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19/02/2025 | FRANCE | N°23PA04080

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 19 février 2025, 23PA04080


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Shana a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015 ainsi que de l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.



Par un jugement n° 2018410/1-2 du 18 juillet 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté

sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire enregistrés les 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Shana a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015 ainsi que de l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

Par un jugement n° 2018410/1-2 du 18 juillet 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 15 septembre 2023 et 21 mars 2024, la société Shana, représentée par Me Roé, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 juillet 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) d'assortir le remboursement des sommes versées des intérêts moratoires ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues ;

- les pièces de procédure n'ont été adressées ni au siège social, ni aux adresses de correspondance ;

- il résulte de l'article 239 du code général des impôts qu'elle n'était pas imposable à l'impôt sur les sociétés ;

- les pièces comptables produites établissent l'exagération des impositions ;

- le montant des charges correspondant aux produits retenus devrait être admis par souci de réalisme économique ;

- aucun revenu occulte n'a été distribué, en l'absence de décision de l'assemblée générale ;

- le bénéficiaire des revenus était clairement identifié dans les relevés de compte ;

- la pénalité prévue à l'article 1732 du code général des impôts est disproportionnée, ainsi que le cumul de cette pénalité et des autres majorations ;

- l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts n'est pas suffisamment motivée après l'intervention du fait générateur ;

- les pénalités de 100 % ne sont pas justifiées en absence d'opposition au contrôle fiscal ;

- la longueur de la procédure a été excessive et méconnaît l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable en l'absence de requérant ayant qualité pour agir après la clôture des opérations de liquidation ;

- les moyens présentés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 25 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 22 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- et les conclusions de M. Perroy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Shana a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 4 février 2014 au 31 décembre 2016. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015 à l'issue de ce contrôle, ainsi que de l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 67 du livre des procédures fiscales : " La procédure de taxation d'office prévue aux 1° et 4° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. Toutefois, le délai de régularisation est fixé à quatre-vingt-dix jours pour la présentation à l'enregistrement de la déclaration mentionnée à l'article 641 du code général des impôts. / Il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure si le contribuable change fréquemment de lieu de séjour ou séjourne dans des locaux d'emprunt ou des locaux meublés, ou a transféré son domicile fiscal à l'étranger sans déposer sa déclaration de revenus, ou si un contrôle fiscal n'a pu avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers ". Le premier alinéa de l'article L. 74 du même livre dispose que : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers ". Aux termes de l'article L. 76 de ce livre : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. Cette notification est interruptive de prescription. Lorsque le contribuable est taxé d'office en application de l'article L. 69, à l'issue d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut être saisie dans les conditions prévues à l'article L. 59. / La prescription des sanctions fiscales autres que celles prévues au troisième alinéa de l'article L. 188 est interrompue par l'information notifiée au contribuable qu'elles pourront être éventuellement appliquées. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 67 ". Aux termes de l'article L. 76 B du même livre : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

3. Il résulte des dispositions précitées des articles L. 67, L. 74 et L. 76 du livre des procédures fiscales que, lorsque les bases de l'imposition d'un contribuable ont été évaluées d'office à la suite de son opposition au contrôle fiscal, le législateur a entendu priver l'intéressé, qui s'est de lui-même placé en dehors des règles applicables à la procédure d'imposition, des garanties dont bénéficient les contribuables, qu'ils soient imposés selon la procédure contradictoire ou selon une procédure d'imposition d'office, et notamment de celle tenant à l'obligation qui pèse sur l'administration d'informer l'intéressé de la teneur et de l'origine des renseignements obtenus de tiers et utilisés pour arrêter les bases de l'imposition et de lui communiquer à sa demande les documents susmentionnés avant la mise en recouvrement.

