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19/02/2025 | FRANCE | N°24PA02239

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 19 février 2025, 24PA02239


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 20 mars 2024 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire pour une durée de trois ans.



Par un jugement n° 2405360 du 15 mai 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administrati

f de Montreuil a réservé les conclusions de la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 20 mars 2024 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2405360 du 15 mai 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a réservé les conclusions de la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision de refus de séjour, et les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte s'y rattachant, jusqu'à ce qu'il y soit statué par une formation collégiale du tribunal, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 mai 2024 et 21 janvier 2025, M. A..., représenté par Me Dekimpe, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2405360 du 15 mai 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté en litige en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire pour une durée de trois ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation administrative dans un délai de sept jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'absence de jonction de l'examen par le tribunal du refus de titre de séjour et l'examen des autres décisions portées par l'arrêté en litige, ou l'absence de sursis à statuer sur ces autres décisions, et l'absence de communication du tribunal sur le traitement distinct envisagé, méconnaît l'article L. 5 du code de justice administrative et le droit au procès équitable protégé par l'article 6, 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire

- le préfet a méconnu les conditions légales d'accès à un fichier contenant des données personnelles ;

- l'obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et de la menace à l'ordre public et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision de refus de délai de départ volontaire :

- elle méconnaît les articles L. 612-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire :

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2025, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de sa requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 9 janvier 2025, la clôture d'instruction, initialement fixée au 10 janvier 2025, a été reportée au 22 janvier 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Segretain,

- et les observations de Me Dekimpe, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 20 mars 1970, est entré en France en août 2012 selon ses déclarations. Il a été mis en possession d'un titre de séjour en tant que conjoint de ressortissant français le 26 novembre 2013 et a sollicité, le 29 octobre 2021, le renouvellement de sa carte de séjour pluriannuelle venant à expiration. Par un arrêté du 20 mars 2024, qui lui a été notifié le 18 avril suivant, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire pour une durée de trois ans. Le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a par ailleurs assigné à résidence par un arrêté du 16 avril 2024, notifié également le 18 avril suivant. M. A... relève appel du jugement du 15 mai 2024 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Montreuil, qui a réservé les conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de séjour jusqu'à ce qu'il y soit statué par une formation collégiale, a rejeté sa demande tendant à l'annulation des autres décisions portées par l'arrêté du 20 mars 2024 en litige.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 776-15 alors en vigueur du code de justice administrative, rendu applicable aux recours dirigés contre les obligations de quitter le territoire lorsque l'étranger est assigné à résidence par l'article R. 776-14 alors en vigueur du même code : " Les jugements sont rendus, sans conclusions du rapporteur public, par le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cet effet. (...) " L'article R. 776-21 du même code, alors en vigueur, dispose : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné statue au plus tard quatre-vingt-seize heures à compter de l'expiration du délai de recours, conformément au premier alinéa de l'article L. 614-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. (...) "

3. Il ressort des dispositions précitées des articles R. 776-15 et R. 776-21 alors en vigueur du code de justice administrative que le tribunal administratif de Montreuil, saisi de la requête de M. A... contre l'arrêté du 20 mars 2024 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire pour une durée de trois ans, était tenu de statuer sur l'obligation de quitter le territoire sans délai et l'interdiction de retour sur le territoire dans une formation restreinte à juge unique et dans un bref délai dès lors qu'il avait été assigné à résidence sur le fondement de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en application d'un arrêté du 18 avril 2024. Dans ces conditions, le requérant, qui ne fait ainsi pas valoir utilement que le tribunal avait la possibilité de ne pas statuer sur ces décisions en formation restreinte dans un bref délai, n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait dû statuer simultanément sur l'ensemble des décisions dans un délai plus long, ou surseoir à statuer sur l'obligation de quitter le territoire sans délai et l'interdiction de retour sur le territoire en attendant de se prononcer sur la légalité du refus de titre de séjour et qu'il aurait dû informer le requérant, avant de statuer, de ce que les conclusions relatives au refus de titre de séjour seraient renvoyées devant une formation collégiale pour recueillir ses observations. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué aurait été pris par le tribunal administratif de Montreuil en méconnaissance de l'article L. 5 du code de justice administrative et du droit au procès équitable protégé par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

