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31/01/2025 | FRANCE | N°24PA00531

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 31 janvier 2025, 24PA00531


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours, en fixant le pays de destination, et a prononcé à son encontre une interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2300084 du 4 janvier 2024,

le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours, en fixant le pays de destination, et a prononcé à son encontre une interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2300084 du 4 janvier 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 février 2024 et le 13 mai 2024,

M. D..., représenté par Me Berdugo, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement est entaché d'un défaut de motivation en ce que les premiers juges n'indiquent pas les éléments sur lesquels ils se fondent pour considérer que sa présence en France constitue une menace à l'ordre public, alors que la mention le concernant au fichier du traitement des antécédents judiciaires (TAJ), dont il ne pouvait nier l'inscription dès lors qu'il n'a pas accès à ce fichier, n'est pas de nature à établir une telle menace et que son moyen tiré de l'erreur de fait visait en réalité à contester la matérialité et l'imputabilité des faits qui lui étaient reprochés ;

- le jugement est entaché d'une dénaturation des faits en ce que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il a bien contesté, au-delà de la simple inscription des faits au TAJ, la matérialité et l'imputabilité des faits qui lui sont reprochés ;

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'un vice de procédure en ce que, d'une part, le préfet n'a pas saisi le procureur de la République, en application du 5° de l'article 40-29 du code de procédure pénale, pour complément d'information, alors que la consultation du fichier TAJ a révélé que son identité avait été enregistrée en tant que personne mise en cause et, d'autre part, en ce qu'il conteste la matérialité des faits qui lui sont reprochés ;

- la consultation du procureur aurait permis au préfet d'être informé de la décision de classement sans suite prise par les services du Parquet concernant les faits visés par l'inscription au TAJ sur lesquels il s'est fondé ;

- ce vice de procédure l'a privé d'une garantie et a exercé une influence sur le sens de la décision attaquée ;

- la décision attaquée viole l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la procédure relative aux faits visés par l'inscription au TAJ sur lesquels le préfet s'est fondé a été classée sans suite et que, par suite, la menace à l'ordre public n'est pas caractérisée ;

- la décision attaquée viole l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors notamment qu'il ne pourrait obtenir effectivement en Côte d'Ivoire un traitement approprié à sa pathologie, à savoir une prise en charge pluridisciplinaire, notamment le suivi par un neurologue, dont il bénéficie en France ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle viole le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle viole les dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- elle est entachée de disproportion quant à sa durée, dès lors notamment que sa présence en France ne constitue pas une menace à l'ordre public et qu'il n'a jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 27 mars 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 24 juillet 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 30 août 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mantz,

- les observations de Me Sauvadet, représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant ivoirien né le 1er janvier 1967 et entré en France, selon ses déclarations, le 10 janvier 2015, a sollicité, le 15 février 2022, la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé. Par un arrêté du 12 juillet 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. D... relève appel du jugement du 4 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, M. D... invoque l'irrégularité du jugement attaqué en ce qu'il serait entaché d'un défaut de motivation au motif, d'une part, que les premiers juges ont considéré que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public du fait qu'il était connu au fichier du traitement des antécédents judiciaires (TAJ) en tant qu'auteur de faits de viol commis sous l'emprise de produits stupéfiants, faits non contestés dans leur matérialité ou leur imputabilité, et que circonstance entraînait l'inopérance du moyen tiré de la violation de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. D... fait valoir à cet égard sans être contredit que le moyen invoqué par lui en première instance tiré de l'erreur de fait visait en réalité, non pas à contester la simple inscription des faits dans un fichier auquel il n'avait en toute hypothèse pas accès, mais bien à contester la matérialité et l'imputabilité des faits qui lui étaient reprochés. D'autre part, M. D... soutient que le tribunal n'a, en tout état de cause, pas indiqué les éléments propres à caractériser la menace à l'ordre public, mais s'est borné à valider l'argument du préfet consistant à déduire l'existence d'une telle menace de la seule mention au TAJ des faits précités. Toutefois, les arguments ci-dessus invoqués par M. D... au soutien du moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement relèvent en réalité du

bien-fondé de ce dernier et non de sa régularité.

3. En second lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. D... ne peut donc utilement se prévaloir, pour contester la régularité du jugement attaqué, de ce que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'une dénaturation des faits de l'espèce.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

Sur les moyens de légalité externe communs à la décision de refus de séjour et à l'obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour, qui analyse la situation personnelle de M. D... et mentionne les dispositions pertinentes sur lesquelles le préfet, qui n'avait pas à mentionner l'ensemble des circonstances relatives à cette situation, a entendu se fonder est, comme l'exigent les articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, motivée. L'obligation de quitter le territoire français, prise sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'avait, quant à elle, en application de l'article L. 613-1 de ce code, pas à faire l'objet d'une motivation spécifique. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions susmentionnées doit, par suite, être écarté.