4. En l'espèce, il résulte de l'instruction, et notamment du procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal dressé par l'inspecteur spécialisé des finances publiques chargé du dossier le 27 mars 2017, que la vérification de comptabilité de la société Shana n'a pas pu avoir lieu en raison de l'opposition de son gérant. Dans ces conditions, la société requérante ne peut utilement se prévaloir du fait que l'administration aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en ne lui communiquant pas les documents obtenus de tiers utilisés pour fonder les rehaussements. Il résulte en tout état de cause de l'instruction d'une part que le service vérificateur a précisé, dans la proposition de rectification du 30 juin 2017, le nom du tiers qu'elle a sollicité, soit l'établissement bancaire dans lequel l'intéressée disposait d'un compte, les dates des demandes effectuées auprès de lui et des réponses envoyées par cet établissement ainsi que la nature des documents obtenus, et d'autre part, que la société requérante n'a pas demandé, avant la mise en recouvrement, la communication des documents en cause. Enfin, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que l'administration serait tenue d'informer le contribuable, en cours de procédure, de l'identité du service ayant fait usage du droit de communication. La société requérante ne saurait par suite se prévaloir d'aucune irrégularité de procédure du chef de l'usage de ce droit.

5. En deuxième lieu, si la société requérante fait valoir que les pièces de procédure établies depuis le début du contrôle jusqu'à la notification des rehaussements n'ont été adressées ni à son siège social 26 rue des Rigoles à Paris 20éme, ni à différentes " adresses de correspondance " auxquelles il aurait été possible de joindre son gérant, le changement d'adresse du siège social de la société dont cette dernière se prévaut n'a été enregistré par la société au greffe du tribunal de commerce que le 10 janvier 2018, date à laquelle il est devenu opposable aux tiers, soit postérieurement à l'envoi de la proposition de rectification du 30 juin 2017. La société requérante, qui ne produit aucune pièce de nature à établir avoir indiqué, préalablement à l'envoi des pièces de procédure en cause, un courrier avertissant l'administration fiscale de son changement d'adresse ni d'ailleurs d'une quelconque " adresse de correspondance ", n'est pas fondée à soutenir que l'envoi de ces pièces à l'adresse de son siège social connue du service, soit 121 rue de la Réunion Paris 20éme, serait entaché d'irrégularité. La circonstance, à la supposer établie, que la décision d'acceptation partielle de la réclamation formée par la société requérante aurait été envoyée à une adresse erronée est en tout état de cause sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne le principe de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés :

6. En premier lieu, en vertu du 4° de l'article 8 du code général des impôts, l'associé unique d'une société à responsabilité limitée, lorsque cet associé est une personne physique, est assujetti à l'impôt sur le revenu pour les bénéfices sociaux qu'il en retire, à moins d'une option de la société en faveur de son assujettissement à l'impôt sur les sociétés. Aux termes du 3 de l'article 206 du même code : " Sont soumis à l'impôt sur les sociétés s'ils optent pour leur assujettissement à cet impôt dans les conditions prévues à l'article 239 : (...) e. Les sociétés à responsabilité limitée dont l'associé unique est une personne physique ; (...) ". Aux termes de l'article 239 du même code, dans sa version applicable à l'espèce : " 1. Les sociétés et groupements mentionnés au 3 de l'article 206 peuvent opter, dans des conditions qui sont fixées par arrêté ministériel, pour le régime applicable aux sociétés de capitaux. (...) / L'option doit être notifiée avant la fin du troisième mois de l'exercice au titre duquel l'entreprise souhaite être soumise pour la première fois à l'impôt sur les sociétés. Toutefois, en cas de transformation d'une société de capitaux en une des formes de société mentionnée au 3 de l'article 206 ou en cas de réunion de toutes les parts d'une société à responsabilité limitée entre les mains d'une personne physique, l'option peut être notifiée avant la fin du troisième mois qui suit cette transformation ou cette réunion pour prendre effet à la même date que celle-ci. Dans tous les cas, l'option exercée est irrévocable ". Aux termes de l'article 22 de l'annexe IV au code général des impôts, alors en vigueur et repris en substance à l'article 350 F de l'annexe III à ce code : " La notification de l'option prévue à l'article 239 du code général des impôts est adressée au service des impôts du lieu du principal établissement de la société ou du groupement qui souhaite exercer cette option. / La notification indique la désignation de la société ou du groupement et l'adresse du siège social, les nom, prénoms et adresse de chacun des associés, membres ou participants, ainsi que la répartition du capital social ou des droits entre ces derniers. Elle est signée dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, par tous les associés, membres ou participants. Il en est délivré récépissé (...) ".