4. En premier lieu, le requérant fait valoir que la décision en litige aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière, dès lors qu'en méconnaissance des dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale et de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, il n'est pas justifié que le fichier de traitement d'antécédents judiciaires a été consulté par une personne individuellement désignée et spécialement habilitée par le représentant de l'État.

5. Toutefois, il résulte des dispositions du 1° du I de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale que les agents habilités selon les modalités prévues au 1° du I de l'article R. 40-28 du même code peuvent consulter les données à caractère personnel figurant dans le traitement des antécédents judiciaires, qui se rapportent à des procédures judiciaires closes ou en cours, sans autorisation du ministère public, dans le cadre des enquêtes prévues au V de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, applicable en particulier pour l'instruction des demandes de délivrance de titre de séjour. Ainsi, dès lors que l'article 17-1 de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995 prévoit la possibilité que certains traitements automatisés de données à caractère personnel soient consultés au cours de l'enquête conduite par l'administration dans le cadre de ses pouvoirs de police, préalablement à la délivrance d'un titre de séjour, la circonstance que l'agent ayant procédé à cette consultation n'aurait pas été, en application des articles R. 40-23, R. 40-28 et du 1° du I de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale, individuellement désigné et régulièrement habilité à cette fin, si elle est susceptible de donner lieu aux procédures de contrôle de l'accès à ces traitements, n'est pas, par elle-même, de nature à entacher d'irrégularité la décision attaquée.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. A... fait valoir qu'il réside en France depuis 2013, qu'il a été marié avec une ressortissante française jusqu'en 2017, et a, pour ce motif, été pourvu de titres de séjour lui ayant permis de résider régulièrement en France jusqu'en 2021, qu'il a un enfant français né le 7 juin 2013, à l'éducation et l'entretien duquel il contribue, et qu'il exerce depuis février 2022 une activité professionnelle stable en qualité de préparateur de commandes, sous couvert d'un contrat à durée indéterminée. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant n'établit pas contribuer effectivement à l'éducation de son enfant en se bornant à produire des photographies non datées sur la plupart desquelles il n'est pas présent auprès de l'enfant, une attestation non circonstanciée, des documents administratifs et deux captures d'écran de téléphone sans caractère probant ni portée. Il ressort également des pièces du dossier que, par un jugement du 13 février 2023, le tribunal correctionnel de Bobigny a condamné M. A... à une peine d'emprisonnement de huit mois avec sursis et interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation pour une durée de trois ans pour des faits de violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité. Dans ces conditions, et alors que M. A... est célibataire et a vécu au moins jusqu'à l'âge de 42 ans dans son pays d'origine, où il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales, la décision du 20 mars 2024 portant obligation de quitter le territoire ne méconnaît pas son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

8. Il ressort de ce qui a été exposé au point 7 que M. A... ne contribue pas effectivement à l'éducation de son fils. Par suite, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

9. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...). "

10. Pour les motifs exposés au point 7, le comportement de M. A... doit être regardé comme constituant une menace pour l'ordre public. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis pouvait refuser de lui accorder un délai de départ volontaire sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans méconnaître l'article L. 612-1 du même code.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

11. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été retenus aux points 7 et 8, les moyens tirés de ce que l'interdiction de retour sur le territoire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en litige du 20 mars 2024 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire pour une durée de trois ans. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par le requérant aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 5 février 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- M. Segretain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 février 2025.

Le rapporteur,

A. SEGRETAIN La présidente,

S. VIDAL

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 24PA02239


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA02239
Date de la décision : 19/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Alexandre SEGRETAIN
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : DEKIMPE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-19;24pa02239 ?
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