Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association " Beth Menahem Petite Enfance " a demandé au tribunal administratif de Melun, sous le n° 208492, d'annuler les décisions implicites des 3 mai 2020, née du silence gardé pendant deux mois à la suite du courrier du 3 mars 2020, 7 juin 2020, née du silence gardé à la suite du courrier du 7 avril 2020, 11 septembre 2020, né du silence gardé à la suite du courrier du 10 juillet 2020, ainsi que la décision du 29 avril 2020, par lesquelles la caisse d'allocations familiales (CAF) du Val-de-Marne a refusé de lui accorder le conventionnement au titre de la prestation de service unique et, sous le n° 2208241, d'annuler la décision du 27 juin 2022 par laquelle la CAF du Val-de-Marne a refusé de lui accorder le conventionnement au titre de la prestation de service unique.
Par un jugement n° 2008492, 2208241 du 22 décembre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté la première de ces deux demandes et a donné acte du désistement de l'association de sa seconde demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 février 2023, l'association " Beth Menahem Petite Enfance ", représentée par Me Salen, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 22 décembre 2022 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de faire droit à ses demandes d'annulation ;
3°) d'enjoindre à la CAF du Val-de-Marne de la conventionner au titre de A... dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de la CAF du Val-de-Marne la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- il résulte de la jurisprudence du Tribunal des Conflits que la juridiction administrative est matériellement compétente pour connaître d'un litige relatif à un refus de conventionnement au titre de A... ;
- faute pour le litige de relever des dispositions du 1° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, le jugement est susceptible d'appel ;
- des décisions implicites lui faisant grief sont nées du silence gardé par la CAF du Val-de-Marne sur ses courriers des 3 mars, 7 avril et 10 juillet 2020 ; elle est, par suite, recevable à en contester la régularité ;
- la décision explicite de la CAF du Val-de-Marne du 29 avril 2020 lui demandant des pièces complémentaires doit être regardée comme portant refus de lui accorder le conventionnement sollicité ; elle est dès lors également susceptible de recours ;
- le jugement est irrégulier en ce qu'il a prononcé, à tort, son désistement dans l'instance n° 2208241 dès lors que, d'une part, la date de clôture de l'instruction a été fixée avant l'expiration du délai d'un mois fixé par l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative dans lequel elle devait maintenir sa requête au fond après le rejet de la procédure de référé-suspension et, d'autre part, qu'elle a produit un mémoire en réplique dans la seconde instance qui valait maintien de sa requête ;
- en exigeant la production de documents non prévus par les textes, la CAF du Val-de-Marne a entaché ses décisions d'erreur de droit et a porté atteinte à la liberté d'association ;
- en exigeant la production d'informations contenant des données à caractère personnel des familles et de personnes morales tierces, elle a méconnu le règlement général sur la protection des données et le droit au respect de la vie privée de ses membres ;
- le refus de conventionnement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il revêt un caractère discriminatoire au regard de l'appartenance confessionnelle de ses adhérents ;
- il est constitutif d'un détournement de pouvoir.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 mai, 19 juin et 11 septembre 2023, la CAF du Val-de-Marne, représentée par Me Thoumazeau, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de l'association " Beth Menahem Petite Enfance " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Par ordonnance du 18 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée 6 novembre 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jayer,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lecocq, avocat de la CAF du Val-de-Marne.
Considérant ce qui suit :
1. L'association " Beth Menahem Petite Enfance ", dont l'objet est notamment de créer et de gérer des établissements d'accueils de jeunes enfants, tels que des crèches, est gestionnaire de deux établissements à Fontenay-sous-Bois. Au cours de l'année 2019, elle a sollicité auprès de la caisse d'allocations familiales (CAF) du Val-de-Marne la conclusion d'une convention d'objectif et de financement, afin de bénéficier de la prestation de service unique (PSU). Estimant que des décisions implicites de refus étaient nées du silence gardé par celle-ci sur ses courriers des 3 mars, 7 avril et 10 juillet 2020 et que cet organisme lui avait opposé un refus explicite dans sa décision du 29 avril 2020, par une première demande devant le tribunal administratif de Melun, elle en a sollicité l'annulation. Par une seconde demande, elle a également demandé l'annulation de la décision de la CAF du Val-de-Marne du 27 juin 2022 refusant explicitement son conventionnement au titre de A.... L'association relève appel du jugement du 22 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun, après avoir joint ses deux demandes, a rejeté la première et lui a donné acte de son désistement de la seconde.