7. Pour exercer valablement leur option pour l'imposition selon le régime propre aux sociétés de capitaux prévue au 3. de l'article 206 du code général des impôts, les sociétés de personnes doivent soit notifier cette option au service des impôts du lieu de leur principal établissement, conformément aux prescriptions de l'article 239 du même code et de l'article 22 de l'annexe IV à ce code, soit cocher la case prévue à cet effet sur le formulaire remis au centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce dont elles dépendent à l'occasion de la déclaration de leur création ou de leur modification, manifestant ainsi sans ambiguïté l'exercice de leur option. Il en va autrement dans l'hypothèse où une société à responsabilité limitée décide, au moment de la réunion de toutes ses parts entre les mains d'un associé unique, de demeurer assujettie à l'impôt sur les sociétés. Une telle entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée est réputée avoir régulièrement exercé l'option offerte au 3 de l'article 206 si elle a opté dans ses statuts, dans le délai prévu à la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 239, pour l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés, et si elle a, au titre du premier exercice clos après la réunion des parts dans une même main, déclaré ses résultats sous le régime de l'impôt sur les sociétés. En outre, une société à responsabilité limitée dont l'associé unique est une personne physique qui déclare dans ses statuts constitutifs relever du régime de l'impôt sur les sociétés et qui, dès son premier exercice social, dépose ses déclarations de résultats sous le régime de cet impôt, est réputée avoir régulièrement opté pour l'option offerte au 3 de l'article 206 du code général des impôts. Une telle option doit également être réputée comme ayant été régulièrement exercée dans le cas d'une société à responsabilité limitée qui n'a pas opté dans ses statuts pour l'impôt sur le revenu, dont les parts sont réunies, au cours du premier exercice social, entre les mains d'un associé unique, qui ne modifie pas à cette occasion les statuts déposés lors de sa création et qui dès son premier exercice social, dépose ses déclarations de résultats sous le régime de l'impôt sur les sociétés.

8. La société à responsabilité limitée (SARL) Shana a été créée le 4 février 2014. Les statuts déposés lors de sa création qui contenaient les dispositions de droit commun relatives à la constatation des bénéfices et à la distribution de dividendes ne contenaient aucune option pour l'imposition de ses résultats à l'impôt sur le revenu. Si elle s'est transformée en entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) à la suite de la réunion de toutes ses parts entre les mains de l'un de ses deux associés le 1er juin 2015, elle n'a pas modifié ses statuts et a déclaré ses résultats sous le régime de l'impôt sur les sociétés au titre du premier exercice clos le 31 décembre 2015 et au titre des deux exercices suivants. En outre, ainsi que le fait valoir l'administration, la société requérante a elle-même exposé, dans sa réclamation contentieuse du 18 janvier 2018, soit plus de deux ans après la transformation de la SARL en EURL, sa situation au regard de ses obligations fiscales en évoquant son assujettissement à l'impôt sur les sociétés. La société Shana, malgré sa transformation en EURL le 1er juin 2015, doit donc être regardée comme ayant opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés. C'est par suite à bon droit que l'administration a estimé qu'elle était assujettie à cet impôt au titre de l'exercice en litige.

En ce qui concerne le montant des rehaussements :

9. Les impositions ayant été établies selon la procédure d'évaluation d'office prévue par les dispositions de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, la société requérante supporte en application des dispositions de l'article L. 193 du même livre, la charge de la preuve de leur caractère excessif. En se bornant à affirmer de manière générale que les pièces comptables qu'elle a communiquées à l'administration fiscale établissent l'exagération des impositions et qu'un montant de charges correspondant aux produits retenus ou aux débits bancaires devrait être admis par souci de réalisme économique, la société requérante, qui a d'ailleurs été imposée au titre de l'exercice clos en 2015 sur un résultat inférieur à celui déclaré tardivement, n'apporte pas la preuve qui, ainsi qu'il vient d'être dit, lui incombe.

