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04/02/2025 | FRANCE | N°23PA02525

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 04 février 2025, 23PA02525


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association Breizh Sauvetage Côtier a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la Fédération française de sauvetage et de secourisme (FFSS) à lui verser une somme de 701 341,23 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision du 28 septembre 2016 par laquelle la FFSS a refusé de renouveler son affiliation pour la saison sportive 2016 / 2017, assortie des intérêts aux taux légal à compter du 28 octobre 2020, et de leur capi

talisation à compter du 28 octobre 2021.



Par jugement n° 2106450/6-2 du 11 avri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Breizh Sauvetage Côtier a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la Fédération française de sauvetage et de secourisme (FFSS) à lui verser une somme de 701 341,23 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision du 28 septembre 2016 par laquelle la FFSS a refusé de renouveler son affiliation pour la saison sportive 2016 / 2017, assortie des intérêts aux taux légal à compter du 28 octobre 2020, et de leur capitalisation à compter du 28 octobre 2021.

Par jugement n° 2106450/6-2 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a condamné la FFSS à verser à l'association Breizh Sauvetage Côtier la somme de 9 230 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2020, date de réception de sa demande préalable, les intérêts échus le 29 octobre 2021 étant capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts à compter de cette date, et a mis à la charge de la FFSS la somme de 2 000 euros à verser à l'association Breizh Sauvetage Côtier au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 juin 2023, l'association Breizh Sauvetage Côtier, représentée par Me Gey, demande à la cour :

1°) de condamner la FFSS au versement de la somme de 701 341,23 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision du 28 septembre 2016 par laquelle elle a refusé de renouveler son affiliation pour la saison sportive 2016 / 2017, avec intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande indemnitaire préalable, soit à compter du 28 octobre 2020 et capitalisation des intérêts échus le 28 octobre 2021 ;

2°) de réformer en conséquence le jugement du 11 avril 2023 du tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de la FFSS la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 28 septembre 2016 par laquelle la FFSS lui a refusé le renouvellement de son affiliation pour l'année 2016 / 2017 était illégale, ainsi que l'ont jugé le tribunal administratif de Paris puis la cour dans un jugement n° 1910473/6-1 du 29 novembre 2019 et un arrêt n° 20PA00240 du 10 juillet 2020, devenus définitifs ; la FFSS a commis une faute de nature à lui ouvrir droit à l'indemnisation des préjudices causés par cette illégalité ;

- elle est fondée à demander le versement de la somme totale de 601 341,23 euros au titre de son préjudice financier et de 100 000 euros au titre de son préjudice moral et d'image.

Par un mémoire en défense et en appel incident enregistré le 10 août 2023, la Fédération française de sauvetage de secourisme, représentée par Me Demidoff, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 avril 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de l'association Breizh Sauvetage Côtier et ses conclusions d'appel ;

3°) à titre subsidiaire de ramener à de plus justes proportions l'indemnité au paiement de laquelle elle a été condamnée par le tribunal administratif de Paris au titre du préjudice moral de l'association Breizh Sauvetage Côtier ;

4°) de mettre à la charge de l'association Breizh Sauvetage Côtier la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l'association Breizh sauvetage côtier ne justifie pas du bien-fondé des sommes qu'elle demande.

Par un courrier du 7 janvier 2025, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour statuer sur un litige indemnitaire né à la suite d'une décision d'exclusion qui, n'ayant pas été exercée en application d'une prérogative de puissance publique que la fédération tire de ses attributions de délégataire d'un service public administratif, concerne le fonctionnement interne d'une association de droit privé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code du sport ;

- le décret n° 91-834 du 30 août 1991 ;

- l'arrêté du 8 juillet 1992 relatif aux conditions d'habilitation ou d'agrément pour les formations aux premiers secours ;

- la loi du 24 mai 1872 relative au Tribunal des conflits ;

- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Breizh Sauvetage Côtier était affiliée à la Fédération française de sauvetage et de secourisme (FFSS), laquelle relève de la tutelle du ministère de l'intérieur pour ce qui concerne la sécurité civile et de la tutelle du ministère chargé des sports pour ce qui concerne la discipline du sauvetage sportif. Par deux courriers du 23 juin 2016, le président fédéral de la FFSS a demandé au président de l'association Breizh Sauvetage Côtier des explications concernant, d'une part, trois formations (" Prévention et secours civiques ") dispensées à Rennes les 13 et 14 juin 2016, et, d'autre part, la surveillance d'une baignade réalisée sur la base des étangs d'Apigné au profit de la ville de Rennes les 25 et 26 juin 2016 par un mineur. Par une lettre recommandée avec accusé de réception du 8 juillet 2016, le président fédéral de la FFSS a informé le président de l'association Breizh Sauvetage Côtier qu'il était resté sans réponse de sa part et, en conséquence, lui a confirmé la suspension à titre conservatoire de l'agrément donné à l'association lui permettant d'effectuer des formations. Par un courrier du 13 septembre 2016, le président fédéral de la FFSS a indiqué au président de l'association Breizh Sauvetage Côtier qu'un calendrier complet de formations apparaissait sur le site Internet de l'association et l'a invité " à la plus grande prudence en respectant scrupuleusement cette mesure conservatoire. ". Le 23 septembre 2016, un huissier de justice a constaté que le site Internet de l'association Breizh Sauvetage Côtier faisait référence sur plusieurs pages à la FFSS et présentait un planning de formation initiale PSCI avec dix-sept dates correspondant à des formations devant se dérouler du 24 septembre 2016 au 1er juillet 2017 au siège social de l'association. Par une décision du 28 septembre 2016, notifiée le lendemain, le président fédéral de la FFSS, après avoir rappelé que l'association Breizh Sauvetage Côtier avait organisé trois formations au secourisme, les 13 et 14 juin 2016, non pas à Rennes (Ille-et-Vilaine), comme elle l'avait faussement déclaré dans les procès-verbaux transmis au siège national, mais à Saint-Brieuc (Côtes d'Armor), alors que son agrément lui permettant d'effectuer des formations était limité au territoire de l'Ille-et-Vilaine, que cet agrément avait ainsi été suspendu à titre conservatoire, qu'il avait toutefois été constaté sur le site Internet de l'association qu'un calendrier complet de formations en sauvetage et en secourisme était proposé, et qu'une lettre de mise en garde lui avait été adressée le 13 septembre 2016 sans que l'association n'en tienne compte, comme il avait été constaté par huissier le 23 septembre 2016, a indiqué au président de l'association Breizh Sauvetage Côtier qu'en conséquence le comité directeur s'était prononcé pour le non renouvellement de l'affiliation de l'association pour la saison 2016 / 2017, et lui a demandé de faire disparaître de son site Internet et de tous les supports de communication toute référence à la FFSS avant le 1er octobre 2016. Le président de l'association Breizh Sauvetage Côtier a introduit, par un courrier électronique du 13 octobre 2016, une demande de conciliation auprès du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) sur le fondement des articles L. 141-4 et R. 141-5 du code du sport. Une proposition de conciliation a été présentée le 12 décembre 2016 qui tendait à ce que la FFSS rapporte sa décision et procède au renouvellement de l'affiliation de l'association pour la saison 2016 / 2017. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 décembre 2016, la FFSS a informé le CNOSF et l'association Breizh Sauvetage Côtier de son opposition à cette proposition de conciliation. En conséquence, la décision du président fédéral de la FFSS du 28 septembre 2016 est redevenue exécutoire, en application des dispositions de l'article R. 141-6 du code du sport. Par un jugement n° 1910473/6-1 du 29 novembre 2019 confirmé par l'arrêt n°20PA00240 du 10 juillet 2020 de la cour, le tribunal administratif de Paris a annulé pour vice de procédure la décision du 28 septembre 2016, confirmée le 15 décembre 2016 après saisine du Comité national olympique et sportif français, par laquelle le président de la FFSS a prononcé le non renouvellement de l'affiliation de l'association Breizh Sauvetage Côtier pour la saison 2016/2017 au motif que la méconnaissance de la procédure disciplinaire préalable à l'édiction de la sanction de radiation litigieuse a privé l'association Breizh Sauvetage Côtier d'une garantie.

