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12/02/2025 | FRANCE | N°23PA03598

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 12 février 2025, 23PA03598


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la mise en demeure qui lui a été faite le 8 mars 2022 par la maire de Nouméa de raccorder sa maison au réseau public de collecte des eaux usées dans un délai de deux ans, ainsi que la décision implicite de rejet de la demande d'exonération présentée par son époux le 23 mai 2022.



Par un jugement n° 2200406 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Nouvell

e-Calédonie a annulé la décision implicite par laquelle la maire de Nouméa a rejeté le recours gracie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la mise en demeure qui lui a été faite le 8 mars 2022 par la maire de Nouméa de raccorder sa maison au réseau public de collecte des eaux usées dans un délai de deux ans, ainsi que la décision implicite de rejet de la demande d'exonération présentée par son époux le 23 mai 2022.

Par un jugement n° 2200406 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé la décision implicite par laquelle la maire de Nouméa a rejeté le recours gracieux de M. B... et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 août 2023, la commune de Nouméa, représentée par

Me Charlier, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2200406 du 11 mai 2023 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) de mettre à la charge de Mme C... épouse B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que la demande de première instance était irrecevable, aucune décision n'étant intervenue en l'absence de demande d'exonération présentée par l'intéressée ;

- à la supposer existante, la décision contestée n'est pas entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que les difficultés excessives à réaliser le raccordement au réseau public de collecte des eaux usées ne sont pas établies.

La requête a été communiquée à Mme C... épouse B..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

La requête a été communiquée à M. E... et à Mme A... qui n'ont pas produits d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- les lois organiques n° 99-209 et n° 99-210 du 19 mars 1999 relatives à la Nouvelle-Calédonie ;

- le code des communes de la Nouvelle-Calédonie ;

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté du 19 juillet 1960 relatif aux raccordements des immeubles aux égouts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Irène Jasmin-Sverdlin,

- les conclusions de M. Jean-François Gobeill, rapporteur public,

- et les observations de Me Kukuryka substituant Me Charlier pour la commune de Nouméa.

Considérant ce qui suit :

1. Par lettre du 8 mars 2022, la maire de la commune de Nouméa a informé M. B..., propriétaire d'une parcelle située 45, rue du 5 Mai, section Haut-Magenta à Nouméa, qu'il était tenu de procéder au raccordement de sa maison au réseau d'assainissement collectif, dans un délai de deux ans à compter de cette lettre. M. B... ayant présenté, le 23 mai 2022, un recours gracieux à l'encontre de cette décision, en exposant les difficultés excessives d'un tel raccordement et en demandant à être exonéré de cette obligation, la maire de Nouméa lui a répondu, par courrier du 1er juillet 2022, que " la Ville ne pourra se prononcer sur le caractère excessif des contraintes techniques qu'après vous avoir rencontré et étudié avec vous les possibilités et la faisabilité du raccordement de vos eaux usées sur le réseau en place rue du 5 mai ". La commune de Nouméa relève appel du jugement du 11 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé la décision de rejet du recours gracieux présenté par M. B... et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme C... épouse B..., M. B... étant décédé le 9 août 2022.

Sur la régularité du jugement :

2. La commune de Nouméa soutient que la demande de première instance était irrecevable, aucune décision n'étant intervenue en l'absence de demande d'exonération présentée par l'intéressée. Toutefois, le moyen tiré de ce que le tribunal n'a pas relevé l'irrecevabilité de la demande de première instance n'entache pas la régularité du jugement, mais doit être examiné dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, il ressort toutefois des termes mêmes de la lettre adressée le 23 mai 2022 par M. B... à la maire de Nouméa que ce dernier sollicitait l'annulation de la décision l'obligeant à procéder au raccordement de sa maison au réseau collectif d'assainissement et à être exonéré de cette obligation. Il ressort, en outre, des termes de la lettre de la maire de Nouméa en date du 1er juillet 2022 citées au point 1 du présent arrêt, qu'il n'a pas été fait droit aux demandes présentées par M. B.... Par suite, la commune de Nouméa n'est pas fondée à soutenir que la demande de première instance était irrecevable, en l'absence de décision de rejet du recours gracieux présenté par M. B....

