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27/02/2025 | FRANCE | N°23PA05321

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 27 février 2025, 23PA05321


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... T... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 mars 2022 par lequel le préfet de police a prononcé un blâme à son encontre.



Par un jugement n° 2210912/5-3 du 25 octobre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 décembre 2023 et le 9 octobre 2024, Mme A... T..., représentée par Me Lerat, demande à la c

our :



1°) d'annuler le jugement du 25 octobre 2023 du tribunal administratif de Paris ;



2°) d'annuler l'arrêté du 4 mars 2022 p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... T... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 mars 2022 par lequel le préfet de police a prononcé un blâme à son encontre.

Par un jugement n° 2210912/5-3 du 25 octobre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 décembre 2023 et le 9 octobre 2024, Mme A... T..., représentée par Me Lerat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 octobre 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 mars 2022 par lequel le préfet de police a prononcé un blâme à son encontre ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de procéder au retrait de cet arrêté de son dossier administratif individuel ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement n'est pas suffisamment motivé sur la réponse aux moyens tirés de ce que la décision attaquée n'était pas motivée, de ce qu'elle a été prise à l'issue d'une procédure partiale et par suite irrégulière, et de ce qu'elle est entachée d'une erreur de fait ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut de motivation ;

- la procédure disciplinaire a été menée en méconnaissance du principe de neutralité et du principe d'impartialité ;

- la procédure disciplinaire est entachée d'irrégularité dès lors qu'elle n'a pas été informée de son droit de se taire ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ni constitutifs de fautes disciplinaires ;

- la sanction adoptée est disproportionnée ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur de droit, dès lors qu'elle a subi un harcèlement moral.

Le préfet de police a produit un mémoire, enregistré le 4 avril 2024, par lequel il fait valoir ne pas être compétent pour représenter l'Etat en appel.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 octobre 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu :

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- le code général de la fonction publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... T..., secrétaire administrative puis attachée d'administration de l'Etat depuis 2013, exerçait les fonctions de chargée de mission au sein du service de contrôle de gestion de la direction de la sécurité publique de l'agglomération parisienne de la préfecture de police de Paris lorsque, par arrêté du 4 mars 2022 le préfet de police a prononcé à son encontre un blâme. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des termes du jugement attaqué, et plus précisément de ses points 3, 7 et 15 à 22, que le tribunal, qui n'est pas tenu de répondre à tous les arguments avancés au soutien des moyens de la requête dont il est saisi, a suffisamment motivé sa réponse aux moyens soulevés par Mme A... et tirés de ce que la décision attaquée n'est pas motivée, de ce qu'elle a été prise à l'issue d'une procédure partiale et par suite irrégulière, et de ce qu'elle est entachée d'une erreur de fait.

Sur la légalité de la décision attaquée :

3. Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires dans la fonction publique d'Etat, alors applicables : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe : - l'avertissement ; - le blâme ;(...) ". L'article 67 de cette même loi précise que : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination qui l'exerce après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline et dans les conditions prévues à l'article 19 du titre Ier du statut général(...) ", cet article 19 de la loi du 13 juillet 1983 précisant que " Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. "

4. En premier lieu l'arrêté attaqué, qui mentionne les dispositions législatives et réglementaires dont il fait application et décrit avec suffisamment de précision les griefs retenus à l'encontre de Mme A..., est suffisamment motivé en fait comme en droit pour permettre de comprendre les motifs de la décision en litige et d'en discuter utilement le bien-fondé. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

5. En second lieu, la circonstance que le supérieur hiérarchique direct de Mme A..., qui a établi, à la demande du commissaire général, sous-directeur adjoint du soutien opérationnel, un rapport sur les faits reprochés à Mme A..., serait entaché d'un défaut d'impartialité compte tenu de l'animosité de ce supérieur hiérarchique à son égard, est en tout état de cause sans incidence sur la régularité de la procédure disciplinaire mise en œuvre dès lors que ce rapport ne constitue pas une phase de la procédure disciplinaire applicable dans le cas des sanctions du premier groupe telles que le blâme, qui ne sont pas prononcées après avis d'un conseil de discipline saisi par un rapport.

6. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

7. La sanction contestée est fondée sur le fait que Mme A... a fait preuve d'un comportement déloyal en retirant volontairement et de manière réitérée son chef de service des destinataires de courriels professionnels, en déposant une demande de congés, pour une durée de trois semaines, par message électronique le soir du dernier jour ouvré précédant le début de cette période de trois semaines et en étant partie en congés sans avoir de réponse à cette demande. Il lui est reproché également d'avoir fait preuve de négligence professionnelle, en manifestant une attitude contraire à son statut de cadre de catégorie A, en ne s'intégrant pas au projet de service de manière récurrente depuis sa prise de fonction, et en méconnaissant son obligation de rendre compte à ses supérieurs hiérarchiques des missions qu'elle avait effectuées concernant la comptabilité analytique 2020 et la fiabilisation du nombre de mètres carrés dont disposait la direction de la sécurité de proximité et de l'agglomération parisienne, en refusant d'établir un rapport circonstancié concernant son approche dans la gestion d'un courriel frauduleux et en refusant de compléter un fichier sur la comptabilité analytique sur la partie véhicule. Il est aussi relevé qu'elle a manqué à son devoir d'obéissance hiérarchique en poursuivant une mission qui n'a pas été sollicitée par ses supérieurs, en ignorant les nouveaux objectifs fixés par son chef de service, en ne tenant pas compte des rappels à l'ordre de sa hiérarchie et en adoptant un comportement inadapté envers ses supérieurs.

8. Si, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les griefs tirés de la poursuite d'une mission non sollicitée et du défaut d'intégration au projet de service ne sont pas matériellement établis, les autres griefs ne sont pas plus sérieusement contestés en appel qu'en première instance et sont constitutifs, notamment celui relatif à la prise de congés non autorisés, d'une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire. En outre, eu égard à la nature de ces faits et aux manquements aux obligations lui incombant, l'autorité disciplinaire n'a pas, en l'espèce, pris une sanction disproportionnée en décidant de prononcer un blâme à l'encontre de Mme A..., alors même que l'intéressée fait état d'une carrière marquée par de bons états de service.

9. Par ailleurs, aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé aux agissements définis ci-dessus. / Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public. ".

10. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

11. Pas plus en appel qu'en première instance les éléments avancés par Mme A..., à savoir une mise à l'écart de l'équipe qui n'est établie par aucun élément de justification, la teneur de courriers électroniques émanant de son supérieur hiérarchique direct, dont les termes n'excèdent pas l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, et l'absence d'entretien professionnel pour l'année 2020 ne constituent, pris séparément ou dans leur ensemble, des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté du préfet de police du 4 mars 2022 méconnaîtrait les dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 doit être écarté.

12. Enfin, aux termes de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. " Il en résulte le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire. Ces exigences s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition.

13. De telles exigences impliquent que l'agent public faisant l'objet d'une procédure disciplinaire ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu'il soit préalablement informé du droit qu'il a de se taire. A ce titre, il doit être avisé, avant d'être entendu pour la première fois, qu'il dispose de ce droit pour l'ensemble de la procédure disciplinaire. Dans le cas où l'autorité disciplinaire a déjà engagé une procédure disciplinaire à l'encontre d'un agent et que ce dernier est ensuite entendu dans le cadre d'une enquête administrative diligentée à son endroit, il incombe aux enquêteurs de l'informer du droit qu'il a de se taire. En revanche, sauf détournement de procédure, le droit de se taire ne s'applique ni aux échanges ordinaires avec les agents dans le cadre de l'exercice du pouvoir hiérarchique, ni aux enquêtes et inspections diligentées par l'autorité hiérarchique et par les services d'inspection ou de contrôle, quand bien même ceux-ci sont susceptibles de révéler des manquements commis par un agent.

14. Dans le cas où un agent sanctionné n'a pas été informé du droit qu'il a de se taire alors que cette information était requise en vertu des principes énoncés aux points 2 et 3, cette irrégularité n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la sanction prononcée que lorsque, eu égard à la teneur des déclarations de l'agent public et aux autres éléments fondant la sanction, il ressort des pièces du dossier que la sanction infligée repose de manière déterminante sur des propos tenus alors que l'intéressé n'avait pas été informé de ce droit.

15. Il résulte de ce qui précède que si Mme A... n'a pas été informée qu'elle avait le droit de se taire, la sanction de blâme qui lui a été infligée, laquelle n'a pas été précédée d'une saisine du conseil de discipline, ne repose pas de manière déterminante sur des propos tenus par l'intéressée. Par suite, le moyen tiré de ce que cette sanction aurait été prise en méconnaissance de son droit de se taire doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... T... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 4 février 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Chevalier-Aubert, présidente de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 février 2025.

La rapporteure,

P. HamonLa présidente,

V. Chevalier-Aubert

La greffière,

C. Buot

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA05321 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA05321
Date de la décision : 27/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : LERAT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-27;23pa05321 ?
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