Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge partielle, à hauteur de la somme de 58 300 euros, de la cotisation d'impôt sur le revenu qu'il a acquittée au titre de l'année 2017.
Par un jugement n° 2104292 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 22 juin 2023 et le 6 mai 2024, M. A..., représenté par Me Allais, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge partielle, à hauteur de la somme de 58 300 euros, de la cotisation d'impôt sur le revenu qu'il a acquittée au titre de l'année 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que l'indemnité transactionnelle versée par son employeur a visé à l'indemniser du préjudice résultat d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu'elle n'est donc pas imposable dès lors qu'elle entre dans le champ de l'exonération prévue au 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts.
Par un mémoire enregistré le 2 avril 2024, le ministre de ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête d'appel présentée par M. A... est irrecevable, dès lors qu'elle se borne à reproduire intégralement et exclusivement le mémoire introductif de première instance ;
- l'indemnité transactionnelle versée en 2017 pour 346 651 euros a été exonérée à hauteur de 235 368 euros, par application du 3° du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts, de sorte que le montant de l'indemnité transactionnelle non exonéré n'est que de 111 283 euros ;
- aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 janvier 2025 :
- le rapport de M. Dubois ;
- et les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., qui occupait depuis le mois d'avril 2013 le poste de directeur de l'expansion pour la France au sein de la société Carrefour, a fait l'objet d'un licenciement par une lettre du 30 novembre 2017. Au terme d'un protocole transactionnel signé par les parties le 27 décembre 2017, son employeur s'est engagé à lui verser une somme de 446 651 euros dans le cadre de la rupture de son contrat de travail, dont la somme de 346 651 euros au jour de la signature du protocole et la somme de 100 000 euros entre le 15 et le 26 janvier 2018. Par une réclamation du 9 décembre 2020, M. A... a contesté l'imposition de l'indemnité qui lui a été versée au cours de l'année 2017, au motif que son licenciement n'était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse. Par une décision du 8 janvier 2021, l'administration fiscale a expressément rejeté cette réclamation. M. A... relève appel du jugement n° 2104292 du 11 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge de cette imposition.
2. Aux termes du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve des dispositions suivantes. / Ne constituent pas une rémunération imposable : / 1° Les indemnités mentionnées aux articles L. 1235-1, L. 1235-2, L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-11 à L. 1235-13 du code du travail (...) ". L'article L. 1235-3 du code du travail dispose que : " Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. / Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous (...) ".
3. D'une part, il résulte de ces dispositions qu'à l'exception des indemnités limitativement énumérées par ce texte, toute indemnité perçue à l'occasion de la rupture d'un contrat de travail revêt un caractère imposable.
4. D'autre part, pour déterminer si une indemnité versée en exécution d'une transaction conclue à l'occasion de la rupture d'un contrat de travail est imposable, il appartient à l'administration et, lorsqu'il est saisi, au juge de l'impôt de rechercher la qualification à donner aux sommes qui font l'objet de la transaction. Ces dernières ne sont susceptibles d'être regardées comme des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mentionnées à l'article L. 1235-3 du code du travail que s'il résulte de l'instruction que la rupture des relations de travail est assimilable à un tel licenciement. Dans ce cas, les indemnités, accordées au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sont exonérées d'imposition. La détermination par le juge de la nature des indemnités se fait au vu de l'instruction.
5. Il résulte du courrier de convocation à l'entretien préalable qui a été adressé le 30 novembre 2017 à M. A... par son employeur que lui étaient reprochés, dans le cadre d'un changement de gouvernance intervenu en juillet 2017 ayant donné lieu à de nouvelles orientations stratégiques que M. A... était, " compte tenu de [ses] fonctions de Directeur Expansion pour la France ", tenu de mettre en œuvre, une " absence de toute adhésion de [sa] part à cette nouvelle stratégie, pourtant indispensable au groupe Carrefour ", et des " réticences quant aux orientations stratégiques envisagées par le Groupe ", prenant la forme de " réserves et de [...] doutes sur la pertinence des projets ayant traits aux applications pratiques des décisions prises par le Comité Exécutif ". Le courrier évoque encore des " désaccords récurrents " avec le comité exécutif jugés incompatibles avec les fonctions occupées par M. A.... Ces désaccords résultent, selon le courrier, de " divergences d'opinions profondes et récurrentes sur ces politiques et pratiques, ainsi [que d'une] absence d'adhésion persistante aux choix de la Direction Générale sur les projets en cours " et se sont traduits par une " opposition systématique aux décisions stratégiques devant être mises en œuvre ". Le protocole transactionnel signé par les parties le 27 décembre 2017 mentionne dans la partie " Rappel des faits et historique des relations contractuelles ", exposée préalablement aux positions et concessions respectives des parties, que M. A... a refusé " d'adhérer aux nouvelles orientations stratégiques définies par le groupe " et qu'" il a exprimé auprès de sa hiérarchie des divergences sur des projets de développement, auxquelles, en dépit de plusieurs discussions intervenues, il n'a pas été possible de mettre un terme ". Le protocole poursuit en rappelant que, " compte tenu du poste stratégique occupé par Monsieur A... et de la persistance de son opposition, le plaçant dans l'incapacité de relayer efficacement des décisions prises auprès de ses équipes, la Société a été contrainte de le convoquer (...) à un entretien préalable à un éventuel licenciement ".
6. M. A... fait toutefois valoir que le licenciement dont il a fait l'objet est intervenu sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'il l'a exposé dans la position rappelée dans le protocole transactionnel. Il soutient à cet égard que son licenciement n'a été que la conséquence de l'arrivée d'un nouveau directeur général le 18 juillet 2017 et d'une volonté de la part de la nouvelle équipe dirigeante de procéder à une épuration des cadres dirigeants jugés trop proches de l'ancienne, indépendamment de toute faute professionnelle. Il affirme encore qu'il ne peut lui-être reproché d'avoir critiqué la nouvelle stratégie arrêtée pour le groupe dès lors qu'il n'en aurait eu connaissance que par voie de presse en janvier 2018, soit postérieurement à la procédure de licenciement mise en œuvre. Il soutient également avoir été dispensé d'activité dès la convocation à l'entretien préalable dont il a fait l'objet en octobre 2017. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction, au regard de ces seules affirmations étayées uniquement par la production d'articles de presse économique commentant l'arrivée du nouveau directeur général et certains licenciements de cadres dirigeants du groupe Carrefour, et en l'absence d'autres éléments tels que notamment des témoignages, que le licenciement dont M. A... a fait l'objet serait dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que l'indemnité qui lui a été octroyée par son employeur aurait eu pour objet de l'indemniser du préjudice causé par l'absence de caractère réel et sérieux de son licenciement et qu'elle entrerait ainsi dans le champ d'application des dispositions du 1° de l'article 80 duodecies du code général des impôts.
7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense à la requête d'appel de M. A..., que celui-ci n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressé à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- Mme Milon, présidente assesseure,
- M. Dubois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 février 2025.
Le rapporteur,
J. DUBOIS
Le président de chambre,
A. BARTHEZ
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA02747