2. Par jugement n° 2106450/6-2 du 11 avril 2023, dont l'association Breizh Sauvetage Côtier relève appel en tant qu'il n'a pas été fait droit à l'ensemble de ses prétentions indemnitaires et dont la FFSS relève appel par la voie d'appel incident, le tribunal administratif de Paris a condamné la FFSS à verser à l'association Breizh sauvetage côtier la somme de 9 230 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2020, date de réception de sa demande préalable et avec capitalisation des intérêts échus le 29 octobre 2021, et a mis à la charge de la FFSS la somme de 2 000 euros à verser à l'association Breizh sauvetage côtier au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

3. La FFSS est une association reconnue d'utilité publique, regroupant diverses associations, ayant pour objet, selon l'article 1er de ses statuts, " l'organisation et la promotion du sauvetage, du secourisme, des missions de sécurité civile, moyen d'éducation et de culture, moyen d'intégration et de participation à la vie sociale et citoyenne ". En application de l'article 9 de ses statuts, elle est constituée d'associations déclarées et peut confier l'exécution d'une partie de ses missions à des ligues régionales ou comités départementaux, Dans ce cadre, à la date de la décision de non-renouvellement de son affiliation, le 28 septembre 2016, l'association Breizh Sauvetage Côtier bénéficiait de l'agrément de sécurité civile accordé à la FFSS, conformément aux articles L. 725-1, R. 725-1 et R. 725-2 du code de la sécurité intérieure, par arrêté du ministre de l'intérieur du 12 novembre 2015, ainsi que de l'agrément pour assurer des formations aux premiers secours, conformément aux dispositions alors en vigueur du décret du 30 août 1991 relatif la formation aux premiers secours et de l'arrêté du 8 juillet 1992 relatif aux conditions d'habitation ou d'agrément pour les formations aux premiers secours, accordé au comité départemental de la FFSS d'Ille-et-Vilaine par arrêté préfectoral du 3 avril 2016 (depuis le 1er avril 2014, une habilitation est prévue aux articles R. 726-4 et R. 726-10 du code de la sécurité intérieure). La FFSS constitue en outre une fédération sportive qui a reçu délégation pour l'organisation des compétitions de secourisme sportif en vertu de l'article L. 131-14 du code du sport, et ses adhérentes, dont l'association Breizh Sauvetage Côtier, sont des associations sportives au sens de l'article L. 121-1 du même code.

4. La décision du 28 septembre 2016 par laquelle la FFSS a refusé à l'association Breizh Sauvetage Côtier le renouvellement de son affiliation pour l'année 2016 / 2017 a été prise pour des manquements reprochés à l'association dans le cadre de ses missions de formation et, dans une moindre mesure, de sécurité civile. En tant que telle, elle pourrait être regardée comme relevant seulement du fonctionnement interne d'une personne de droit privé et donc de la compétence du juge judiciaire (voir pour un exemple cité par les parties, s'agissant d'une association membre de la FFSS mais qui n'exerçait que des missions de sécurité civile et de formation, Cour d'appel de Paris, RG n° 19/16490). Toutefois, elle a pour effet d'empêcher l'association de participer aux compétitions sportives en tant qu'association sportive. Elle pourrait ainsi, au moins dans cette mesure, être considérée comme portant sur l'accès de l'association au service public géré par la fédération, et non sur le fonctionnement interne de celle-ci, de sorte qu'elle relèverait de l'exercice de prérogatives de puissance publique conférées à cette fédération pour assurer sa mission de service public et de la compétence du juge administratif (voir CE, 29 juillet 1994, Association sportive roannaise, n° 152967, T. pp. 1206-1207 ; 9 octobre 2019, Fédération calédonienne de football, n° 421367, T. pp. 641-589-1043).

5. L'article 35 du décret du 27 février 2015 dispose que : " Lorsqu'une juridiction est saisie d'un litige qui présente à juger, soit sur l'action introduite, soit sur une exception, une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse et mettant en jeu la séparation des ordres de juridiction, elle peut, par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur cette question de compétence ".

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le litige né de l'action de l'association Breizh Sauvetage Côtier présente à juger une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse et de nature à justifier le recours à la procédure prévue par l'article 35 du décret du 27 février 2015. Par suite, il y a lieu de renvoyer au Tribunal des conflits la question de savoir si l'action introduite par l'association Breizh Sauvetage Côtier relève ou non de la compétence de la juridiction administrative et de surseoir à toute procédure jusqu'à la décision de ce tribunal.

DÉCIDE :

Article 1er : L'affaire est renvoyée au Tribunal des conflits.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de l'association Breizh Sauvetage Côtier jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir si le litige né de l'action de cette association relève ou non de la compétence de la juridiction administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Breizh Sauvetage Côtier et à la Fédération française de sauvetage et de secourisme.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Jayer, première conseillère,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2025.

La rapporteure,

A. Collet La présidente,

C. Vrignon-Villalba

Le greffier

P. Tisserand

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

2

N° 23PA02525


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02525
Date de la décision : 04/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SELARL EFFICIA

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-04;23pa02525 ?
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