Sur la régularité du jugement attaqué :
En ce qui concerne le désistement d'office prononcé dans le dossier n° 2208241 :
2. Aux termes de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative : " En cas de rejet d'une demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 au motif qu'il n'est pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, il appartient au requérant (...) de confirmer le maintien de sa requête à fin d'annulation (...) dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce rejet. A défaut, le requérant est réputé s'être désisté (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour ne pas être réputé s'être désisté de sa requête à fin d'annulation ou de réformation, le requérant qui a présenté une demande de suspension sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit, si cette demande est rejetée au motif qu'il n'est pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, confirmer, par un écrit dénué d'ambiguïté, le maintien de sa requête à fin d'annulation ou de réformation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance du juge des référés, sous réserve que cette notification l'informe de cette obligation et de ses conséquences.
3. En vertu de l'article R. 522-12 du code de justice administrative, applicable aux procédures de référés urgents, " l'ordonnance est notifiée sans délai et par tous moyens aux parties. ". L'application de ces dispositions implique nécessairement que l'ordonnance du juge statuant en référé ait bien été adressée au requérant lui-même, son avocat ne recevant qu'une copie, pour information, des décisions de justice.
4. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance que l'ordonnance de référé susvisée du 7 octobre 2022, qui a rejeté le recours présenté par l'association requérante sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative tendant à la suspension de l'exécution de la décision du 27 juin 2022 du directeur de la CAF du Val-de-Marne, faute d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse, aurait été régulièrement notifiée à cette dernière, accompagnée d'un courrier mentionnant expressément, qu'à défaut de confirmation du maintien de sa requête dans le délai d'un mois, celle-ci serait réputée s'être désistée. C'est en conséquence à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a estimé qu'il y avait lieu de donner acte du désistement d'office de l'association " Beth Menahem Petite Enfance ", en application de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative, à défaut de confirmation du maintien de sa requête dans le délai d'un mois suivant la notification de l'ordonnance. Par suite, l'article 1er du jugement du 22 juin 2022 du tribunal administratif de Melun doit être annulé.
En ce qui concerne la recevabilité de la demande dans le dossier n° 2008492 :
5. D'une part, aux termes de l'article L. 110-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Sont considérées comme des demandes au sens du présent code les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressés à l'administration " et aux termes du 1er alinéa de l'article L. 114-5 du même code : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations. ". Aux termes de l'article L. 231-1 dudit code : " Le silence gardé pendant deux mois par l'administration sur une demande vaut décision d'acceptation. ". L'article L. 231-4 poursuit : " Par dérogation à l'article L. 231-1, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : / (...) 2° Lorsque la demande (...) présente le caractère d'une réclamation ou d'un recours administratif ". Ces dispositions imposent à l'administration, à peine d'illégalité de sa décision, d'indiquer au demandeur, lorsque sa demande est incomplète, les pièces ou informations manquantes dont la production est requise par un texte pour permettre l'instruction de sa demande, le délai dans lequel il lui appartient de les produire et que le délai au terme duquel intervient une décision implicite de rejet est suspendu. La période de suspension prend fin, de plein droit, dès réception des pièces demandées et, au plus tard, à l'expiration du délai fixé par l'administration pour les produire.
6. D'autre part, si le silence gardé par l'administration fait naître une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement se substitue à cette première décision. Il en résulte que les conclusions à fin d'annulation de la première décision implicite de rejet doivent être regardées par le juge de l'annulation comme dirigées contre la seconde décision, explicite, qui confirme ce rejet.
7. Il ressort de leur examen que les courriers des 3 mars et 10 juillet 2020 de l'association requérante, portant sur sa politique de mécénat et communiquant à la CAF du Val-de-Marne des informations demandées par celle-ci, ne sauraient être regardés comme des demandes au sens des dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration, de sorte qu'aucune décision implicite de refus n'a pu naître de ces échanges.
8. Dans son courriel du 7 avril 2020 reçu par la CAF du Val-de-Marne le 29 avril suivant, l'association réclame en revanche expressément à cette dernière de prendre une décision à sa demande de conventionnement. Si, en réponse, la caisse lui a demandé de produire des pièces qu'elle estimait utiles à l'instruction du dossier, elle ne lui indique toutefois ni la durée du délai accordé pour les lui adresser ni les conditions dans lesquelles une décision implicite de refus est susceptible de naître.
