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14/02/2025 | FRANCE | N°23PA04061

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 14 février 2025, 23PA04061


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) Ecotrans a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'article 22 de la convention de concession passée entre le syndicat intercommunal du Grand Nouméa et la société Calédonienne de Services Publics, dans sa rédaction issue de l'avenant n° 8 à cette convention.



Par un jugement n° 2200435 du 21 juillet 2023, le tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie a rejeté la demand

e.



Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés le 13 septembre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Ecotrans a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'article 22 de la convention de concession passée entre le syndicat intercommunal du Grand Nouméa et la société Calédonienne de Services Publics, dans sa rédaction issue de l'avenant n° 8 à cette convention.

Par un jugement n° 2200435 du 21 juillet 2023, le tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 13 septembre 2023, le 5 décembre 2023, le 9 janvier 2024, le 15 juillet 2024 et le 13 septembre 2024, la société Ecotrans, représentée par Selarl cabinet Plaisant, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 juillet 2023 ;

2°) d'annuler l'article 22 de la convention de concession passée entre le syndicat intercommunal du Grand Nouméa (SIGN) et la société Calédonienne de Services Publics (CSP), dans sa rédaction issue de l'avenant n° 8, en ce qu'il permet au concessionnaire d'appliquer des tarifs plus élevés aux usagers qui ne sont pas titulaires de contrats publics de collecte de déchets avec les communes membres du SIGN, autorité concédante, ainsi que la décision implicite de rejet de sa demande de révision de cette clause adressée au SIGN et à la CSP, par courriers des 26 septembre 2022 et 27 septembre 2022 ;

3°) d'enjoindre à la société CSP de produire les factures récentes adressées à la société Caleco et portant sur les déchets ménagers ou assimilés ;

4°) d'enjoindre au SIGN et la société CSP de fixer des tarifs non discriminatoires entre les prestataires de ses communes membres et les opérateurs de collecte de déchets indépendants ;

5°) de mettre à la charge du SIGN une somme de 800 000 F CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les clauses tarifaires présentes dans le contrat de concession ont trait au service public du traitement des déchets ménagers et présentent à ce titre un caractère règlementaire de sorte que son recours dirigé contre une telle clause et contre le refus de la modifier est bien recevable contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif ;

- les tarifs pratiqués en vertu de cette clause ne respectent pas le principe d'égalité entre usagers du service public, ne sont pas établis selon des critères objectifs et rationnels, ne correspondent pas au service rendu, ne respectent pas le principe d'équivalence avec la valeur de la prestation ou du service, ne respectent pas les règles de la concurrence en matière d'entente et d'abus de position dominante et constituent un abus d'exploitation ;

- la stipulation en litige méconnaît l'article L.324-1 du code des communes qui interdit à la collectivité d'inclure dans la mission de son concessionnaire la prise en charge de travaux et prestations étrangers à la mission de service public qu'elle délègue.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 novembre 2023 et le 2 septembre 2024, le syndicat intercommunal du Grand Nouméa conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Ecotrans au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Ecotrans ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés le 21 décembre 2023, le 20 juin 2024 et le

27 septembre 2024, la Société calédonienne de services publics, représentée par la

Selarl Cabanes-Neveu et Associés, conclut au rejet de la requête de la société Ecotrans et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de cette société au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société Ecotrans n'est pas recevable à demander l'annulation de l'article 22 de la convention qui ne porte pas une atteinte directe et certaine à ses intérêts et est dépourvu de tout caractère réglementaire ;

- cette société n'est pas non plus recevable à demander l'annulation de l'avenant n°8 conclu le 27 décembre 2018, dont elle a eu connaissance plus d'un an avant l'introduction, le 20 décembre 2022, de sa requête de première instance ;

- les autres moyens soulevés par la société Ecotrans ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 2 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 5 novembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 ;

- le code des communes de Nouvelle Calédonie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bruston,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

- et les observations de Me Kukuryka substituant Me Charlier, représentant le

syndicat Intercommunal du Grand Nouméa, et de Me Pezin, représentant la société Calédonienne de Services Publics.

Considérant ce qui suit :

1. Par un contrat de concession conclu le 8 août 2003, la Société Calédonienne de Services Publics (C.S.P.) s'est vu confier par la commune de Nouméa, puis par la suite par le

Syndicat Intercommunal du Grand Nouméa (SIGN) qui s'y est substitué, la réalisation du centre de transit, de l'installation de stockage des déchets du syndicat, et la gestion du service du tri, du transport et du traitement des déchets urbains. La société Ecotrans, société privée de collecte de déchets ménagers et industriels dans la zone du grand Nouméa, a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, aux termes de ses écritures de première instance, d'annuler l'article 22 de ce contrat de concession de travaux et de service public, dans sa rédaction résultant de l'avenant n° 8 signé le 27 décembre 2018, ainsi que la décision implicite de rejet de sa demande de révision de cette clause adressée au SIGN et à la CSP, par courriers des 26 septembre 2022 et

27 septembre 2022. Elle relève appel du jugement du 21 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 22 du contrat de concession conclu le 8 août 2003 : " Le concessionnaire tiendra l'autorité concédante informée des tarifs et des contrats qu'il conclura avec des personnes publiques ou privées. Les tarifs pratiqués ne peuvent être inférieurs aux tarifs pratiqués auprès de l'autorité concédante. ".

