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14/02/2025 | FRANCE | N°23PA03563

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 14 février 2025, 23PA03563


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Air France a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 16 novembre 2022 R/22-0360 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 10 000 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.



Par un jugement n° 2301121 du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande.





Procédure devant la Cour :



Par une requêt

e enregistrée le 4 août 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Air France a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 16 novembre 2022 R/22-0360 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 10 000 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.

Par un jugement n° 2301121 du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 août 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris et de rejeter la demande de la société Air France.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a considéré que la capture d'écran de la base de données ALTEA produite par la société Air France constituait une preuve que les documents de voyage du passager ne présentant pas d'irrégularité manifeste lui avaient été présentés au moment de l'embarquement.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 avril 2024, la société Air France, représentée par Me Pradon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la capture d'écran de la base de données ALTEA démontre que le passager a présenté un passeport libanais lors des opérations d'embarquement à Libreville, et dans la mesure où il était muni d'un billet pour Beyrouth, il était exempté de visa de transit aéroportuaire pour effectuer son transit à Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Saint-Macary,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

- et les conclusions de Me Rémy, substituant Me Pradon, représentant la société

Air France.

Deux notes en délibéré ont été produites pour la société Air France les 23 et 27 janvier 2025.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 16 novembre 2022, le ministre de l'intérieur a infligé à la société

Air France une amende de 10 000 euros pour avoir, le 16 mai 2022, débarqué sur le territoire français un passager de nationalité inconnue en provenance de Libreville, démuni de document de voyage. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision.

2. Aux termes de l'article L. 6421-2 du code des transports : " Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu'après justification qu'ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d'arrivée et aux escales prévues ". Aux termes de l'article L. 821-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Est passible d'une amende administrative de 10 000 euros l'entreprise de transport aérien, maritime ou routier qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un État qui n'est pas partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, de la République d'Islande, de la Principauté du Liechtenstein, du Royaume de Norvège ou de la Confédération suisse démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité (...) ". Aux termes de l'article L. 821-8 du même code : " L'amende prévue à l'article L. 821-6 (...) n'est pas infligée : (...) / 2° Lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste. / Elle ne peut être infligée pour des faits remontant à plus d'un an ".

3. Ces dispositions font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de l'Union européenne sont en possession de documents de voyage leur appartenant, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, non falsifiés et valides. Si ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police en lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d'éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport. En l'absence d'une telle vérification, à laquelle le transporteur est d'ailleurs tenu de procéder en vertu de l'article L. 6421-2 du code des transports, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions précitées.

4. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours de pleine juridiction contre la décision infligeant une amende à une entreprise de transport aérien sur le fondement des dispositions législatives précitées, de statuer sur le bien-fondé de la décision attaquée et de réduire, le cas échéant, le montant de l'amende infligée, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

5. Il résulte de l'instruction que la société Air France a laissé débarquer, le 16 mai 2022, à l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle, un passager dépourvu de document de voyage en provenance de Libreville. La société produit une capture d'écran de sa base de données ALTEA comportant les nom, prénom, date de naissance et nationalité du passager, ainsi que son numéro de passeport, et fait valoir que celui-ci, de nationalité libanaise, en provenance de Libreville et en transit à Paris pour se rendre à Beyrouth, n'avait pas à être muni d'un visa. Toutefois, si ces informations permettent d'établir que le passager s'est présenté avec un passeport complet au moment de l'embarquement, elles ne suffisent pas à établir, en l'absence de production d'une copie numérisée de ce document, que celui-ci ne comportait pas d'élément d'irrégularité manifeste. Il s'ensuit que le ministre de l'intérieur a pu légalement faire application des dispositions précitées de l'article L. 821-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et infliger à la société Air France une amende sur ce fondement.

6. Il résulte en revanche également de l'instruction que le dossier de réservation du passager transmis à la police aux frontières a confirmé qu'il devait transiter, pour Beyrouth, via l'aéroport Roissy Charles de Gaulle, et que les informations enregistrées dans la base de données ALTEA ont été confirmées par la consultation du fichier Visabio. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, il est vraisemblable que le passager concerné était muni d'un document de voyage régulier lors de son embarquement, qu'il a volontairement fait disparaître avant son débarquement en France. Dès lors, il y a lieu de ramener le montant de l'amende infligée à la société Air France à la somme de 5 000 euros.

7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé sa décision du 16 novembre 2022 infligeant une amende à la société Air France, dans la limite de 5 000 euros.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Air France demande sur ce fondement.

D É C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 2301121 du 27 juin 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : L'amende de 10 000 euros infligée par la décision du ministre de l'intérieur du

16 novembre 2022 R/22-0360 est ramenée à un montant de 5 000 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à la société Air France.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Doumergue, présidente de chambre,

Mme Bruston, présidente-assesseure,

Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2025.

La rapporteure,

M. SAINT-MACARY

La présidente,

M. DOUMERGUE

La greffière,

E. FERNANDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA03563


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03563
Date de la décision : 14/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: Mme Marguerite SAINT-MACARY
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : CLYDE & CO LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-14;23pa03563 ?
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