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 1331-1 du code de la santé publique : " Le raccordement des immeubles aux réseaux publics de collecte disposés pour recevoir les eaux usées domestiques et établis sous la voie publique à laquelle ces immeubles ont accès soit directement, soit par l'intermédiaire de voies privées ou de servitudes de passage, est obligatoire dans le délai de deux ans à compter de la mise en service du réseau public de collecte. / Un arrêté interministériel détermine les catégories d'immeubles pour lesquelles un arrêté du maire, approuvé par le représentant de l'Etat dans le département, peut accorder soit des prolongations de délais qui ne peuvent excéder une durée de dix ans, soit des exonérations de l'obligation prévue au premier alinéa. (...). ". Selon l'article 1er de l'arrêté du 19 juillet 1960 susvisé : " Peuvent être exonérés de l'obligation de raccordement aux égouts prévue au premier alinéa de l'article 33 [devenu L. 1331-3] du code de la santé publique : (...) 5° Les immeubles difficilement raccordables, dès lors qu'ils sont équipés d'une installation d'assainissement autonome recevant l'ensemble des eaux usées domestiques et conforme aux dispositions de l'arrêté du 3 mars 1982. ".

5. Il résulte des dispositions citées au point précédent que seuls peuvent être regardés comme étant soumis à l'obligation de raccordement, au sens de ces dispositions, les immeubles dont, compte tenu de leur implantation par rapport au réseau public des égouts, le raccordement ne comporte pas de difficultés excessives.

6. La commune de Nouméa soutient que Mme C... épouse B... ne justifie pas de difficultés excessives pour procéder au raccordement de sa propriété au réseau public d'assainissement, dès lors que le coût de l'installation nécessaire est nettement inférieur à celui estimé par l'intéressée, laquelle ne produit pas de devis, que le coût d'entretien d'une telle installation n'est pas supérieur à celui d'un dispositif autonome et que l'installation autonome de Mme C... épouse B... n'est pas conforme à l'arrêté du 7 septembre 2009 qui a abrogé et remplacé l'arrêté du 3 mars 1982.

7. Il ressort des pièces du dossier que la maison de Mme C... épouse B... étant située en contrebas du réseau communal d'assainissement, le raccordement à ce réseau nécessite un relevage des eaux usées.

8. D'une part, la commune de Nouméa soutient que Mme C... épouse B... ne justifie pas de difficultés excessives pour procéder au raccordement de sa propriété au réseau public d'assainissement, dès lors que le coût de l'installation nécessaire est nettement inférieur à celui estimé par l'intéressée sur le seul fondement de devis établis pour le compte de ses voisins, entre 1 500 000 et 3 000 000 de francs Pacifique. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la commune de Nouméa ne produit aucun devis à l'appui de ses affirmations, qu'elle fait principalement référence au coût d'une installation en métropole, sans prise en compte des frais de transport, de douane et d'installation et qu'elle n'a émis aucune préconisation technique sur la réalisation des installations nécessaires. Ainsi, il ressort de ces pièces que le coût estimé par

Mme C... épouse B..., sur la base de devis établis par des voisins dont les propriétés sont situées, comme la sienne, du côté impair de la rue du 5 Mai, pour un dispositif de relevage n'est pas excessif.

9. D'autre part, si la commune de Nouméa fait valoir que le coût d'entretien d'une telle installation n'est pas supérieur à celui d'un dispositif autonome, il ressort des pièces du dossier que ces frais sont estimés par la commune elle-même (page 7 de la requête), s'ils sont réalisés par un professionnel, entre 15 000 et 30 000 francs Pacifique par an. Il ressort des mêmes pièces que la pompe de relevage doit être changée tous les 8 à 10 ans.

10. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'installation autonome de

Mme C... épouse B... ne serait pas conforme à l'arrêté du 7 septembre 2009, qui a abrogé et remplacé l'arrêté du 3 mars 1982 et qu'elle rejetterait dans les eaux de surface, et par conséquent dans la mer, des eaux contenant des matières organiques.

11. Dans ces conditions, la commune de Nouméa n'est pas fondée à soutenir que le raccordement de la maison de Mme C... épouse B... au réseau public séparatif d'assainissement ne présente pas des difficultés excessives et que cette dernière ne peut pas être exonérée de l'obligation de procéder à ce raccordement.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Nouméa n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé la décision de rejet du recours gracieux présenté par M. B....

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme C... épouse B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Nouméa demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Nouméa est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Nouméa et à Mme D... C... épouse B....

Copie en sera adressée à M. E... et à Mme A....

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,

- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 février 2025.

La rapporteure,

I. JASMIN-SVERDLINLe président,

I. LUBEN

La greffière,

C. POVSE

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA03598


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03598
Date de la décision : 12/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Irène JASMIN-SVERDLIN
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : JOANNOPOULOS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-12;23pa03598 ?
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