9. Il en résulte que la demande de conventionnement de l'association " Beth Menahem Petite Enfance " du 7 avril 2020 a fait l'objet d'une décision implicite de refus née le 29 juin 2020, dont celle-ci pouvait valablement demander l'annulation au juge de l'excès de pouvoir. S'y est toutefois substituée, conformément à ce qui a été dit au point 6, la décision explicite du 27 juin 2022 du directeur de la CAF du Val-de-Marne portant refus de signature d'une convention avec l'association au titre de A..., par ailleurs contestée dans l'instance n°2208241, et contre laquelle la demande n° 2008492 doit donc être regardé comme étant également dirigée. Par suite, l'association " Beth Menahem Petite Enfance " est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté cette demande comme irrecevable. Dès lors, et dans cette mesure, l'article 2 du jugement du 22 juin 2022 du tribunal administratif de Melun doit être annulé
10. Il y a lieu pour la cour de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par l'association " Beth Menahem Petite Enfance " tendant à l'annulation de la décision du 27 juin 2022 portant refus de signature d'une convention avec l'association au titre de A....
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 27 juin 2022 :
En ce qui concerne la légalité externe :
11. En premier lieu, la décision du 27 juin 2022 a été signée par le directeur de la CAF du Val-de-Marne lui-même. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit être écarté.
12. En second lieu, aux termes de l'article L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, dans sa rédaction applicable au litige : " Les organismes de sécurité sociale (...) doivent faire connaître les motifs des décisions individuelles par lesquelles ils refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir. L'obligation de motivation s'étend aux décisions par lesquelles les organismes (...) refusent l'attribution d'aides ou de subventions dans le cadre de leur action sanitaire et sociale ".
13. La décision contestée, qui vise la circulaire n° 2014-009 du 26 mars 2014 du directeur général de la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) relative à la prestation de service unique ainsi que les dispositions de l'article R. 262-8 du code de la sécurité sociale, et précise que l'association n'a pas mis l'organisme en mesure d'apprécier suffisamment la viabilité de ses équipements au regard d'autres équipements de même nature dans le cadre d'un financement par mécénat et non par commercialisation des berceaux d'entreprises, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté comme manquant en fait.
En ce qui concerne la légalité interne :
14. Afin de faciliter l'accès des familles, notamment les plus modestes, aux services de garde d'enfants, la CNAF, dans le cadre de sa mission d'action sanitaire et sociale, a mis en place une subvention au fonctionnement des établissements et services d'accueil de jeunes enfants, dénommée " prestation de service unique ", dont les conditions d'octroi ont été définies, en dernier lieu, par la circulaire n° 2014-009 du 26 mars 2014. Cette subvention est versée par les caisses, sous réserve de leur pouvoir d'appréciation, aux personnes morales de droit public ou privé qui assurent la gestion de tels établissements ou services, ont conclu avec elle une " convention d'objectifs et de financement " et respectent les conditions, notamment de tarification de leurs prestations, fixées par la circulaire. Même si son montant dépend des services rendus aux enfants et des ressources dont disposent leurs parents, A... ne constitue pas un droit conféré par les législations et réglementations de sécurité sociale, mais une subvention. Il appartient, par suite, à une CAF de décider d'attribuer ou non la subvention, dans la limite de ses ressources budgétaires, en tenant compte de l'intérêt et de la qualité du projet d'établissement sur le plan éducatif et social, ainsi que de l'intérêt des autres projets pour lesquels la même subvention a été sollicitée. A cet effet, la circulaire susvisée du 26 mars 2014 prévoit qu'une liste de documents doit être transmise à la caisse par l'établissement candidat à la prestation et indique également que celle-ci doit vérifier, au sein du règlement de fonctionnement et du projet d'établissement, de nombreuses modalités et conditions. Elle précise, enfin, que ces documents doivent indiquer la place des familles et leur participation à la vie de l'établissement. La circulaire n° 5811/SG du 29 septembre 2015 relative aux nouvelles relations entre les pouvoirs publics et les associations prévoit par ailleurs, en son annexe quatre, les modalités d'instruction des demandes de subvention. Elle précise notamment que : " (...) Il convient, chaque fois que possible, de procéder à un prompt examen du projet de l'association, afin de vérifier en premier lieu sa cohérence avec la politique d'intervention que l'autorité publique saisie s'est fixée et, en second lieu, son éligibilité au vu de critères légaux ainsi que, le cas échéant, d'autres critères dont la publicité a été assurée. (...) l'autorité administrative qui accuse réception de la demande fait connaître à l'association les informations ou données qui sont nécessaires à l'instruction de sa demande et qu'elle n'a pas ou ne peut se procurer directement auprès d'autres autorités administratives françaises. (...) L'instruction des demandes de subvention permet d'effectuer les vérifications nécessaires à la garantie d'une bonne utilisation des crédits d'intervention. Une subvention peut être versée même en l'absence de texte législatif ou réglementaire particulier. (...) ".