5. En second lieu, l'examen de la motivation des décisions attaquées telle que mentionnée au point 4 ne révèle aucun défaut d'examen de la situation personnelle du requérant.

Sur la légalité de la décision de refus de séjour :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié se voit délivrer un carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

7. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

8. Le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), par un avis du 1er juin 2022, a considéré que l'état de santé de M. D... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, son état de santé pouvant lui permettre en outre de voyager sans risque vers ce pays.

9. Il ressort des pièces du dossier que M. D... souffre de céphalées chroniques invalidantes et de troubles cognitifs des suites d'un hématome sous-dural opéré en 2018. Il ressort notamment d'un certificat du docteur C..., médecin généraliste, daté du 11 janvier 2023, postérieur à la décision attaquée mais de nature à révéler une situation antérieure ou concomitante à celle-ci, que le traitement de l'intéressé " repose sur des antalgiques et des anxiolytiques ". Ce certificat mentionne en outre qu'" il est indispensable qu'il (M. D...) puisse séjourner en France pour surveillance médicale ". M. D... soutient qu'outre son traitement médicamenteux, il bénéficie d'une prise en charge pluridisciplinaire en France, basée notamment sur l'accompagnement conjoint d'un médecin généraliste et d'un neurologue, et dont il lui serait impossible de bénéficier en Côte d'Ivoire, dès lors qu'il est originaire d'un village du département de Dabakala où il serait contraint, en cas de retour, de résider et qui est distant d'une centaine de kilomètres de Bouaké, ville où se situe le service de neurologie le plus proche. Toutefois, d'une part, M. D... n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement médicamenteux approprié à sa pathologie en Côte d'Ivoire, aucune pièce du dossier ne faisant état d'une pénurie de médicaments antalgiques ou anxiolytiques dans ce pays. Par ailleurs, il résulte des écritures mêmes de M. D... que, selon un article intitulé " Les bassins de santé des services publics de neurologie dans le cadre des consultations en épileptologie à Abidjan ", paru en 2018 dans la " Revue internationale de science médicale ", éditée par les

Presses universitaires de Côte d'Ivoire, ce dernier pays " compte quatre services publics de neurologie dont trois sont localisés dans la capitale économique Abidjan et un au sein du CHU de Bouaké ". Si l'article en question mentionne que ces services sont " en nombre insuffisant ", il est toutefois de nature à établir qu'une surveillance médicale dans un service de neurologie est accessible à M. D... en Côte d'Ivoire, celui-ci n'invoquant à cet égard aucun élément précis de nature à établir qu'il ne pourrait, le cas échéant, rapprocher sa résidence de l'une des deux villes précitées disposant d'un tel service ou ne pourrait disposer d'un moyen de transport adéquat pour s'y rendre à partir du village dont il est originaire. Par suite, les éléments invoqués par

M. D... ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation du collège des médecins de l'OFII selon laquelle il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article

L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ainsi que celui, pour les mêmes motifs, tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.

10. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. M. D... fait valoir qu'il réside en France depuis 2015, qu'il y a développé des liens forts et qu'il est pris en charge médicalement. Toutefois, l'intéressé, qui est célibataire sans charges de famille, ne fait état d'aucune vie familiale en France, ni d'ailleurs de relations amicales significatives ou d'une insertion particulière, alors qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du certificat du docteur B..., en date du 19 avril 2023, produit par M. D... lui-même, qu'il a une fille et un grand-frère en Côte d'Ivoire, pays dans lequel il a vécu jusque l'âge de 48 ans au moins. En outre et ainsi qu'il a été dit au point 9, l'intéressé n'établit pas qu'il ne pourrait être soigné en Côte d'Ivoire. Dans ces conditions, et à supposer même établie la résidence continue en France de l'intéressée depuis 2015, le préfet de police n'a pas porté, par la décision attaquée, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, ainsi que celui, pour les mêmes motifs, tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

12. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale : " I. - Dans le cadre des enquêtes prévues à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, (...) les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes, à l'exception des cas où sont intervenues des mesures ou décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenues définitives, ainsi que des données relatives aux victimes, peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par: / (...) / 5° Les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'Etat. L'habilitation précise limitativement les motifs qui peuvent justifier pour chaque personne les consultations autorisées. Lorsque la consultation révèle que l'identité de la personne concernée a été enregistrée dans le traitement en tant que mise en cause, l'enquête administrative ne peut aboutir à un avis ou une décision défavorables sans la saisine préalable, pour complément d'information, des services de la police nationale ou des unités de la gendarmerie nationale compétents et, aux fins de demandes d'information sur les suites judiciaires, du ou des procureurs de la République compétents. Le procureur de la République adresse aux autorités gestionnaires du traitement un relevé des suites judiciaires devant figurer dans le traitement d'antécédents judiciaires et relatif à la personne concernée. Il indique à l'autorité de police administrative à l'origine de la demande si ces données sont accessibles en application de l'article 230-8 du présent code (...) ". Aux termes de l'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et programmation relative à la sécurité : " Il est procédé à la consultation prévue à l'article L. 234-1 du code de la sécurité intérieure pour l'instruction des demandes d'acquisition de la nationalité française et de délivrance et de renouvellement des titres relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers et des demandes de visa ou d'autorisation de voyage prévus aux articles L. 312-1, L. 312-2 et L. 312-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que pour la nomination et la promotion dans les ordres nationaux. ".

