Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société d'exploitation des commerces établis à la Mosquée de Paris (SECEM) a demandé au tribunal administratif de Paris :
1°) de prononcer la décharge de l'ensemble des impositions, majorations, pénalités et amendes mises à sa charge ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser les intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Par un jugement n° 2004437/1-2 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté ces demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 5 mai 2023, la société SECEM, représentée par Me Roé, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 mars 2023 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses et d'ordonner le paiement des intérêts moratoires ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi que la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que
- en ne répondant pas à sa lettre du 21 novembre 2016, l'administration a méconnu les droits de la défense et n'a pas respecté le caractère contradictoire de la procédure de rectification ;
- sa comptabilité était régulière et probante ;
- la charge correspondant à la facture de la société A... Compagny Ceramica a été engagée dans l'intérêt de l'activité ;
- la taxe sur la valeur ajoutée correspondante est déductible ;
- les primes exceptionnelles versées à M. A... étaient justifiées ;
- elle a produit l'ensemble des justificatifs des dépenses exposées par M. A... dans l'intérêt de son exploitation ;
- les indemnités et avantages ont bien été inclus dans la base brute déclarée à la DADS et il n'y avait pas lieu de les rajouter dans l'assiette de la taxe d'apprentissage et de la participation à la formation professionnelle continue ;
- la contribution spécifique due au titre des contrats à durée déterminée n'était pas due dès lors qu'à l'exception de deux salariés, tous les employés listés par le vérificateur ont obtenu un contrat à durée indéterminée ;
- elle n'a procédé à aucune distribution et les montants imposés entre les mains de M. A... sont erronés ;
- l'application de la pénalité prévue par le a) de l'article 1729 du code général des impôts n'était pas justifiée.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 5 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 6 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- et les conclusions de M. Perroy, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société d'Exploitation des Commerces Etablis à la Mosquée de Paris (SECEM) qui exerce une activité de salon de thé, restaurant, traiteur, hammam et vente de produits alimentaires, cadeaux et articles d'artisanat, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. Par des propositions de rectification du 22 décembre 2016 et du 26 juillet 2017, le service lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, de taxe sur les salaires, de taxes associées aux salaires et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés. La société SECEM relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.
3. Il n'est pas contesté que la vérification s'est déroulée au siège de la société, où huit interventions ont eu lieu, en présence des représentants de l'intéressée, jusqu'au 19 juillet 2017. La société requérante ne démontre pas, ainsi qu'elle en a la charge, avoir été privée d'un débat contradictoire.
4. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que les rectifications litigieuses ont été notifiées à l'intéressée par des propositions de rectification du 22 décembre 2016 et du 26 juillet 2017, et que la société requérante a bénéficié de l'ensemble des garanties attachées à l'emploi de la procédure contradictoire, l'administration fiscale ayant répondu à ses observations les 11 avril et 23 octobre 2017, un entretien avec le supérieur hiérarchique ayant eu lieu le 1er décembre 2017, et la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaire ayant été offerte.
5. La procédure de vérification et la procédure de rectification ayant été menées régulièrement ainsi qu'il a été dit aux points 2. à 4., la circonstance qu'il n'a pas été donné suite au courrier du 21 novembre 2016 par lequel la société a répondu au courrier du 26 octobre 2016 dans lequel le vérificateur a récapitulé les manquements comptables relevés, courrier dont aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait l'envoi au contribuable, n'est pas de nature à faire regarder la procédure d'imposition comme entachée d'irrégularité au motif que l'administration aurait méconnu les droits de la défense ou n'aurait pas respecté le caractère contradictoire de la procédure de rectification.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la comptabilité :
6. Il résulte de l'instruction que le service a constaté que la société SECEM avait procédé pendant toute la période vérifiée à une globalisation mensuelle des recettes. Si elle soutient que les justificatifs des opérations au jour le jour et opération par opération, notamment les bandes de contrôle récapitulant l'intégralité des notes et comportant le détail des articles vendus et de leur prix auraient été conservés et mises à la disposition de l'administration, l'administration fait valoir pour sa part que des documents n'ont été fournis que pour la période courant du 3 juillet au 31 décembre 2013 et que les documents produits n'étaient que partiellement accessibles. La société requérante, qui est seule en mesure de le faire, ne produit devant la Cour aucun élément permettant d'établir que les documents en cause permettaient d'identifier le détail des recettes comptabilisées globalement, d'assurer la permanence du chemin de révision entre les pièces justificatives et la comptabilité, et de réaliser les traitements informatiques envisagés par le service dans sa demande formulée sur le fondement de l'article L. 47 A II du livre des procédures fiscales. Au vu de ces seuls éléments, le service était fondé à écarter la comptabilité de la société SECEM comme non probante, alors même qu'elle aurait été certifiée par un commissaire aux comptes.
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
7. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. (...) Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
8. En premier lieu, la société SECEM soutient que c'est à tort que le service a refusé la déduction de la somme portée sur la facture émise le 5 janvier 2014 par la société A... Company Ceramica. Il résulte de l'instruction que cette facture mentionne l'acquisition de dalles de sol, de revêtement mural et de sacs de colle. Toutefois cette facture est émise par une société qui exerce une activité de commerce de gros d'appareils sanitaires et de produits de décoration et qui est détenue pour moitié par le fils du gérant de la société requérante. La société requérante n'a par ailleurs justifié d'aucun frais de pose, n'établit ni même n'allègue avoir procédé à la rénovation de ses locaux et se borne à indiquer qu'elle réalise des " opérations commerciales " avec la société émettrice de la facture. L'administration doit ainsi être regardée comme justifiant que la charge en cause n'a pas été engagée dans l'intérêt de l'entreprise et était donc fondée à la réintégrer au bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés.
