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13/02/2025 | FRANCE | N°23PA01566

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 13 février 2025, 23PA01566


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 107 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.



Par un jugement n° 2011199 du 16 février 2023, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à Mme C... la somme de 12 000 euros en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2020.



Pro

cédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires enregistrés le 14 avril 2023, le 25 février 2024...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 107 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Par un jugement n° 2011199 du 16 février 2023, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à Mme C... la somme de 12 000 euros en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2020.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 14 avril 2023, le 25 février 2024, le 20 mars 2024 et le 23 septembre 2024, Mme C..., représentée par Me Des Ligneris, demande à la cour :

1°) avant dire droit, de surseoir à statuer dans l'attente de la décision pénale à intervenir et d'enjoindre à la ministre de la culture de communiquer l'enquête administrative et le dossier individuel de M. D... A... ;

2°) à titre principal, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il ne fait pas droit à l'intégralité de sa demande ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 107 000 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il n'examine pas les fautes propres de l'administration invoquées ;

- il est entaché d'une erreur de droit dès lors que la responsabilité de l'Etat doit être engagée pour faute de service sur le fondement de la mauvaise organisation des services, du défaut de surveillance, et sur le fondement de la carence fautive ;

- il est entaché d'une erreur matérielle dans l'exactitude des faits dès lors que la faute propre de l'administration est à l'origine d'un préjudice distinct ;

- l'Etat a commis une faute liée à la mauvaise organisation des services et à un défaut de surveillance ; le comportement de M. A... était connu et l'administration n'a pas pris les précautions que l'on pouvait raisonnablement attendre de sa part ;

- l'Etat a méconnu son obligation de sécurité et de protection de la santé physique et morale des agents ;

- la responsabilité de l'Etat doit être engagée au titre d'une carence fautive ;

- elle a subi un préjudice corporel estimé à 40 000 euros, un préjudice lié aux souffrances physiques de l'empoisonnement estimé à 5 000 euros, un préjudice lié aux souffrances morales estimé à 30 000 euros, un préjudice lié aux troubles dans les conditions d'existence estimé à 15 000 euros, un préjudice lié à l'atteinte à l'honneur estimé à 5 000 euros, un préjudice sexuel estimé à 10 000 euros ainsi qu'un préjudice d'agrément estimé à 2 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 novembre 2023 et le 4 mars 2024, le ministre de la culture, représenté par Me Magnaval, conclut au rejet de la requête de Mme C....

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 14 octobre 2024, par une ordonnance du même jour en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lellig ;

- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Des Ligneris pour Mme C... et de Me Safatian pour la ministre de la culture.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... relève appel du jugement en date du 16 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à lui verser la somme de 12 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des agissements fautifs de M. D... A... dans le cadre de l'exercice de ses fonctions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Les premiers juges ont considéré au paragraphe 4 de leur jugement que la responsabilité de l'Etat devait être engagée, sans qu'il soit besoin d'examiner les fautes propres de l'administration soulevées par Mme C..., lesquelles ne sont à l'origine d'aucun préjudice distinct. Ils ont ainsi suffisamment motivé leur jugement sur ce point, contrairement à ce qui est soutenu. Dès lors, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation du jugement attaqué ne peut qu'être écarté.

4. En second lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Mme C... ne peut donc utilement se prévaloir de ce que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'une erreur de droit et d'une inexactitude matérielle des faits.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le principe de responsabilité :

5. La victime non fautive d'un préjudice causé par l'agent d'une administration peut, dès lors que le comportement de cet agent n'est pas dépourvu de tout lien avec le service, demander au juge administratif de condamner cette administration à réparer intégralement ce préjudice, quand bien même aucune faute ne pourrait-elle être imputée au service et le préjudice serait-il entièrement imputable à la faute personnelle commise par l'agent, laquelle, par sa gravité, devrait être regardée comme détachable du service. Cette dernière circonstance permet seulement à l'administration, ainsi condamnée à assumer les conséquences de cette faute personnelle, d'engager une action récursoire à l'encontre de son agent.

6. Il résulte de l'instruction que M. D... A..., alors fonctionnaire de l'Etat, a organisé au mois de mars ou d'avril 2011, dans le cadre de l'exercice de ses fonctions, un entretien avec Mme C..., qui était stagiaire en alternance au ministère de la culture. Il ressort des procès-verbaux d'audition établis les 7 et 24 juin 2019, et n'est pas contesté, qu'à cette occasion, M. A... a administré à Mme C..., à son insu, un puissant diurétique, la contraignant à interrompre l'entretien afin de se rendre aux toilettes, accompagnée jusqu'à la porte par M. A.... Ce dernier a été mis en examen pour des chefs d'administration de substance nuisible, d'agression sexuelle par personne abusant de l'autorité conférée par sa fonction, d'atteinte à l'intimité de la vie privée par fixation d'image, de violence par une personne chargée de mission de service public et d'infractions à la législation sur les médicaments, pour des faits similaires commis à l'encontre de nombreuses autres victimes féminines. Il est dès lors établi que cet agent a commis une faute dans le cadre de l'exercice de ses fonctions, ouvrant droit à la réparation intégrale des préjudices subis par Mme C....

7. Ainsi que l'ont considéré les premiers juges, la responsabilité de l'Etat est alors engagée, sans qu'il soit besoin d'examiner d'éventuelles fautes propres de l'administration. Si Mme C... soutient que de telles fautes seraient à l'origine de préjudices distincts, elle n'en fait toutefois valoir aucun. La réparation intégrale des préjudices subis par Mme C... du fait du comportement fautif de M. A... dans le cadre de l'exercice de ses fonctions ne suppose dès lors pas de se prononcer sur l'existence d'une faute de service liée à une mauvaise organisation, à un défaut de surveillance, à une carence fautive ou bien encore à une méconnaissance par l'administration de son obligation de sécurité et de protection de la santé physique et morale des agents.

En ce qui concerne les préjudices :

8. L'appréciation du préjudice corporel et des souffrances endurées à hauteur de 1 000 euros, du préjudice moral à hauteur de 10 000 euros, du trouble dans les conditions d'existence et du préjudice d'agrément à hauteur de 1 000 euros, ainsi que l'absence de préjudice sexuel établi doivent être confirmés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 8 à 11 du jugement attaqué.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

9. La capitalisation des intérêts a été demandée le 14 avril 2023. A cette date, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à lui verser une somme de 12 000 euros en réparation des préjudices subis et est seulement fondée à demander la capitalisation des intérêts, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, à la date du 14 avril 2023, puis à chaque échéance annuelle successive.

Sur les frais d'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une somme quelconque au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Les intérêts sur la somme de 12 000 euros que l'Etat a été condamné à verser à Mme C..., échus à la date du 14 avril 2023 seront capitalisés, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, à cette date, puis à chaque échéance annuelle successive, pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement n° 2011199 du 16 février 2023 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et à la ministre de la culture.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Barthez, président de chambre,

- Mme Milon, présidente assesseure,

- Mme Lellig, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 février 2025.

La rapporteure,

W. LELLIG

Le président,

A. BARTHEZ

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA01566


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01566
Date de la décision : 13/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Wendy LELLIG
Rapporteur public ?: Mme DE PHILY
Avocat(s) : DES LIGNERIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-13;23pa01566 ?
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