3. Indépendamment du recours de pleine juridiction dont disposent les tiers à un contrat administratif pour en contester la validité, un tiers à un contrat est recevable à demander, par la voie du recours pour excès de pouvoir, l'annulation des clauses réglementaires contenues dans un contrat administratif qui portent une atteinte directe et certaine à ses intérêts. Revêtent un caractère réglementaire les clauses d'un contrat qui ont, par elles-mêmes, pour objet l'organisation ou le fonctionnement d'un service public et celles qui établissent des droits et obligations des administrés ou qui règlent directement la situation de personnes étrangères à la relation entre les parties au contrat.

4. Les stipulations de l'article 22 du contrat de concession en litige sont relatives aux tarifs qui seront appliqués par le concessionnaire à des tiers au contrat pour lesquels il est autorisé à réaliser des prestations. Une telle clause présente ainsi un caractère règlementaire. Est sans incidence sur cette qualification la circonstance que les prestations concernées par cette clause tarifaire seraient hors champs du service public concédé. Dès lors, la société Ecotrans est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa requête comme irrecevable pour le motif tiré de ce que la clause en litige ne serait pas divisible du contrat de concession. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Ecotrans devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie.

Sur la légalité des décisions attaquées :

6. Il résulte de l'instruction que les stipulations de l'article 22 de la convention en litige s'appliquent aux tarifs de traitement des déchets appliqués par la société CSP, à l'égard des tiers non assujettis à la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (REOM) recouvrée par les communes adhérentes au Syndicat Intercommunal du Grand Nouméa, qui en fixent le montant en vertu des dispositions l'article L. 233-31 du code des commune de Nouvelle-Calédonie. Elles sont, dès lors, applicables aux tarifs relatifs au traitement des déchets non collectés par les services de collecte des communes, notamment les déchets collectés par la société Ecotrans directement auprès des particuliers et apportés auprès de la société CSP pour traitement. Toutefois, ces stipulations, qui se bornent à interdire à la société CSP de pratiquer, pour ces prestations, des tarifs inférieurs aux tarifs pratiqués auprès de l'autorité concédante pour les déchets collectés par les communes et financés par la REOM, n'ont ni pour objet ni pour effet d'autoriser, voire d'interdire à la CSP de pratiquer des tarifs, pour le service de tri, transport et traitement des déchets collectés par des entreprises privées, différents de la rémunération perçue pour le service concernant les déchets non dangereux produits principalement par les ménages et les activités économiques collectés par le service public d'élimination des déchets. Il s'ensuit que ces stipulations ne sont, en tout état de cause, susceptibles de créer, en elles-mêmes, aucune discrimination ni distorsion de concurrence. L'ensemble des moyens tirés de ce que les tarifs pratiqués en vertu de cette clause ne respectent pas le principe d'égalité entre usagers du service public, ne sont pas établis selon des critères objectifs et rationnels, ne correspondent pas au service rendu, ne respectent pas le principe d'équivalence avec la valeur de la prestation ou du service et ne respectent pas les règles de la concurrence ne peuvent, dès lors, qu'être écartés.

7. Aux termes de l'article L. 324-1 du code des communes de Nouvelle-Calédonie : " Dans les contrats portant concession de service public, les communes, ainsi que les établissements publics communaux, ne peuvent pas insérer de clauses par lesquelles le concessionnaire prend à sa charge l'exécution de travaux étrangers à l'objet de la concession. ". L'article 22 de la convention en litige n'étant pas relative à des opérations de travaux et les prestations visées n'étant, en tout état de cause, pas étrangères à l'objet de la concession, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté comme inopérant.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées en appel par la Société calédonienne de services publics, que la société Ecotrans n'est pas fondée à demander l'annulation de l'article 22 de la convention de concession passée entre le syndicat intercommunal du Grand Nouméa et la société Calédonienne de Services Publics, dans sa rédaction issue de l'avenant n° 8, et de la décision implicite de rejet de ses demandes de révision de cette clause. Ses conclusions à fin d'injonction doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Ecotrans le versement de la somme de 1 500 euros au SIGN et le versement de la somme de 1 500 euros à la société CSP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée au même titre par la société Ecotrans.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2200435 du 21 juillet 2023 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Ecotrans devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : La société Ecotrans versera la somme de 1 500 euros au SIGN et la même somme à la société CSP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société Ecotrans, au Syndicat Intercommunal du Grand Nouméa et à la Société Calédonienne de Services Publics.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Doumergue, présidente,

Mme Bruston, président assesseur,

Mme Saint-Macary, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2025.

La rapporteure,

S. BRUSTON

La présidente,

M. A... La greffière,

E. FERNANDO

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA04061 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04061
Date de la décision : 14/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: Mme Servane BRUSTON
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : SELARL RAPHAELE CHARLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-14;23pa04061 ?
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