9. En deuxième lieu, la société SECEM conteste la remise en cause par le vérificateur de la déduction de primes exceptionnelles versées au titre des trois années en litige à son gérant M. A... pour des montants de 77 736 euros en 2013, de 4 980 euros en 2014 et de 69 195 euros en 2015. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'administration a constaté que de telles primes n'étaient pas prévues contractuellement, que la société n'avait pas mis en place de système d'intéressement de ses personnels, que l'assemblée générale des associés n'avait pas acté d'allocations complémentaires au gérant sous la forme de primes exceptionnelles et qu'il n'était apporté aucune précision sur les services rendus par l'intéressé justifiant ces primes. Dans ces conditions, en se bornant à se prévaloir, sans apporter le moindre élément à l'appui de son argumentation, de ce que ces primes auraient pu être décidées par un accord oral entre la société et son gérant, et à affirmer que ce dernier est souvent présent dans l'entreprise, y donne des directives et gère le personnel, la société SECEM ne justifie pas de ce que ces primes ont été versées en application d'une obligation lui incombant. Elles ne sauraient par suite être regardées comme déductibles.
10. Enfin, le service a remis en cause la déduction de certaines dépenses, comme des billets d'avion, des frais de restauration et d'hôtel à l'étranger, des achats de vêtements, de médicaments, de produits divers sur internet, de matériel informatique ou des frais de péage dans le sud de la France, pour des montants de 21 626 euros en 2013, de 51 601 euros en 2014 et 64 224 euros en 2015 au motif qu'elles n'avaient pas été engagées dans l'intérêt de la société SECEM. Cette dernière se prévaut du fait que M. A... est amené à voyager régulièrement dans le cadre de ses activités professionnelles notamment en Chine, en Espagne, au
Royaume-Uni ou à Dubaï. Elle indique également que certaines dépenses correspondent à des cadeaux de fidélisation de clients ou fournisseurs, à des frais de représentation ou à la constitution, s'agissant de médicaments, d'une boîte à pharmacie afin de garantir que les premiers secours pourront être donnés aux salariés en cas d'accident. Toutefois, elle ne produit à l'appui de ses affirmations que quelques factures d'achats en Chine de matériel pour le restaurant ou le hammam comme des serviettes, des gants, des assiettes jetables et les factures correspondant aux frais de transport de ces produits. Ces seules factures ne sauraient suffire à justifier que les frais en litige ont bien été engagés dans le cadre des activités de la société et non au bénéfice de son gérant, d'autant que certaines factures d'hôtel concernent la période estivale et mentionnent quatre personnes et que certaines notes de restaurant comprennent des menus enfants.
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
11. Aux termes du 1 du II de l'article 271 du code général des impôts : " Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ".
12. Le service a refusé la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée de 4 258 euros grevant la facture émise le 5 janvier 2014 par la société A... Company Ceramica, Il résulte de ce qui a été dit précédemment que les dépenses figurant sur cette facture n'ont pas été engagées pour les besoins de l'entreprise. Dès lors, la société requérante a déduit à tort la taxe sur la valeur ajoutée les grevant. C'est donc à bon droit que le service lui a notifié les rappels correspondant de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période litigieuse.
En ce qui concerne la taxe d'apprentissage et la contribution à la formation professionnelle continue :
13. Il résulte de l'instruction que la société SECEM ne s'est pas acquittée de la taxe d'apprentissage et de la contribution à la formation professionnelle continue au titre des années 2014 et 2015 et n'a pas déposé les déclarations exigées pour l'établissement de ces impositions. Il résulte également de l'instruction que le service a pris en compte pour l'assiette de la taxe les montants figurant aux comptes 6411 " salaires " et 6414 " indemnités et avantages " tels que figurant dans la comptabilité. La requérante ne produit aucun élément de nature à établir que ces montants seraient erronés. Par suite, en se bornant à affirmer, sans d'ailleurs l'établir, que l'ensemble des indemnités ont été déclarées dans la DADS, la société requérante ne conteste pas valablement les impositions mises à sa charge.
14. En outre, s'agissant de la contribution spécifique due au titre des contrats à durée déterminée, la société SECEM soutient qu'à l'exception de deux salariés, tous ses salariés employés en contrat à durée déterminée ont obtenu un contrat à durée indéterminée à l'issue de leur contrat et que la taxe n'était pas due pour ces derniers. Toutefois, la société n'apporte à l'appui de son moyen aucun document permettent à la Cour d'en apprécier le bien-fondé et la portée.
En ce qui concerne les revenus distribués :
15. Les moyens de la société requérante relatifs à l'existence et au montant de revenus distribués sont sans influence sur le bien-fondé des impositions mises à sa charge.
Sur les pénalités :
16. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".
17. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la société, qui disposait d'une comptabilité ne permettant pas d'identifier le détail des recettes ni d'établir le lien entre les écritures comptables et les pièces justificatives, a déduit des frais non engagés dans l'intérêt de l'exploitation et également procédé à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante. La nature des manquements et leur objet sont de nature à établir que les insuffisances de déclaration procédaient d'un manquement délibéré et, par suite, le bien-fondé des pénalités mises à la charge de la société requérante sur le fondement du a) de l'article 1729 du code général des impôts.
18. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société SECEM est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société SECEM et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction nationale d'enquêtes fiscales.
Délibéré après l'audience du 22 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Bories, présidente,
- M. Magnard, premier conseiller,
- M. Segretain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 février 2025.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLa présidente,
C. BORIES
La greffière,
C. ABDI-OUAMRANE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA01878 2