13. D'autre part, aux termes de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".

14. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. D..., le préfet de la

Seine-Saint-Denis s'est également fondé sur la circonstance, révélée par la consultation du fichier du traitement des antécédents judiciaires (TAJ), que l'intéressé était connu pour des faits de viol commis sous l'emprise de produits stupéfiants, le 6 décembre 2019, et qu'au regard de ces faits, son comportement constituait une menace pour l'ordre public, ce qui était de nature à fonder un tel refus. Ainsi que le soutient M. D..., il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait, avant de refuser de faire droit à sa demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions susvisées de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, saisi le procureur de la République compétent aux fins de demandes d'information sur les suites judiciaires, conformément aux dispositions du 5° du I de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale. Or, il ressort des pièces produites par M. D..., que, par un courriel du

9 avril 2024 adressé au cabinet KetB avocats, les services du Parquet du tribunal judiciaire de Bobigny ont informé son conseil qu'une décision de classement sans suite avait été prise concernant les faits visés dans l'inscription au TAJ le concernant. Par suite, les faits invoqués par le préfet résultant de la consultation du TAJ, non établis, ne pouvaient caractériser la menace à l'ordre public opposée à M. D.... Le vice de procédure mentionné ci-dessus ayant privé

M. D... d'une garantie, le motif de refus de séjour fondé sur l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est entaché d'illégalité. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'examen de l'arrêté attaqué, que ce motif de refus de séjour tiré de la menace à l'ordre public a été retenu par le préfet à titre surabondant, et qu'il aurait pris la même décision s'il ne s'était pas fondé sur les mentions figurant dans le fichier TAJ mais uniquement sur les deux premiers motifs fondés pour le premier sur l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et pour le second sur l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure dont est entaché la procédure préalable à la décision de refus de séjour est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

15. En premier lieu, M. D... invoque les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction applicable, aux termes desquelles " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, ce moyen doit être écarté.

16. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11, les moyens tirés de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés en tant qu'ils sont dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français.

Sur la décision fixant le pays de destination :

17. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Et aux termes de l'article L. 721-4 de ce code : (...) " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

18. Si M. D... invoque son état de santé au soutien du moyen tiré des dispositions et stipulations qui précèdent, il résulte de ce qui a été dit au point 9 qu'il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie en Côte d'Ivoire. Par suite, ce moyen doit être écarté ainsi que celui, pour les mêmes motifs, tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

19. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-7 du même code, dans sa rédaction applicable : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-8 de ce code, également dans sa rédaction applicable : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Et aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

20. Pour prendre à l'encontre de M. D... une décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, le préfet de la Seine-Saint-Denis a effectué, ainsi qu'il l'indique dans son arrêté, un " examen d'ensemble " de sa situation au regard des critères mentionnés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, le motif, qui fait partie de ces critères, relatif à la menace pour l'ordre public que représenterait la présence de M. D... sur le territoire français est, ainsi qu'il a été dit au point 14, erroné. Or il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision, notamment sur la durée de l'interdiction de retour, s'il s'était fondé uniquement sur les motifs correspondant aux autres critères. Dès lors, M. D... est fondé à soutenir que cette décision est entachée d'une erreur dans l'appréciation de sa situation. Il y a lieu, par conséquent, d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2022 en ce qu'il a fixé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :

21. Le présent arrêt n'impliquant pas que le préfet délivre à M. D... un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou procède au réexamen de sa situation, les conclusions à fin d'injonction présentées par l'intéressé doivent être rejetées.

En ce qui concerne les frais liés au litige :

22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2300084 du 4 janvier 2024 du tribunal administratif de Montreuil est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la demande de M. D... tendant à l'annulation de la décision du 12 juillet 2022 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Article 2 : L'arrêté du 12 juillet 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis est annulé en ce qu'il fait interdiction de retour à M. D... sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

- Mme Doumergue, présidente,

- Mme Bruston, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2025.

Le rapporteur,

P. MANTZLa présidente,

M. DOUMERGUE

La greffière,

E. FERNANDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA00531 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00531
Date de la décision : 31/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : CABINET KOSZCZANSKI & BERDUGO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-31;24pa00531 ?
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