Sur l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts :

10. Aux termes de l'article 1759 du code général des impôts : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées (...) ". L'article L. 80 D du livre des procédures fiscales dispose que : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées (...) / Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations ".

11. En l'espèce, les sommes correspondant au rehaussement du résultat de la SARL Shana au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015 ayant été qualifiées par le service de distributions au sens du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, l'administration fiscale a invité la société à désigner les bénéficiaires de ces distributions, en application de l'article 117 du même code. En l'absence de réponse de la SARL Shana, le service lui a infligé l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts.

12. En premier lieu, la proposition de rectification du 30 juin 2017 précisait que, faute d'avoir procédé à cette désignation dans le délai de trente jours, la société se verrait appliquer cette amende. En outre, le courrier de motivation du 9 août 2017 comporte les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision d'infliger la pénalité en litige à la SARL Shana. Le moyen tiré du défaut de motivation de l'amende en cause ne peut par suite qu'être rejeté.

13. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 11 que la société n'a pas répondu dans le délai imparti à la demande de désignation des bénéficiaires des revenus distribués. L'amende en cause était donc applicable, alors même qu'aucune décision d'assemblée générale n'aurait prévu de distributions et que les bénéficiaires des versements étaient identifiés dans les relevés de comptes.

Sur l'amende prévue à l'article 1732 du code général des impôts :

14. Aux termes de l'article 1732 du code général des impôts : " La mise en œuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales entraîne : / a. L'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés ou aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l'État (...) ".

15. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal dressé le 27 mars 2017 par l'inspecteur spécialisé des finances publiques chargé du dossier, que la vérification de comptabilité de la SARL Shana n'a pas pu avoir lieu, les avis de vérification du 6 février 2017 et du 24 février 2017, les courriers de mise en garde du 3 mars 2017 et du 13 mars 2017 étant revenus à l'administration, en raison de l'attitude de la société qui n'avait pas informé l'administration fiscale de son changement d'adresse ni pris de mesures pour faire suivre son courrier. Un procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal a en conséquence été établi le 27 mars 2017. Les pénalités prévues par les dispositions précitées ont par suite été appliquées à bon droit, sans que la SARL Shana puisse utilement se prévaloir de ce qu'elle a ultérieurement transmis au vérificateur des documents comptables et fiscaux, déclaré un résultat supérieur au résultat notifié, payé les sommes dues et de ce que les rehaussements ont été en partie abandonnés.

16. En deuxième lieu, la pénalité instituée par l'article 1732 du code général des impôts a pour objet de sanctionner les contribuables qui cherchent à se dérober à leurs obligations fiscales et à faire obstacle au droit de contrôle dont dispose l'administration. Elle ne saurait dès lors être regardée comme disproportionnée, alors même qu'elle est mise en œuvre avec celle prévue par les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts, qui sanctionne un manquement distinct. A supposer qu'en se prévalant de la décision n° 2016-554 QPC du 22 juillet 2016 par laquelle le conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution le deuxième alinéa du paragraphe IV de l'article 1736 du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012, la société ait entendu se prévaloir de l'inconstitutionnalité des dispositions précitées, un tel moyen ne peut qu'être écarté en l'absence de mémoire distinct soumettant à la Cour une question prioritaire de constitutionnalité.

Sur le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

17. Si la société requérante soutient que le délai qui s'est écoulé depuis l'année d'imposition a un caractère anormalement long au regard de l'exigence posée par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, un tel délai ne saurait, par lui-même, conduire à la décharge des impositions en cause.

18. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre, que la société Shana n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Shana est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Shana au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 5 février 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- M. Segretain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 février 2025.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLa présidente,

S. VIDAL

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 23PA04080 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04080
Date de la décision : 19/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : ROE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-19;23pa04080 ?
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