Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Paris, par deux requêtes distinctes, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis à hauteur de 18 019 euros pour l'année 2014, de 13 584 euros pour l'année 2015 et de 30 163 euros pour l'année 2016.
Par un jugement n° 2101020, 2101021 du 6 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 juin et 29 août 2023, et le
17 décembre 2024, M. et Mme A..., représentés par Me Rolland, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis à hauteur de 18 019 euros pour l'année 2014, de 13 584 euros pour l'année 2015 et de 30 163 euros pour l'année 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- les salaires perçus par M. A... de janvier à octobre 2014 devaient être imposés en Espagne et non pas en France dès lors qu'il a exercé son activité principalement dans ce pays ;
- le régime des impatriés prévu par l'article 155 B du code général des impôts était applicable aux salaires perçus par M. A... de novembre 2014 à décembre 2016 ; en application de l'interprétation référencée BOI-RSA-GEO-40-10-10 à jour au 12 septembre 2012, la circonstance qu'il n'ait pas été recruté pour une durée limitée est indifférente ;
- la réduction d'imposition au titre de l'année 2015 doit être calculée en prenant en compte le fait qu'il a travaillé hors de France pendant 31 jours sur 253 jours travaillés, conformément à l'interprétation de la loi fiscale contenue au paragraphe 220 de l'instruction du 21 juin 2017 portant la référence BOI-RSA-GEO-40-10-20.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 août 2023, 1er septembre 2023 et 20 décembre 2024, ces derniers n'ayant pas été communiqués, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lellig, rapporteure ;
- et les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue du contrôle sur pièces dont le dossier fiscal de M. et Mme A... a fait l'objet, l'administration a notifié aux intéressés, par des propositions de rectification du 21 décembre 2017 et du 21 mars 2018, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre, pour la première, des années 2014 et 2015 et, pour la seconde, de l'année 2016. M. et Mme A... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes tendant la décharge, à hauteur de 18 019 euros pour l'année 2014, de 13 584 euros pour l'année 2015 et de 30 163 euros pour l'année 2016, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont ainsi été assujettis.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A..., les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments invoqués dans leur demande, ont répondu de manière suffisante, aux points 5 et 6 du jugement attaqué, au moyen tiré de l'exercice d'une activité professionnelle en Espagne principalement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la période du 1er janvier au 17 octobre 2014 :
3. Aux termes de l'article 164 A du code général des impôts : " Les revenus de source française des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal en France sont déterminés selon les règles applicables aux revenus de même nature perçus par les personnes qui ont leur domicile fiscal en France. (...) ". Aux termes de l'article 164 B du même code : " I. Sont considérés comme revenus de source française : (...) d. Les revenus tirés d'activités professionnelles, salariées ou non, exercées en France ou d'opérations de caractère lucratif au sens de l'article 92 et réalisées en France (...) ".
4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt.
5. Il résulte de l'instruction que M. A... a été initialement recruté en août 2006 par la société Kewego, devenue la société Kit Digital France à la suite de la fermeture de la filiale espagnole, afin d'exercer les fonctions de managing director Espagne et qu'un avenant à son contrat de travail, en date du 1er août 2007, prévoit qu'il exercera ses fonctions au sein de la filiale espagnole du groupe. Il s'est alors installé à Madrid avec sa femme et ses enfants. A la suite de la fermeture de la filiale espagnole, l'avenant n° 3 au contrat de travail de M. A..., signé le 26 septembre 2012, a prévu que l'intéressé était rapatrié au siège social à Paris pour occuper les fonctions de directeur commercial et que ses frais de transport entre Paris et l'Espagne et ses frais d'hébergement en France seraient pris en charge jusqu'au 31 juillet 2013. En outre, l'avenant n° 4 du 19 novembre 2013 a prévu que M. A... serait chargé de déployer et gérer un réseau de partenaires revendeurs en France et Espagne et dans d'autres territoires et que ses frais de transport entre la France et l'Espagne et ses frais d'hébergement en France continueraient à être pris en charge par son employeur jusqu'au 31 juillet 2014. Enfin, l'avenant n° 5 du 7 mars 2014, conclu avec la société Piksel France, qui s'est substituée à la société Kit Digital France, stipule que le lieu d'exercice des fonctions de l'intéressé n'est pas une clause essentielle et qu'elles peuvent être exercées à Madrid ou au siège.
6. Il résulte également de l'instruction que M. A..., qui soutient que le rattachement juridique de son contrat de travail au siège social français n'a pas modifié son activité qui se déroulait essentiellement en Espagne, justifie de la location d'un bureau à Madrid par son employeur et de nombreux aller-retour entre la France et l'Espagne. Il est toutefois constant que sur les 290 jours en litige, M. A... a passé 120 jours en France, soit plus de la moitié des jours ouvrés de la période. Dans ces conditions, alors même que 21 jours passés en France correspondraient à une période de vacances, M. A... doit être regardé comme ayant principalement exercé son activité professionnelle en France pendant la période du 1er janvier au 17 octobre 2014. Les revenus perçus durant cette période constituent donc des revenus de source française au sens de l'article 164 B du code général des impôts.
En ce qui concerne la période du 20 octobre 2014 au 31 décembre 2016 :
7. Aux termes de l'article 155 B du code général des impôts : " I.-1. Les salariés et les personnes mentionnées aux 1°, 2° et 3° du b de l'article 80 ter appelés de l'étranger à occuper un emploi dans une entreprise établie en France pendant une période limitée ne sont pas soumis à l'impôt à raison des éléments de leur rémunération directement liés à cette situation ou, sur option, et pour les salariés et personnes autres que ceux appelés par une entreprise établie dans un autre Etat, à hauteur de 30 % de leur rémunération. (...) ".
8. Il résulte de ce qui a été exposé au point 6 que M. A..., qui exerçait principalement son activité en France, ne peut être regardé comme ayant été appelé de l'étranger à occuper un emploi dans une entreprise établie en France. Il s'ensuit que les requérants ne sont, pour ce seul motif, pas fondés à invoquer le bénéfice du régime des impatriés prévu par les dispositions précitées du code général des impôts.
9. Le régime des impatriés ne leur étant pas applicable, M. et Mme A... ne peuvent se prévaloir des énonciations contenues au paragraphe 220 de l'instruction du 21 juin 2017 portant la référence BOI-RSA-GEO-40-10-20 relatif à l'exonération de la fraction de la rémunération se rapportant à l'activité exercée à l'étranger.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également, par voie de conséquence, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., Mme C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal d'Ile-de-France (division juridique).
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- Mme Milon, présidente assesseure,
- Mme Lellig, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour, le 6 mars 2025.
La rapporteure,
W. LELLIGLe président,
A. BARTHEZ
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA02864 2