fonctionnaire lorsque la demande présentée à ce titre n'est pas fondée ou que l'intéressé n'a pas droit à pension. En cas d'avis favorable de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, cette autorité, à laquelle appartient le pouvoir de décision, n'est pas tenue de mettre l'agent à la retraite.
9. D'autre part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ".
10. En l'espèce, si l'arrêté contesté mentionne les considérations de droit sur lesquelles il se fonde, il ne mentionne aucune considération de fait autre que l'avis favorable de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales à la radiation des cadres pour invalidité de Mme B..., alors qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que le maire de la commune n'était pas lié par cet avis. Dans ces conditions, Mme B... est fondée à soutenir que cet arrêté est insuffisamment motivé.
11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que l'arrêté du 18 juillet 2020 du maire de Boissise-le-Roi doit être annulé.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
12. Le présent arrêt implique qu'il soit enjoint au maire de Boissise-le-Roi de réintégrer juridiquement Mme B..., de reconstituer sa carrière à compter du 1er août 2020 et de réexaminer sa situation, en prenant en compte l'imputabilité de sa pathologie au service. Un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt lui est imparti pour y procéder.
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Boissise-le-Roi une somme de 1 500 euros à verser à Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B... la somme que la commune de Boissise-le-Roi demande sur ce fondement.
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2008159 de la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Melun et la décision du 18 juillet 2020 du maire de Boissise-le-Roi sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint au maire de Boissise-le-Roi de réintégrer juridiquement Mme B..., de reconstituer sa carrière à compter du 1er août 2020 et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : La commune de Boissise-le-Roi versera une somme de 1 500 euros à Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Boissise-le-Roi présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de
Boissise-le-Roi.
Délibéré après l'audience du 14 février 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Doumergue, présidente de chambre,
Mme Bruston, présidente-assesseure,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2025.
La rapporteure,
M. SAINT-MACARY
La présidente,
M. DOUMERGUE
La greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA00802 2