15. Par ailleurs, aux termes de l'article 6 du règlement général sur la protection des données : " 1. Le traitement n'est licite que si, et dans la mesure où, au moins une des conditions suivantes est remplie : (...) / e) le traitement est nécessaire à l'exécution d'une mission d'intérêt public ou relevant de l'exercice de l'autorité publique dont est investi le responsable du traitement ; (...) / 3. Le fondement du traitement visé au paragraphe 1, points c) et e), est défini par : / a) le droit de l'Union ; ou / b) le droit de l'État membre auquel le responsable du traitement est soumis. / Les finalités du traitement sont définies dans cette base juridique ou, en ce qui concerne le traitement visé au paragraphe 1, point e), sont nécessaires à l'exécution d'une mission d'intérêt public ou relevant de l'exercice de l'autorité publique dont est investi le responsable du traitement. (...) / 4. Lorsque le traitement à une fin autre que celle pour laquelle les données ont été collectées n'est pas fondé sur le consentement de la personne concernée ou sur le droit de l'Union ou le droit d'un État membre qui constitue une mesure nécessaire et proportionnée dans une société démocratique pour garantir les objectifs visés à l'article 23, paragraphe 1, le responsable du traitement, afin de déterminer si le traitement à une autre fin est compatible avec la finalité pour laquelle les données à caractère personnel ont été initialement collectées, tient compte, entre autres: / a) de l'existence éventuelle d'un lien entre les finalités pour lesquelles les données à caractère personnel ont été collectées et les finalités du traitement ultérieur envisagé; / b) du contexte dans lequel les données à caractère personnel ont été collectées, en particulier en ce qui concerne la relation entre les personnes concernées et le responsable du traitement; / c) de la nature des données à caractère personnel, en particulier si le traitement porte sur des catégories particulières de données à caractère personnel, en vertu de l'article 9, ou si des données à caractère personnel relatives à des condamnations pénales et à des infractions sont traitées, en vertu de l'article 10; / d) des conséquences possibles du traitement ultérieur envisagé pour les personnes concernées; / e) de l'existence de garanties appropriées, qui peuvent comprendre le chiffrement ou la pseudonymisation. ". Selon l'article 9 du règlement : " 1. Le traitement des données à caractère personnel qui révèle l'origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l'appartenance syndicale, ainsi que le traitement des données génétiques, des données biométriques aux fins d'identifier une personne physique de manière unique, des données concernant la santé ou des données concernant la vie sexuelle ou l'orientation sexuelle d'une personne physique sont interdits. (...) / 2. Le paragraphe 1 ne s'applique pas si l'une des conditions suivantes est remplie : (...) b) le traitement est nécessaire aux fins de l'exécution des obligations et de l'exercice des droits propres au responsable du traitement ou à la personne concernée en matière (...) de la sécurité sociale et de la protection sociale, dans la mesure où ce traitement est autorisé par le droit de l'Union, par le droit d'un État membre ou par une convention collective conclue en vertu du droit d'un État membre qui prévoit des garanties appropriées pour les droits fondamentaux et les intérêts de la personne concernée ; (...) ".
16. Enfin, par un acte réglementaire-cadre modifié du 13 octobre 1998 relatif aux fonctionnalités potentielles du traitement automatisé de gestion de l'action sociale, publié sur son site Internet, le conseil d'administration de la CNAF a créé, dans les CAF, un traitement automatisé de gestion de fonds au titre des activités d'action sociale. Ce traitement porte, notamment, sur la gestion des financements accordés à des organismes extérieurs, en particulier l'examen des demandes de subvention. L'article 4 de l'acte réglementaire précise que le traitement est composé d'une base de données des bénéficiaires des différentes interventions d'action sociale et de fichiers spécifiques comportant les catégories d'informations nominatives qui y sont énumérées, notamment, s'agissant des aides financières collectives, les informations suivantes : activité, situation financière, identité et régime d'appartenance des usagers ouvrant droit à la prestation de service, temps de présence, montant, attributaire, libellé, adresse, identité bancaire. Enfin, l'acte réglementaire-cadre prévoit la mise en œuvre des garanties prévues par le règlement général sur la protection des données et la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, bénéficiant aux personnes dont les données personnelles font l'objet d'un traitement, en particulier les personnes habilitées à traiter ces informations, le délai maximal de conservation, ou encore le droit d'accès ou d'opposition.
17. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, pour l'instruction de la demande de conventionnement litigieuse, la CAF du Val-de-Marne a sollicité de l'association la production de différentes informations, dont certaines relèvent de données à caractère personnel, permettant l'identification des familles et de personnes morales tierces, en relation avec les crèches à sa charge. Il n'est pas sérieusement contesté que la communication à la CAF de ces données personnelles est nécessaire pour que celle-ci puisse apprécier, dans un premier temps, si l'association requérante est éligible à un conventionnement PSU et, dans un deuxième temps, l'opportunité de ce conventionnement, compte de l'intérêt et de la qualité du projet d'établissement sur le plan éducatif et social, et s'assurer ainsi, dans le cadre de la mission qui est la sienne au titre de l'action sociale, de la bonne utilisation des fonds publics. La circonstance que certaines des informations sollicitées ne sont pas expressément visées par la circulaire n° 2014-009 du 26 mars 2014 ne faisait pas par elle-même obstacle à une telle demande. Eu égard à son objet, celle-ci ne méconnait pas la liberté d'association et la liberté de financement des associations.
18. En deuxième lieu, l'association requérante ne précise pas en quoi la transmission à la CAF et le traitement par celle-ci des données personnelles relatives aux familles et aux mécènes, dans les conditions précitées, porteraient une atteinte à la vie privée de ses adhérents justifiant un refus de communication. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions relatives à la protection des données à caractère personnel et du droit de mener une vie privée et familiale doivent être écartés.
19. En troisième lieu, ainsi que rappelé au point 14 du présent arrêt, A... ne constitue pas un droit. En l'absence de communication de pièces réclamées et dans un contexte de signalement à la CAF du Val-de-Marne de surfacturation appliquée par des structures d'accueil d'enfants -quand bien même seraient-elles distinctes de celles relevant de l'association requérante-, il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur de la caisse, qui disposait d'un large pouvoir d'appréciation, ait entaché sa décision de refus d'une erreur manifeste d'appréciation.
20. En quatrième lieu, le juge, lors de la contestation d'une décision dont il est soutenu qu'elle serait empreinte de discrimination, doit attendre du requérant qui s'estime lésé par une telle mesure qu'il lui soumette des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte au principe de l'égalité de traitement des personnes. Il incombe alors au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
21. En se bornant à se prévaloir, principalement, de la situation d'autres structures associatives en relation avec la CAF du Val-de-Marne ainsi que de faits qui se sont déroulés au cours de l'année 2002 et 2003 révélant selon elle des contrôles erronés de la caisse sur des éléments comptables de ces structures, l'association requérante ne fait état d'aucun élément de fait suffisamment étayé, susceptible de faire présumer de l'existence d'une situation discriminatoire. Par suite, le moyen tiré d'une telle discrimination doit être écarté.
22. En cinquième lieu, et pour les mêmes motifs que ceux retenus au point précédent, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
23. Il résulte de tout ce qui précède que l'association " Beth Menahem Petite Enfance " n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 27 juin 2022 du directeur de la CAF du Val-de-Marne.
Sur les frais d'instance :
24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la CAF du Val-de-Marne, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'association Beth Menahem demande au titre des frais de l'instance. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association le versement de la somme que la CAF demande sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 2008492, 2208241 du tribunal administratif de Melun du 22 décembre 2022 et son article 2, en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre la décision du 27 juin 2022 qui s'est substituée au rejet implicite de la demande du 7 avril 2020, sont annulés.
Article 2 : Les demandes présentées par l'association " Beth Menahem Petite Enfance " devant le tribunal administratif de Melun, tendant à l'annulation de la décision du 27 juin 2022, et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la caisse d'allocations familiales du Val-de-Marne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des dépens sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Beth Menahem Petite Enfance " et à la caisse d'allocations familiales du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Jayer, première conseillère,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2025.
La rapporteure,
M-D. Jayer La présidente,
C. Vrignon-Villalba
Le greffier,
P. Tisserand
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA00673